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Kateb Yacine : La passion des révolutions portée au théâtre populaire

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Avec une plume trempée dans la mort et l’oppression et un univers de création solidement chevillé à sa société algérienne dans ce qu’elle a de plus authentique, le dramaturge, poète et romancier Kateb Yacine, qui aura grandement contribué au théâtre et à la littérature, continue d’inspirer la scène culturelle et académique en Algérie comme à l’étranger.

Né en 1929 près de Constantine, Kateb Yacine aura vécu dans sa chair un des épisodes les plus sanglants de l’histoire de l’Algérie, les massacres du 8 mai 1945, durant lesquels il a été emprisonné, perdu de nombreux proches et vu sa mère perdre la raison. Dénonçant les affres du colonialisme par sa jeune plume il écrivait en préface de son premier recueil de poésie « Soliloques »: « j`ai commencé à comprendre les gens qui étaient avec moi, les gens du peuple (…) Devant la mort, on se comprend, on se parle plus et mieux ». Après la prison de Sétif, ou il dit avoir été « tué fictivement, les yeux ouverts auprès de vrais cadavres et loin de ma mère », le collégien studieux va embrasser la cause de la patrie usurpée pour mettre son talent au service de cette cause. Habité par l’idéal d’une Algérie indépendante, dont le soixantenaire du recouvrement de la souveraineté est célébré cette année, Kateb Yacine va donner en 1947 à Paris, une conférence sur l’Emir Abdelkader intitulée « Abdelkader et l’indépendance algérienne ». Journaliste, poète, docker, ou encore écrivain public, sa fascination pour les révolutions pousse le jeune dramaturge à publier ses premières pièces dans le recueil « Le cercle des représailles » comprenant quatre pièces dont « le cadavre encerclé » mis en scène par le Français Jean-Marie Serreau, en 1954. C’est en 1956 que Kateb Yacine va chambouler la sphère littéraire avec son célèbre roman « Nedjma » et enrichir la bibliographie algérienne naissante d’une œuvre majeure qui s’ajoute à la trilogie de Mohamed Dib, aux écrits de Mouloud Feraoun, ou encore aux romans de Mouloud Mammeri. Malgré le succès de son premier roman, l’auteur ne dévie pas de sa passion pour le 4e Art, la Guerre de libération nationale, la guerre du Vietnam et la cause Palestinienne mettront Kateb Yacine sur la voie d’un nouveau procédé théâtral, celui d’écrire l’histoire universelle des révolutions et les mettre en scène à la façon du théâtre grec.

Un théâtre qui s’adresse au peuple
D’une rencontre entre Kateb Yacine, dramaturge de génie, et la jeune troupe du « Théâtre de la mer », créée en 1968 par Kadour Naimi, un jeune metteur en scène d`Oran qui a tenté les premières expériences d’un théâtre inspiré de la « Halqa », est né dans les années 1970 le théâtre populaire algérien, un art d’expression dialectale avec un objectif pédagogique. De cette rencontre, sortira le premier spectacle, mis en scène par Mustapha Kateb, la célèbre pièce « L’homme aux sandales de caoutchouc » jouée, pour la première fois, au Théâtre national algérien en 1971. Le théâtre populaire était produit par l’Action culturelle des travailleurs (Act) initiée par Mohamed Saïd Mazouzi, ministre du Travail dans les années 1960-1970. L’œuvre de Kateb Yacine s’est par la suite universalisée avec « La Guerre de deux mille ans », inspirée du théâtre grec et qui a valu à la troupe une tournée de trois ans en France. Après l’Act, Kateb Yacine va diriger le Théâtre régional de Sidi Bel Abbes et sillonner avec sa troupe les villages et les places publiques de la région pour faire découvrir le théâtre à ceux qui n’y ont pas accès. Quelques années avant sa disparition, le 28 octobre 1989, Kateb se rapproche de son idéal d’œuvre historique universelle en écrivant, en 1986, un extrait de pièce sur Nelson Mandela. Une dernière œuvre qui sera mise en scène par Thom as Gennari mais en l’absence du dramaturge, emporté par la maladie. Aujourd’hui, plus de 30 ans après sa mort, l’œuvre de Kateb Yacine a grandement survécu à son auteur à travers la scène théâtrale algérienne qui continue de revisiter ses textes et d’explorer de nouvelles mises en scène et adaptations, en plus des innombrables études universitaires. Nombre de ses compagnons de route ont également perpétué son entreprise dans le théâtre amateur, le théâtre universitaire, la formation artistique, ou encore le conte populaire.

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