L’histoire est, dit-on, un éternel recommencement. Ce que Taoufik Makhloufi, sûr de son talent (immense soit-dit en passant) vient de démentir le temps d’une finale de 800 m de grand cru. En suivant le chemin contraire pour les raisons qu’on rappellera ici bas. En espérant qu’il fera, cette fois, coup double en revenant au pays avec un doublé phénoménal. La couronne de champion olympique sur sa distance fétiche du 1500 m, adoubée à son petit exploit de mardi matin et son tout nouveau statut de vice champion derrière le quasi- imbattable Kényan David Rudisha. Flash-back.
Retour en arrière. On est à Londres. 2012. à quelques encablures du baisser de rideau des 30e olympiades organisées sur le sol de Sa Majesté, notre demi-fondiste frappe un grand coup en mettant tout le monde d’accord et décrocher l’or dans l’épreuve-reine de la non moins discipline reine des J.O. 3’34’’08 au chrono et une satisfaction, enfin, qui sauve la face d’un sport algérien parti avant cette chevauchée fantastique de l’enfant de Souk-Ahras qui illuminera, par une soirée magique faite pour les stars, le ciel de la capitale anglaise, de marquer d’une pierre noire la sortie universelle avec un zéro pointé pour la couleur la plus prisée qu’est le vermeil. Une belle victoire qui lui permet d’entrer dans le cercle très fermé des médaillés d’or dans l’histoire du 1500 m et rejoindre dans l’histoire le trio magique Hassiba Boulmerka (JO de Barcelone 92, Noureddine Morceli JO d’Atlanta 1996), et Nouria Benida (JO de Sydney 2000). Le chemin contraire, mais des envies certaines de faire mieux, lui qui se rappelait sûrement, avant d’aller en découdre avec l’école kenyane et un Rudisha traçant d’entrée de qualifications son territoire, ces moments si difficiles suite à l’affaire de l’abandon survenue quatre années auparavant lors de la 5e série du tour éliminatoire sur cette même distance qui le verra finalement décrocher l’argent. Un Toufik bien en jambes, gérant bien et ses émotions et ses forces avant un joli finish, mais un peu loin derrière le vainqueur du jour et non moins super favori dont le chrono se passe de tout commentaire et qui confirmera son titre à Londres. Dans le bon couloir dès le début de la course, l’Algérien n’a finalement pas craqué dans la dernière ligne droite et prend très logiquement le second rang juste derrière ce qui s’apparente, disent les observateurs, à une vraie légende (il devient dans la foulée- sans jeu de mots- le quatrième half miler à remporter deux titres olympiques sur 800 m, après le Britannique Douglas Lowe entre 1924 et 28, l’Américain Mal Whitfield en 1948-52) et le Néo-Zélandais Peter Snell en 1960-64) dans la lignée de celles, nombreuses, qui égaient sans cesse et par fournées entières, la fabrique de champions à ciel ouvert qu’est le Kenya qui confirme ainsi sa main mise totale sur les longues distances. Les Algériens, qui désespéraient voire les bagages de leurs sportifs s’alourdir d’au moins une médaille ont, désormais, le droit de rêver à mieux maintenant que leur champion de Londres, qui a retrouvé la lumière à Rio, disent les analystes, «mis à profit sa résistance et son finish pour s’emparer de la médaille d’argent, avec un nouveau record national et offrir une première breloque pour le pays.» Et pourtant. Pourtant, on craignait le pire pour lui après la surprenante («un tel enchaînement, 800 m -1500m, ne semble pas facile», selon l’appréciation de nombre d’anciens champions s’étant exprimé sur la question, à l’image d’un Morceli, son auguste aîné, pour ne citer que celui par qui le chemin sera tracé) décision prise de monter d’un cran dans ses ambitions. En jouant sur les deux tableaux, Makhloufi, toujours selon Morceli, allait «risquer gros», au contraire d’un Sid Ali Sief qui louera les qualités de son compatriote, en estimant que «si Makhloufi a opté pour le 800m, c’est qu’il se sent probablement plus à l’aise dans cette course. On l’a vu cette saison où il s’est pleinement consacré plus à cette épreuve (deux tours de piste). La course 1500m ça sera que du bonus pour lui.» Apparemment bien vu après cette médaille d’argent qu’il faudra transformer dans le plus pur des métaux précieux, en or , le champion algérien ayant, et il l’aura démontré à mi-chemin d’un historique doublé, le potentiel pour aller chercher l’exploit. Et c’est tout naturellement qu’il lorgne sur un autre podium et la possibilité de marquer encore plus les imaginations et rejoindre dans le livre d’or les grands de la discipline. Makhloufi devra toutefois composer, en plus des problèmes liés à la récupération et à l’immense responsabilité qu’il porte sur ses frêles épaules, avec une redoutable adversité sitôt les éliminatoires (dans la nuit de mardi à mercredi) du 1500m lancés. Pour l’Algérien, le nouveau et second challenge (préserver la couronne de Londres d’il y a quatre ans) devant être totalement différent même s’il soutient mordicus (on peut le croire et des millions de cœurs battront pour lui) qu’il garde toutes ses chances, convaincu maintenant qu’en sa qualité de grand performer, c’est aux autres de le craindre. Encore une fois donc, Makhloufi, qui se dit en forme, n’aura pour seul adversaire que la récupération. Un champion, un vrai, qui sait conjuguer au mieux le verbe se «sacrifier.»
Avec une fois renouvelée de faire découvrir au reste du monde ce «One, Two, Three, Viva l’Algérie» de légende universellement entonné. Rendez-vous en finale…
A. A.