Si officiellement, et à travers le financement de cette technologie, l’UE attend du partenaire du Sud à ce qu’il lui joue le chien de garde contre les flux migratoires vers le Nord, faute de contrôle sur cette technologie, le Makhzen, ce qui est une lubie qui lui colle à la peau, pourrait recourir à une surveillance systématique des personnes qui le dérange. Lui qui fait peu de cas de la violation de la vie privée de ses sujets.
Le scandale planétaire de l’affaire Pegasus qui a ébranlé le royaume marocain à l’été 2021, et a fait remonter à la surface ses pratiques répréhensibles, ne semble pas dissuader le Makhzen dans son purgatoire contre les journalistes, défenseurs des droits humains et opposants à sa politique. Dont acte, et selon en effet les dernières nouvelles, la police marocaine s’est fait fournir par l’Union européenne de puissants logiciels d’extraction de données à partir de téléphones portables. C’est le site d’investigation français « Disclose » en collaboration avec le journal allemand « Der Spiegel » qui a révélé ce scandale. Se basant sur des documents obtenus auprès d’institutions européennes, la même source a révélé ainsi que la société suédoise MSAB a fourni à la police marocaine un logiciel baptisé XRY capable de déverrouiller tous types de smartphones pour en extraire les données d’appels, de contacts, de localisation, mais aussi les messages envoyés et reçus par SMS, WhatsApp et Signal. Quant à l’américaine Oxygen forensics, poursuit-on, elle a livré un système d’extraction et d’analyse de données baptisé « Detective ». La spécificité de cette autre technologie consiste, selon les mêmes révélations, à contourner les verrouillages d’écran des appareils mobiles afin d’aspirer les informations stockées dans le cloud (Google, Microsoft ou Apple) ou les applications sécurisées de n’importe quel téléphone ou ordinateur. Évoquant la différence entre cette technologie mise entre les mains du Makhzen et Pegasus, il a été expliqué que contrairement au logiciel israélien fourni auparavant au Maroc, les deux nouveaux logiciels nécessitent d’accéder physiquement au mobile à hacker, et ne permet pas de surveillance à distance. Au-delà de justifier une lutte contre la migration clandestine- et on l’a vu vraiment à travers le massacre à ciel ouvert commis sur d’humbles Subsahariens près de Melilla – par cette nouvelle technologie d’espionnage, les deux médias n’excluent pas un détournement de ce logiciel à des fins de surveillance des opposants, journalistes, avocats et défenseurs des droits humains selon, notamment, les témoignages recueillis auprès d’eux. « Délits d’opinions, harcèlements, intimidations policières. Au Maroc, la répression contre celles et ceux qui contestent le régime s’est durement intensifiée », pouvait-on lire sur le site Disclose. Selon un témoignage, Abdellatif Hamamouchi, 28 ans, en a fait les frais. Un soir de juillet 2018, le journaliste et militant de l’Association marocaine des droits humains a été victime d’une violente agression par des hommes qui appartenaient, selon lui, à la police politique du régime. Ils l’ont « battu et jeté par terre » avant de lui prendre son téléphone portable. « Grâce à lui, ils ont pu avoir accès à mes e-mails, ma liste de contacts, mes échanges avec mes sources », se souvient-il.
Farid G.