La ministre de l’Éducation, Nouria Benghabrit, a affirmé, lors de sa dernière sortie médiatique, que l’école a pour devoir d’ancrer et de promouvoir l’identité culturelle algérienne.
En effet ; évoquant, avant-hier samedi, en marge de la cérémonie de distinction des 10 lauréats du concours national de composition épistolaire, le devoir qui échoit désormais à l’école de redonner au référent culturel la place qui devrait être la sienne ; la ministre de l’Éducation nationale commet un geste politique très courageux en appelant à mettre sur une table de réflexion un sujet des plus sensibles. Un sujet qui continu de faire débat au sein des philosophes, sociologues et universitaires des grandes sociétés de ce monde. Car, au fait, à l’ère de la mondialisation qui tend à imposer le diktat d’une homogénéisation globale comme unique réalité humaine, le concept d’identité culturelle renvoie à un acte de résistance et de survie de l’identité socioculturelle.
La langue implique, pour les individus d’être assujettis à une filiation
Le terme identité culturelle se heurte souvent à une profonde problématique socioculturelle, surtout lorsqu’il est employé pour faire valoir une différence, une propriété originelle, voire une propriété qui colle à la société et qui la définit, poussant la société à ciseler son identité autour de ce qu’elle croît être son essence originelle. à cela peut se poser le problème de la langue, qui est indispensable à la formation de l’identité culturelle en tant que facteur de cohésion sociale et se définissant comme le socle au sein duquel se forgent les spécificités identitaires. La langue étant l’expression, non seulement du conscient collectif mais aussi celle de la mémoire collective, implique le fait pour les individus d’être irrévocablement assujettis à une filiation aussi lointaine dusse-t-elle avoir été. Or, du point de vue socioculturel, l’Algérie est le produit d’une hybridation historique et des grands mouvements migratoires, elle est le produit d’un métissage des corps et des filiations et par delà d’un produit de métissage de la pensée qui a transmuté les différences présumées et qui a opéré une métamorphose dans la vision collective du monde. Ce que les sociologues appellent : le communautarisme dans un état nation Algérien.
Il est connu, à travers l’histoire, que le communautarisme peut comporter des lapsus qui ont souvent conduit à l’enfermement des individus dans des catégories et dans des substrats communautaires qui ne les font agir ou penser que par rapport aux étiquettes qu’on leur a fait prendre sur le front, et qui les poussent à se sentir différents, à se voir doublement exclus ou pis encore de se sentir déchus de leur identité et c’est de ce genre de sentiment que naissent et émanent les conflits. L’exemple vécu dans les pays des Balkans en est l’un des plus édifiants. De même que le cas des conflits incessants opposant Kurdes aux Syriens, aux Irakiens et aux Turques n’en est pas moins typique. Citant le terme de : identité culturelle algérienne, sans lui avoir collé une connotation linguistique ou religieuse, Benghabrit devait avoir l’intime conviction d’une Algérie au sein de laquelle la société se compose de multiples communautés qui s’entrecroisent sur un même territoire. Une société composite où les communautés se sont construites autour des valeurs symboliques diverses, et dans laquelle aucune différence ne persiste entre Chaouis, Kabyles, Arabes et Mozabites. Voici justement l’acte de génie de Mme Benghabrit. Il est important, voire salutaire, de défendre l’idée que l’identité culturelle algérienne est la résultante de la combinaison entre la continuité des différentes cultures dans l’histoire et de la distinction du fait des brassages. Car, c’est au cœur de cette métamorphose magique du conscient collectif algérien que se dessine la continuité véritable des choses utiles. Lire et écrire en œuvre Algérien, comme l’y invite Benghabrit, c’est au final, lire et écrire dans cet esprit de pluralisme communautaire.
Protéger l’identité culturelle algérienne dans un esprit d’universalisme
Personne n’ose aujourd’hui contredire ou nier le fait que la mondialisation comparée à l’humanisme n’a d’yeux que pour le profit, et que seul le domaine de la vie sociale a pu, jusque là, échapper à cette logique de profit, à moins qu’interviennent des tentatives de manipulation visant à la création de conflits, lesquels peuvent servir la mondialisation en alimentant ou en finançant l’industrie de guerre. Dans le contexte sociétal, la résistance ne concerne pas uniquement les médiats qui sont devenus tributaires de l’audimat. L’école est le lieu d’inculcation des valeurs qui peuvent garantir à la société sa pérennité. En reconnaissant tamazight comme réalité dans l’identité algérienne, l’État algérien a assumé sa responsabilité, les Algériens, tous, ont le devoir d’imaginer les moyens pour résister efficacement. De par ces atouts divers et variés, l’Algérie pourra contribuer à faire à ce que la mondialisation ne soit pas seulement celle des industries culturelles qu’elle sait manipuler au nom du profit, mais qu’elle devienne respectueuse des diversités culturelles.
Zacharie S Loutari