Après un mois de mai aux températures record, la France subit une canicule d’une précocité inédite, avec des pics de chaleur prévus pour les prochaines heures au-delà de 40 degrés, comme en Espagne, pays voisin qui suffoque depuis plusieurs jours déjà. Vingt-cinq départements français ont été placés jeudi en vigilance orange canicule et douze en vigilance rouge, soit un tiers du pays, principalement dans le Sud-Ouest et l’Ouest.
L’Hexagone est touché depuis mardi par cette vague de chaleur précoce, arrivée du Maghreb via la péninsule ibérique, où l’Espagne faisait face jeudi à des incendies. Les températures ont grimpé en flèche dans toute l’Espagne le weekend dernier, avec des pointes allant jusqu’à 43 degrés. Selon l’Aemet, l’agence météorologique espagnole, la vague de chaleur, également inhabituelle pour une mi-juin, devrait durer jusqu’à samedi. Pour les scientifiques, la multiplication, l’intensification et l’allongement des canicules, aggravés par les émissions de gaz à effet de serre, constituent un marqueur sans équivoque du réchauffement climatique. Et les conséquences de ce dérèglement sont nettes, pointent-ils : incendies jusqu’en Sibérie, fonte de la banquise en Arctique, sécheresses, températures records sur tous les continents, cyclones et autres événements climatiques extrêmes. Bien que située dans la zone climatique « tempérée », la France, depuis la canicule particulièrement éprouvante de 1976, connaît des épisodes de ce type de plus en plus fréquents, intenses ou précoces. Météo-France avait annoncé pour jeudi des températures de 34 à 38 degrés, avec des pointes possibles jusqu’à 39-40 degrés à l’ombre localement. Le thermomètre a bien grimpé à 40°C à Saint-Jean-de-Minervois, dans l’Hérault (Sud) dans l’après-midi. Vendredi, le temps sera caniculaire sur une grande partie du pays, la chaleur s’étendant aux régions du nord et s’intensifiant encore sur l’ouest et le sud. Au point que les écoliers des départements en vigilance rouge ont été autorisés à rester chez eux. Le pic d’intensité est prévu pour samedi, avant l’arrivée dans la nuit de pluie et d’orages sur la façade atlantique. Les maisons de retraite se calfeutrent, près de 20 ans après la canicule d’août 2003 qui avait tué en France 15.000 personnes âgées et fragiles notamment, selon l’Institut national d’études démographiques (Ined). Un numéro gratuit « Canicule info service » a été activé par le gouvernement et des villes ont opté pour étendre les horaires d’ouverture des parcs ou installer des brumisateurs.
Sécheresse et incendies
Parallèlement, des départements ont déjà pris des mesures de restriction de la consommation d’eau face au manque de pluie des derniers mois. Or, la canicule « a un effet aggravant sur la sécheresse des sols » après un printemps et un hiver particulièrement secs et accentue « le risque de feu de forêt », a expliqué à l’AFP Olivier Proust, prévisionniste à Météo-France.
Dans le nord de l’Italie, l’eau est déjà rationnée par des villes de la Plaine du Po et la Lombardie se préparait jeudi à déclarer l’état d’urgence face à une sécheresse record menaçant les récoltes. La plaine du Po, qui traverse le nord du pays et abrite d’importantes cultures agricoles, affronte sa pire sécheresse depuis 70 ans. Certaines zones n’ont pas reçu de précipitations depuis plus de 110 jours, selon l’Observatoire du fleuve Po, le plus grand réservoir d’eau de la péninsule.
En Espagne, les feux de forêt sont d’ores et déjà là. L’incendie le plus inquiétant s’y est déclaré près de Baldomar, dans la province de Lérida, en Catalogne (nord-est). Le feu y a déjà détruit 500 hectares de forêt, mais a « le potentiel » pour s’étendre à 20.000 hectares, selon le gouvernement régional. Personne n’a encore été évacué, mais les autorités ont confiné certaines zones par précaution.
A Lérida, des températures allant jusqu’à 41ºC étaient attendues jeudi, selon l’Aemet, qui prévoyait également des températures supérieures à 40ºC à Badajoz (sud-ouest) et Saragosse (nord-est). En Catalogne, deux feux de forêt étaient actifs jeudi matin, à Solsonés et Tierra Alta, tandis qu’un autre incendie s’est déclaré dans la Sierra de la Culebra, à Zamora (centre). L’Espagne, qui a connu cette année son mois de mai le plus chaud depuis le début du siècle, selon l’agence météorologique, a déjà traversé quatre épisodes de températures extrêmes sur les dix derniers mois.