Par Ali El Hadj Tahar
Comme la patate, la tomate industrielle est en surproduction en Algérie. Mais qu’en faire ? 2 500 producteurs ont décidé d’en abandonner la culture car elle ne trouve pas preneur, faute d’unités de transformation. C’est ce qu’a affirmé la Confédération algérienne du patronat (CAP), qui précise que l’industrie de la tomate compte plusieurs unités à l’arrêt. Actuellement les installations ont un potentiel de production estimé à 60 000 tonnes de concentré de tomate. Ce sont donc près de « 12 000 familles qui se retrouvent dans la précarité à cause des problèmes auxquels font face les entreprises de l’industrie agroalimentaire», précise la CAP, or, lors de la campagne 2018-2019, la production de tomate fraîche a atteint 16 503 498 quintaux, dont plus de 8 millions ont été transformés, soit seulement 50 % de la production totale. Par conséquent, elle se retrouvait même sur les étals des marchés, concurrençant la tomate de table, qui était bradée, elle aussi. Lorsqu’elle n’était pas jetée dans les oueds ou abandonnée sur pied. Pourtant dans les années 1990, cette filière était pourvoyeuse de 120 000 postes de travail dans l’amont et l’aval du cycle d’exploitation. «En 1992, prise en charge par l’État, la filière s’était développée au point d’atteindre en 1996 une production de double et triple concentré de tomate largement supérieure aux besoins nationaux», écrit l’économiste Abdeltif Rabehi. L’excédent avait été exporté en Russie. Jusqu’à 2002, le volume de production satisfaisait plus de 80% des besoins nationaux, mais dès les années 2000, frappée par la concurrence étrangère, cette filière de l’agroalimentaire va subir les conséquences à tous les niveaux : les surfaces cultivées vont chuter de 32 000 ha (en 1996) à 6 000 ha à 7000 ha. Les importations, quant à elles, vont atteindre des pics. De pays exportateur, l’Algérie devient de plus en plus dépendant du container venant de l’étranger. Alors que les importations n’étaient que de 5 tonnes en 2 000 à 50 000 tonnes en 2009, avec l’allocation de milliards de DA à la seule importation de la boîte métallique du triple concentré.
Depuis, la reprise de la filière a été difficile mais les producteurs ont persévéré et ont pu augmenter la superficie cultivée à 24 820 hectares en 2018. L’industrie de transformation n’a malheureusement pas suivi le rythme des cultivateurs. D’ailleurs, même si des investissements ont pu être faits ces dernières années dans le domaine de l’agro-alimentaire, le tissu industriel y afférent reste insuffisant. Aujourd’hui, c’est à l’État de relever le défi de promouvoir la filière de la production de la tomate industrielle et du concentré de tomate, comme de relever le défi de la production de pomme de terre, de son stockage, sa transformation et son exportation. À elles seules, ces deux filières peuvent assurer au pays des rentrées importantes de devises, alors que les produits agricoles algériens susceptibles de se retrouver sur les étals de pays étrangers se comptent par dizaines si l’État arrivait à définir une stratégie consensuelle et définitive qui implique tous les opérateurs, du cultivateur à l’exportateur.
Les grands marchés européens, asiatiques, moyen-orientaux, et même américains et sud-américains sont ouverts à tout produit susceptible de les conquérir. D’ailleurs, l’on s’interroge sur l’intérêt qu’aura à gagner l’Algérie en signant son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce, si ce n’est pour trouver des débouchés à notre production nationale. Évidemment, la production ne va guère sans conditionnement et présentation pour répondre aux normes internationales : ces critères, c’est aux producteurs de les assurer alors qu’à l’État revient la tâche d’orienter et d’aider à trouver des marchés potentiels.
A.E.T.