Depuis plus d’un an et demi, la bande de Ghaza subit une des crises humanitaires les plus dramatiques de ce début de siècle.
Depuis le déclenchement de l’agression israélienne en octobre 2023, la population palestinienne est soumise à un véritable siège, mêlant bombardements massifs, famine organisée, et effondrement total des infrastructures essentielles. Le bilan humain est déjà catastrophique : 54 510 morts, majoritairement des civils — femmes, enfants, personnes âgées — et plus de 124 900 blessés, selon le dernier rapport du ministère de la Santé de Ghaza. Ces chiffres ne traduisent qu’une partie de l’horreur, car des dizaines de corps restent ensevelis sous les décombres, tandis que l’aide humanitaire est quasi inexistante. Le Dr Mohammed Abou Afch, directeur des secours médicaux pour le nord de Ghaza, décrit un système sanitaire à l’agonie. « Nous n’avons plus de médicaments pour soigner les maladies chroniques, les blessures de guerre s’accumulent, et nos hôpitaux croulent sous le poids des blessés », explique-t-il dans un entretien téléphonique. Depuis plusieurs mois, plus de 3 000 patients atteints d’hypertension et de diabète ne reçoivent plus leur traitement. « Nous avons aussi plus de 4 000 patients souffrant de maladies oculaires qui risquent de perdre définitivement la vue », poursuit-il, évoquant le manque de médicaments essentiels pour prévenir ces complications. Les infrastructures hospitalières ont été sévèrement endommagées par les bombardements israéliens ciblés. Le centre hospitalier Al-Shifa, plus grand établissement médical de la région, fonctionne désormais avec un tiers de son personnel, alors que la demande de soins a explosé. Les générateurs d’électricité sont défaillants, les stocks de sang s’épuisent, et le personnel médical travaille dans des conditions extrêmes, souvent sans protection suffisante.
Une famine organisée
Depuis mars 2024, Israël a imposé un blocus strict à Ghaza, interdisant presque toute entrée de nourriture, d’eau potable, de médicaments et de carburant. Selon les Nations unies, cette politique constitue une arme de guerre. Le Programme alimentaire mondial (PAM) estime que plus de 90 % des habitants de Ghaza vivent en situation d’insécurité alimentaire sévère. Les files d’attente pour obtenir quelques sacs de nourriture s’allongent chaque jour, mais l’aide est rare et mal distribuée. L’ONU et les organisations humanitaires dénoncent régulièrement les tirs israéliens contre les civils qui tentent d’atteindre les points de distribution d’aide. Le cas de Rafah, dans le sud de Ghaza, est emblématique : le 3 juin 2025, 24 Palestiniens ont été tués et plus de 200 blessés alors qu’ils attendaient de la nourriture à proximité d’un centre contrôlé par la fondation américano-israélienne « Ghaza Humanitarian Foundation ». Cette fondation, créée par Israël et soutenue par les États-Unis, est chargée de gérer la distribution d’aides dans des zones dites « sûres ». Or, ces centres sont devenus des cibles militaires à ciel ouvert. Depuis le 27 mai, au moins 99 civils palestiniens ont été tués près de ces points, ce qui témoigne d’une stratégie visant à empêcher la population d’accéder aux vivres.
Amnesty condamne la fusillade sioniste près d’un point de distribution des aides
L’organisation Amnesty international a vivement dénoncé la fusillade sioniste contre les civils palestiniens qui cherchaient à se procurer une portion de la nourriture dans un point de distribution d’aide à Ghaza qualifiant l’incident de « terrifiant » et appelant à une enquête « immédiate et indépendante ». Dans un communiqué publié cette semaine, Amnesty International a exprimé sa profonde indignation face à l’attaque armée perpétrée par les forces israéliennes contre des civils désarmés à Ghaza. Ces derniers se rassemblaient dans l’espoir d’obtenir de l’aide humanitaire, dans un contexte de famine croissante et de blocus dévastateur imposé à l’enclave palestinienne. L’organisation a exigé que l’accès à l’aide humanitaire soit garanti par des canaux sécurisés et efficaces, en soulignant la nécessité de préserver la dignité des civils palestiniens. Elle a insisté sur l’importance de mécanismes transparents de distribution, qui ne mettent pas en péril la vie des bénéficiaires. Amnesty a également rappelé les obligations légales d’Israël en tant que puissance occupante, notamment celle de garantir l’approvisionnement de base aux populations sous son contrôle, conformément au droit international humanitaire. « L’occupant sioniste a une responsabilité juridique claire envers les civils de Ghaza », indique le communiqué. Dans une rare et virulente critique du silence international, Amnesty a accusé la communauté internationale d’avoir « permis que se poursuive trop longtemps la catastrophe humanitaire atroce à Ghaza et le génocide en cours ». Ce constat résonne comme une mise en accusation des États qui, par leur inaction ou leur soutien implicite, contribuent à l’aggravation de la crise. Enfin, l’organisation a lancé un appel urgent aux gouvernements du monde entier : cesser immédiatement toute fourniture d’armes à Israël, et exercer une pression effective pour que l’État hébreu lève sans conditions le blocus inhumain imposé à Ghaza.
