« Nous ne naissons pas champions, nous le devenons avec la sueur et le travail », c’est ainsi que Salima Souakri, la judokate algérienne de renommée internationale, championne d’Afrique et mondialiste, a introduit son ouvrage intitulé «Ceinture noire, Cœur blanc». Un livre, rare en son genre, qui n’a pas trouvé de difficultés à faire sa percée parmi d’autres ouvrages au 23e Salon international du livre d’Alger (SILA 2018). Cette publication retrace l’itinéraire et les exploits sportifs d’une combattante. Cet ouvrage, écrit par le journaliste et écrivain, Jaoudet Gassouma, est édité chez les éditions «Al Bayazin». Dans cet entretien, qu’elle nous a accordé, Salima Souakri s’exprime sur les colonnes du Courrier d’Algérie sur les circonstances de l’écriture et de la publication de son premier livre.
-Le Courrier d’Algérie : Vous êtes une femme sportive qui a honoré l’Algérie sur les plans africain et international, de par vos nombreux exploits. Pourquoi ce livre et pourquoi maintenant ?
-Salima Souakri : Je suis ravie de la naissance de cet ouvrage qui illustre un peu mon vécu sportif et particulièrement en tant que femme sportive et qui représente donc le sport féminin. C’était un long combat pour moi marqué par des étapes très intéressantes. De mes premiers pas sur un tapis de judo quand j’avais 9 ans, en 1984, jusqu’à la fin de ma carrière en 2008. J’ai commencé ma carrière en pratiquant ce sport connu surtout comme une discipline dite «d’hommes». En 1984, ce n’était pas du tout évident de pratiquer ce sport surtout que je suis issue d’un quartier populaire, où tout était tabou pour les femmes. Donc il fallait vraiment se battre; car gagner ce défi était pour moi une priorité. J’ai obtenu ce que je voulais et mon objectif est atteint. J’estime que mes exploits sportifs ont contribué à la promotion du sport féminin en Algérie. Toutes ces étapes on les a illustrées avec le journaliste écrivain, Jaoudet Gassouma. Moi et mon collaborateur avons beaucoup travaillé sur ce livre qui nous a pris deux ans de temps.
-Vous laissez entendre que vous vous battez pour l’émancipation de la femme et la promotion de ses droits en faisant reculer les mentalités rétrogrades. Qu’en est-il ?
Ce n’était pas évident pour moi dans la mesure où nous vivons dans un environnement où tout était tabou pour la femme. Pour s’affirmer il fallait réussir et tous ceux qui étaient contre pour que la femme pratique un sport, et particulièrement un sport de combat, sont devenus mes propres fans. Plus que ça, ils étaient fiers qu’une fille de leur quartier les représente bien, sur les plans régional et national et même international. Malheureusement, le temps d’après la décennie noire n’était pas une période qui allait arranger les choses pour nous, parce qu’elle avait coïncidé avec mon intégration à l’équipe nationale. Je me souviens, on s’entraînait tard le soir pour rentrer à la maison. Ce climat était dangereux mais il fallait rester là, en Algérie, pour combattre coude-à-coude.
Malheureusement certains clubs ont fermé la porte aux sections féminines. Je ne savais pas pourquoi, si c’était par peur ou par conviction ?
En tout cas, nous, nous avons continué à se battre et nos exploits sportifs, à travers les médailles que nous avons arrachées, ont redonné de l’espoir à toute une population et particulièrement aux femmes algériennes. -Vous évoquez avec nous un sujet qui dépasse le stade sportif…
Pendant qu’en y est, comme vous en pensez, certains discours font porter à la femme tous les maux de la société. D’après vous, pourquoi ces mentalités sévissent encore ?
– C’est triste de le constater en effet, surtout qu’on vit aujourd’hui en 2018. On habite un pays démocratique où la femme est épanouie pour atteindre tous les niveaux de vie. Donc c’est bien dommage qu’on entende encore parler de ces idées. Malgré cela la femme doit continuer à se battre car j’ai pleine confiance en la femme algérienne. Elle sait toujours très bien lutter et elle a toujours représenté, dignement et dans tous les domaines, l’Algérie.
-Aujourd’hui, vous exercez le métier d’entraîneur d’équipes d’enfants, notamment des filles. Voyez-vous d’autres Salima Souakri à l’horizon?
-Oui, effectivement il y a des filles qui ont un bon niveau et regorgent de compétences sportives. Il leur faut juste une bonne prise en charge et un bon encadrement pour percer et réussir. J’espère que les responsables à la tête du MJS et des différentes fédérations sportives donneront plus de moyens à ces filles sportives. -Pour conclure, un mot sur la situation actuelle de la discipline du judo… -Je constate que ce sport patine un peu, mais j’espère que les responsables vont s’impliquer davantage pour faire accélérer la cadence des préparatifs en prévision des Jeux Olympiques prévus en 2020. Je voudrais dire par là qu’il faut qu’ils mettent les moyens à la disposition des sportifs afin qu’ils décrochent des titres et honorer l’Algérie.
Z. G.