Le risque de voir la Libye être un théâtre de conflits armés entre acteurs étrangers, lesquels ont joué, faut-il le rappeler, un rôle majeur, dans l’effondrement de ce pays, en 2011, notamment avec l’intervention de l’Otan, à l’initiative de la France, est inquiétant voire plus sérieux, après que des années durant ces mêmes acteurs, ont nourri et entretenu les divergences entre les libyens, écartant ainsi, tout règlement de la crise libyenne, par un processus politique.
Si tout au long de ces dernières années, notamment depuis la médiation des Nations unies, pour l’élaboration et la traduction d’une feuille de route politique, tout a été fait pour maintenir à un niveau les tensions et les conflits armés, entre belligérants libyens, sans avoir d’impacts majeurs sur la gestion des ressources naturelles de ce pays, au profit des membres influents de l’Otan, devant récolter les dividendes de leurs interventions militaires outre de leur mainmise sur les ressources énergétiques et les voies d’approvisionnement en énergie, source des tensions géostratégiques, entre les puissants de ce monde. Depuis la signature, le 27 novembre dernier, entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et le chef du gouvernement d’union nationale libyen (GNA), reconnu par l’ONU, Faiez Sarraj, d’un mémorandum militaire, turco-libyen, approuvé par le parlement turc samedi dernier, la Libye risque d’être la scène de conflits armés, entre acteurs étrangers, après le conflit et les tensions entre les libyens, ces dernières années. Alors que le dernier rapport rédigé par des experts adressé, au Conseil de sécurité de l’ONU fait état de livraisons clandestines d’armes aux différents belligérants ainsi que la présence sur le terrain de « combattants étrangers », dont bon nombre de provenance des zones de conflits, en Irak et Syrie, notamment après la défaite des terroristes de daech et consœurs, l’escalade verbale des uns et des autres semble conduire, directement à une escalade militaire, laquelle déstabilisera davantage un peu plus la région, qui fait face , déjà à une situation critique au Sahel.
Les intérêts étrangers nourrissent le risque de déstabilisation
Avec l’escalade dans le discours et les déclarations d’acteurs libyens, qu’ils soient du gouvernement de Fayez Al-Sarraj ou ceux du général à la retraite Khalifa Haftar, dans le sillage des propos et de signe de responsables, de pays, comme la Turquie, égypte, Emiratis, Arabie saoudite, Qatar, France, états-Unis, Italie et Russie, le simple citoyen libyen peine à faire entendre sa voix et faire parvenir son écho au Conseil de sécurité, lequel s’est dit l’avoir bien écouté, en 2011, pour faire barrage à toute escalade militaire étrangère en Libye et faire cessez le bruits des armes, qui n’a pas cessé, depuis 2011. N’ignorant pas que les lobbies du secteur militaro-industriel ayant enregistré des bénéfices colossaux, ces dernières années, avec les guerres, en Syrie, Yémen, Irak et même en Libye, ce dernier se frotte déjà les mains de voir réunir au fil des évènements en Libye, notamment depuis avril dernier, les conditions d’une guerre d’une grande envergure. L’immobilisme du Conseil de sécurité, du responsable onusien du dossier libyen, Ghassan Salamé, à lancer une démarche effective visant à renverser la vapeur de l’escalade, en faisant valoir les résolutions onusiennes, en matière notamment de l’interdiction de livraison des armes, est plus qu’inquiétant.
Du côté de l’Union africaine, il est à se demander sur les raisons de l’absence à ce jour, d’un appel urgent à la tenue d’une réunion du Conseil de sécurité, pour obliger les belligérants libyens à faire cesser les conflits armés et à obliger des pays étrangers à épargner, aux libyens et à la région une guerre, qui si elle venait à éclater, sera difficile à maîtriser. Le responsable onusien Salamé s’est et continue de discourir sur la rencontre de Berlin, pour le règlement de la crise politique en Libye, alors que depuis des mois, la montée d’un cran du dialogue des armes a pris le dessus, éloignant davantage, toute perspective de règlement politique, ce qui amène des observateurs avisés à affirmer que «la stratégie du chaos constructive » est à l’ordre du jour, en Libye, risquant de voir ce pays, perdre son unité et revenir des décennies en arrière, jusqu’à l’Avant émergence du projet et du rôle du défunt martyr libyen Omar el-Mokhtar.
Avant-hier, le porte-parole de l’armée nationale libyenne, conduite par le général à la retraite, Khalifa Haftar, appuyé par la France, Ahmed Mesmari, annonçait dans un point de presse que « l’armée libyenne est prête à s’opposer à l’invasion turque qui cible la Libye, par la force du feu » expliquant que « les milices de Misrata sont en train de préparer le terrain à cette invasion, qui devrait se faire à partir des ports et aéroports de Misrata », Il a fait savoir que, depuis des mois, « les Turcs n’ont pas cessé, avec la complicité du gouvernement de Tripoli, de déplacer les terroristes de Daech vaincus en Syrie, dans les zones sud-ouest de la Libye » a-t-il précisé., en préparation de l’invasion du pays.
L’accord entre Ankara et le GNA permet à la Turquie d’étendre ses frontières maritimes dans une zone de Méditerranée orientale où, faut-il le noter, d’importants gisements d’hydrocarbures ont été découverts ces dernières années. Hier, le chef de la diplomatie grecque Nikos Dendias a effectué une visite éclair à Benghazi, fief du maréchal Khalifa Haftar, dans l’est libyen, sur fond de tensions après la signature du dit accord maritime, qui pour Athènes, est une «violation du droit maritime international et des droits souverains de la Grèce et d’autres pays».
Karima Bennour