Témoignages poignants
de survivants
Yazan Maslah, frère de Yazid, 13 ans, gravement blessé lors de la fusillade à Rafah, raconte avec émotion « Nous étions dans la file d’attente, les mains levées, sans armes, quand tout a commencé. Les tirs sont partis sans avertissement. Mon frère a reçu une balle dans le ventre. Nous avons réussi à l’emmener à l’hôpital, mais les médecins manquent de tout. » Un autre témoin, Amal Al-Haj, mère de quatre enfants, témoigne de la situation dans le camp de Deir al-Balah « Nous avons entendu l’explosion. Trois membres de notre famille sont morts, dont mon neveu de 9 ans. Nous sommes terrifiés, mais nous ne pouvons pas fuir, car il n’y a nulle part où aller. » Ces récits, malheureusement nombreux, illustrent la vulnérabilité extrême de la population palestinienne, prise au piège d’une guerre asymétrique où les civils paient le prix fort.
Des écoles devenues cibles des militaires
Une analyse publiée récemment par le journal britannique The Guardian révèle que l’armée israélienne cible délibérément les écoles accueillant des déplacés internes. Au moins six établissements scolaires ont été bombardés, faisant plus de 120 morts parmi les civils. Quatre écoles — Halawa, Al-Rifa’i, Nassiba et Halima Saadiyya — sont désormais identifiées comme « zones à risque » par les forces israéliennes, bien qu’elles ne soient pas occupées par des combattants palestiniens. L’armée justifie ces frappes par la prétendue présence d’éléments armés, sans fournir de preuves tangibles. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) indique que 95 % des écoles à Ghaza ont été endommagées ou détruites et que près de 400 établissements scolaires ont subi des frappes directes. Le bombardement de l’école Aïcha à Deïr al-Balah est l’exemple le plus récent. Selon l’armée israélienne, cet établissement abriterait des membres de la résistance palestinienne. Pourtant, l’ONU dénonce un ciblage qui viole les conventions internationales de protection des civils et des enfants. Le blocus israélien combiné aux bombardements incessants crée une crise humanitaire sans précédent. En 24 heures, les hôpitaux de Ghaza ont reçu 52 nouveaux martyrs et 503 blessés, tandis que le nombre total de morts approche désormais les 54 470 personnes. Le lundi précédent, une frappe aérienne a anéanti la famille Al-Barsh à Jabalia, faisant 16 morts, dont 10 membres d’une même famille. Le Dr Mounir Al-Barsh, directeur général du ministère de la Santé, a déclaré que « cette attaque illustre l’intention claire de l’armée israélienne d’éliminer des familles entières. » Les hôpitaux manquent de tout, des outils chirurgicaux aux médicaments, en passant par le personnel qualifié. Des infirmières et des médecins, épuisés, se relaient jour et nuit pour tenter de sauver les vies dans des conditions extrêmement précaires.
Le cri d’alerte de la communauté internationale
L’ONU, à travers son secrétaire général António Guterres, a condamné ces crimes de guerre. Il a appelé à une enquête internationale et à la tenue des responsables devant la justice. « La communauté internationale doit agir immédiatement pour mettre fin à cette tragédie », a-t-il insisté. Juliette Touma, porte-parole de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), rappelle que 50 000 enfants ont été tués ou blessés en seulement 20 mois. Elle exhorte la communauté mondiale à garantir un accès sans entrave à l’aide humanitaire. Malgré ces appels, l’aide reste insuffisante et les points de passage humanitaires restent fermés ou partiellement ouverts, empêchant le passage des denrées vitales. La tragédie de Ghaza est avant tout une crise humanitaire qui dépasse le cadre d’un conflit armé. Le peuple palestinien est aujourd’hui enfermé dans un cercle vicieux de faim, de violence et de destruction. L’effondrement des infrastructures, la famine organisée et les massacres répétées créent un paysage apocalyptique. La communauté internationale, malgré ses déclarations, semble impuissante face à cette catastrophe. Pourtant, la mobilisation, la solidarité et la pression diplomatique restent les seuls moyens de sauver ce qui peut encore l’être.
M. Seghilani