La sortie médiatique du Premier ministre risque d’insuffler à nouveau une dynamique à la scène politique nationale. En conférence de presse hier, en effet, Ahmed Ouyahia s’est livré à sa méthode de prédilection «fourre-tout», où il a passé en revue tous les dossiers lourds, rangés pêle-mêle dans les tiroirs du gouvernement au fil des huit mois de règnes à la tête de la Primature.
Si ce n’était en effet la sortie du président de la République d’il y a une semaine, où il était à Alger à la rencontre de la population, et l’épisode noir de l’accident aérien militaire de la fin de semaine, la scène nationale aura sombré dans l’inertie. Hormis bien entend quelques sorties sporadiques, peu ou prou importantes, observées ça et là, référence faite aux sorties, qui sortent parfois de leur contexte originel, du SG du FLN, Djamel Ould Abbès. Car, au-delà de l’appel fait au président Bouteflika le sollicitant à briguer un cinquième mandat, le reste était spéculations pour un chef de parti, le premier sur la scène politique, et de surcroit se réclamant, à lui, seul, l’appartenance du chef de l’État, président honorifique du FLN. N’en déplaise pour ainsi dire à ses détracteurs, dont certains ont auguré jusqu’à son départ de la tête du gouvernement, le Premier ministre a rappelé que le Président Bouteflika a mis fin à la polémique et que son avenir au gouvernement est tranché en sa faveur. Donc, c’est un Premier ministre qui vient confronter les médias avec au moins la certitude d’avoir gagné les faveurs de la Présidence, en conséquence au pari de sa politique au sein de l’Exécutif. Pour preuve, le récent relookage du gouvernement l’a vu, non pas maintenu ou pas comme le supposaient les rumeurs et les lectures qui s’en suivirent, mais conforté dans son poste. Autrement, l’arbitrage de Bouteflika étant connu, plus de place désormais aux spéculations sur le gouvernement, lorsqu’encore Ouyahia tourne la page, parle de l’avenir et promet de revenir à la fin de l’année pour donner le bilan 2018 de son gouvernement. Il faut être un novice politique en effet pour ne pas comprendre que le FLN, malgré la position stratégique qui l’associe avec le RND et qui lui oblige un strict alignement, veut que le Premier ministre soit issu de ses rangs. L’habituelle rivalité connue aux deux frères-ennemis s’invite à nouveau au plus haut des échéances. Place au qui-fait-mieux ! Ainsi, après le rapport des réalisations du chef de l’État élaboré par Ould Abbès, le Premier ministre Ouyahia évoque un bilan du 4e mandat du Président qu’il conviendrait de présenter à la fin de l’année parallèlement à celui des 20 dernières années. Un message qui ne risque pas de tomber dans l’oreille d’un sourd même si Ouyahia a applaudi l’initiative du chef du FLN, qui entend apporter preuve à l’appui à l’affaire dite «des 1000 milliards USD», comme réponse à l’opposition. Quant à la candidature probable du président Bouteflika, hormis une manière de dire qui le distingue de son alter-égo du FLN, Ouyahia ne se laisse pas entrainer dans un débat sur son ambition et oublier du coup de renvoyer l’ascenseur à Bouteflika, qui venait de lui renouveler sa confiance pour qu’il puisse poursuivre sa mission à la tête de l’Exécutif. Maintenant, si le besoin se fait sentir et oblige d’en parler, il sera encore très tôt, tant le président n’a pas dit son dernier mot sur la question «Laissez-le présider le pays. Nous avons besoin d’un guide au gouvernement», suggère comme position Ouyahia.
Farid Guellil
RÉCENTES DÉCLARATIONS DE L’AMBASSADEUR DE FRANCE EN ALGÉRIE
«Un dérapage» qu’il faut«dépasser»
Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a réagi hier aux récentes déclarations de l’ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt. Le diplomate français avait déclaré que des Algériens parmi lesquels de «hauts responsables» se rendent en France avec des visas touristiques pour se soigner dans les hôpitaux français sans s’acquitter des frais y afférents. Dans ses propos, Driencourt a parlé de dettes laissées auprès des hôpitaux publics français, soulignant que cette situation a poussé le Consulat de France à Alger à annuler des visas et rappeler des bénéficiaires de visas touristiques pour en vérifier l’objet de leurs visas. Le Premier ministre a marqué sa désapprobation devant ces déclarations, les qualifiant simplement de «dérapage», lors de sa conférence de presse tenue, hier, au CIC «Abdelatif Rahal». La réaction d’Ouyahia intervient après celle du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Abdelaziz Benali Cherif, qui avait regretté les propos de l’ambassadeur, qui a manqué au devoir de réserve. «Dans ces déclarations, reprises par la presse, au sujet de l’attribution des visas, l’ambassadeur a de nouveau montré une propension à étaler publiquement devant les médias des appréciations inopportunes, peu amènes et donc inacceptables», a souligné le MAE. Or, «Les relations algéro-françaises imposent à tous, surtout à ceux qui en ont la charge dans la quotidienneté, un devoir de responsabilité et une obligation d’objectivité qui n’autorisent ni des commentaires déplacés ni des déclarations se situant en porte-à-faux avec la volonté clairement affirmée des plus hauts responsables des deux pays», ajoute le diplomate algérien. Dans sa réponse, Ouyahia renvoie à la réaction du MAE et estime qu’il faut transcender sur ce qu’il qualifie de «dérapage». «Les relations avec la France sont importantes et elles connaissent une évolution depuis 2012 », a-t-il indiqué d’emblée histoire de tempérer les ardeurs. «Il y a eu un dérapage, on ne va pas faire toute une histoire autour de ça», a affirmé Ouyahia. Car, «ce qui importe actuellement, ce sont les relations importantes qui existent entre l’Algérie et la France» et qui connaissent depuis 2012 une dynamique en constante évolution» et qui «se poursuit toujours » avec le nouvel exécutif français», tranche Ouyahia.
Hamid Mecheri