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Fils de l’immense Fairouz : Le Liban pleure la disparition du compositeur Ziad Rahbani

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Il avait révolutionné le monde de la chanson et du théâtre au Liban. Le musicien et pianiste libanais Ziad Rahbani, fils de l’icône de la chanson arabe Fairouz, est mort samedi 26 juillet à l’âge de de 69 ans.
Musicien, compositeur, metteur en scène, Ziad Rahbani a marqué des générations de Libanais avec ses chansons et surtout ses pièces de théâtre, dont jeunes et moins jeunes connaissent les répliques par coeur. Il est mort ce matin, âgé seulement de 69 ans, d’une crise cardiaque. « Samedi à 09h00 du matin, le coeur du grand artiste et créateur Ziad Rahbani s’est arrêté de battre » déclare sobrement un communiqué de l’hôpital où il était traité à Beyrouth.

Un jeune homme précoce déjà engagé
Ziad a 17 ans quand il écrit sa première pièce de théâtre « Nazl el-Sourour » (L’Hôtel du Bonheur), en 1974, dans laquelle il décrit une société libandaise défigurée par l’inégalité des classe et la répression. La pièce met en scène un groupe d’ouvriers qui investit un restaurant pour révendiquer leur droits, mais ils sont ignorés par la classe politique. Visionnaire, il évoque dans ses pièces la guerre civile avant même son déclenchement en 1975.
Dans « Bil nisbé la boukra chou ? » (Et si on attendait demain ?) il incarne un pianiste de bar dans la Beyrouth de l’après-guerre. On y trouve certaines de ses plus belles mélodies et des répliques amères qui sont devenues culte : « Ils disent que demain ça ira mieux, mais qu’en est-il d’aujourd’hui ? »
« J’admire la musique de compositeurs comme Charlie Parker, Stan Getz et Dizzy Gillespie » a-t’il dit un jour. « Mais ma musique n’est pas occidentale, elle est libanaise, et s’exprime d’une manière différente ». Il suit en cela les pas de son père et de son oncle. En effet Ziad Rahbani est le fils de Fairouz, dernière légende vivante de la chanson arabe et du compositeur Assi Rahbani, qui avec son frère Mansour a révolutionné la chanson arabe en mêlant morceaux classiques occidentaux, russes et latino-américains à des rythmes orientaux.

L’héritage d’Assi et Mansour Rahbani
Les parents de Ziad se sont rencontrés à la radio libanaise au tout début des années 1950. Les frères Rahbani impressionés par la voix et la personnalité de la toute jeune Fairouz, née Nouhad Haddad, se mettent à écrire pour elle.
Assi l’épouse en 1955. Les compositions poétiques et modernes des frères Rahbani propulsent Fairouz au firmament de la chanson arabe et surtout la diffusent dans le monde entier avec des titres comme « Aatini al-Nay », « Sa’alouni al-Nas » et « Zahrat al-Madaen ». e couple se sépare dans les années 1970, mais le partenariat artistique perdure.
Adulée par les aînés, Fairouz devient aussi l’icône des jeunes notamment quand son fils Ziad lui compose des chansons influencées par des rythmes de jazz, ce qu’il a appelé « jazz oriental ». Si Fairouz transcende les puissants clivages communautaires dans le pays, son fils choisi pour sa part d’être résolument engagé à gauche et laïc, dénonçant pendant toute sa vie les divisions confessionnelles qui ont ruiné le Liban.

Un son unique, reconnaissable entre mille
La veine de composition de Rahbani était extrèmement large. Il transformait les mélodies arabes traditionnelles avec du jazz, du funk et des influences classiques créant un son hybride qui est devenu sa marque de fabrique, reconnaissable entre mille. Ses concerts, souvent dans des clubs enfumés du quartier Hamra de Beyrouth, étaient légendaires.

Une fin de vie marquée par la maladie
Ces dernières années, Rahbani se produisait moins, mais les jeunes générations ont redécouvert ses compositions sur internet et samplaient sa musique lors de manifestations. Il a continué à composer et écrire, exprimant souvent son amertume sur la situation politique du Liban et le déclin de sa vie publique.
« Je sens que tout est fini, je sens que le Liban est devenu vide », a écrit sur X l’actrice libanaise Carmen Lebbos qui a été sa compagne.

L’hommage de la classe politique libanaise
Dans des messages mêlant tristesse et fierté, plusieurs responsables et figures libanaises ont salué la mémoire de celui qui est considéré comme l’un des plus grands piliers culturels du pays. Au delà des clivages et appartenances politiques, lit-on dans L’Orient-Le Jour, « le Liban pleure la perte cette voix libre qui a su toucher les consciences par son art engagé, son humour acerbe et sa fidélité aux causes des plus vulnérables. »
Le président libanais Joseph Aoun a estimé que Ziad Rahbani était « une conscience vive, une voix qui s’était rebellée contre l’injustice, et un miroir fidèle des opprimés et des marginalisés ». Il a également rappelé que Rahbani « écrivait la douleur des gens ». Le chef de l’État a présenté ses condoléances à Fairouz, la mère du disparu, 90 ans. « Nos cœurs sont à ses côtés dans cette épreuve douloureuse, partageant la peine de perdre celui qui était pour elle bien plus qu’un soutien » a-t-il écrit dans un message. Il a conclu en assurant que « les œuvres exceptionnelles de Ziad resteront vivantes dans la mémoire des Libanais et des Arabes et continueront à inspirer les générations à venir, leur rappelant que l’art peut être une forme de résistance, que les mots peuvent porter un engagement ». « Le Liban perd un artiste exceptionnel et créatif, une voix libre qui est restée fidèle aux valeurs de justice et de dignité » et qui disait « ce que beaucoup n’osaient pas dire », a pour sa part déclaré le Premier ministre Nawaf Salam.
« Nous redoutions que ce jour arrive, car nous savions que son état de santé s’aggravait et que sa volonté de se faire soigner faiblissait », a pour sa part écrit sur X le ministre de la Culture Ghassan Salamé.

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