Les planches du Théâtre régional d’Oran, Abdelkader, Alloula, ont accueilli, jeudi soir, la troupe marocaine » Chamate » pour présenter sa pièce « Koul chaï âan abi » (Tout sur mon père), mise en scène par Bousselham Edhaïh, dans le cadre du festival du théâtre arabe, qui se déroule à Oran et Mostaganem, du 10 au 19 janvier. Elle a été très bien accueillie par le public oranais.
«Tout sur mon père », qui fait partie des 08 pièces en compétition pour le prix El Qassimi, est adaptée du roman « Loin du vacarme, près du silence » de l’écrivain marocain Mohamed Berrada, par le metteur en scène Bousselham Edhaïf. Le théâtre Abdelkader Alloula paraissait bien exigu devant la masse d’hommes et de femmes venus découvrir le théâtre marocain, à travers cette pièce. Toutes les places étaient prises, même les strapontins. Plusieurs mordus du théâtre se sont contentés de places debout, à l’arrière, encore heureux de pouvoir assister au spectacle. C’est une pièce qui a su accaparer l’attention du public oranais et des invités du festival de différentes nationalités arabes, non seulement par le jeu des comédiens, mais surtout par le thème abordé. Un thème en relation avec l’histoire marocaine, mais qui a ses retentissements sur la vie actuelle des citoyens marocains. Et, contrairement aux idées reçues, la pièce adopte une approche très critique de l’histoire marocaine et des « faiseurs » de cette histoire. L’œuvre se propose, en effet, d’interroger, voire d’interpeller, et de manière très libre et critique, l’histoire marocaine moderne et de rechercher les motivations et les causes cachées, mais réelles, qui ont produit des changements irréversibles durant les périodes successives de l’histoire marocaine, de comprendre également la philosophie et les circonstances de ces changements, notamment celles intervenues durant les deux périodes avant et après l’indépendance, dans la deuxième moitié du 20e siècle et jusqu’à la première décennie du 21e siècle. Les comédiens n’ont pas hésité à tirer à boulets rouges sur le protectorat français et sur ses « alliés » marocains, sur le mouvement national, et se sont interrogés sur les « acquis » de l’indépendance de leur pays, ce qui a donné lieu à des scènes, parfois très loufoques, opposant pro et anti-protectorat, entre fils de caïds et simples fils du peuple. En fait, le metteur en scène a convoqué le passé pour interroger et critiquer le présent, les conséquences de ce passé sur la société marocaine, mettant en exergue le clash entre tradition et modernité, entre le Nord et le Sud. Dans ces scènes, le spectateur oranais a assisté à des moments d’extrême détresse et d’autres faits d’un humour parfois bon enfant, mais parfois très caustique. A un certain moment le spectateur averti a le sentiment que le metteur en scène, par le truchement de ses comédiens, tentait d’exorciser ce passé dont certaines facettes sont acclamées et d’autres regardées avec ressentiment. Connaisseur, le public oranais a très bien accueilli la pièce « Tout sur mon père ». Lors de la conférence de presse de présentation de la pièce, Bousselham Edhaïf a souligné que l’œuvre, la pièce de théâtre ou le roman d’où elle est adaptée, pose et essaie de répondre à trois questions essentielles : la signification de la lutte contre le colonialisme et les attentes qui découlent de cette lutte, comment la crise se traduit sur la réalité quotidienne des Marocains et si les Marocains possèdent les outils nécessaires pour affronter l’avenir en ce 21e siècle. Bousselham a, en outre, souligné que cette œuvre est une nouvelle expérience artistique réalisée par la troupe théâtrale « chamates » dans sa 18ème saison théâtrale et qui s’est fixée comme défi de rechercher et de poser les questions intéressant le Maroc actuel, indiquant que l’œuvre tente de mettre en exergue le parcours de personnages de la période en question et d’aborder les questions liées au Maroc d’aujourd’hui et de son devenir.
Le metteur en scène a, d’autre part, saisi l’occasion pour parler de sa troupe « théâtre chamates » qui a été créée en 1998, à l’initiative de quelques diplômés de l’Institut Supérieur de l’art théâtrale et de l’animation culturelle. La troupe a réussi à se faire une place sur la scène théâtrale marocaine, et ce grâce à la qualité de ses spectacles et ses choix esthétiques uniques et pertinents, ainsi que ses créations continues, ce qui lui a permis de participer à toutes les éditions du festival marocain du théâtre, ainsi que sa participation aux festivals internationaux en France, Tunisie, Syrie, Jordanie, entre autres. Bousselham a ajouté que la troupe a obtenu plusieurs prix et distinctions pour nombre de ses pièces dans ombre de festivals arabes et internationaux. Parlant de l’expérience théâtrale dans son pays, le metteur en scène marocain a mis en exergue les défis qui attendent les jeunes créateurs, pris entre continuité ou renouveau, soulignant qu’il y a des indices de rupture avec le théâtre du passé, un théâtre qui a, néanmoins, donné de grandes œuvres et qui a prouvé le grand niveau des artistes marocains qui ont réussi à produire des spectacles en adéquation avec les aspirations et les défis du monde arabe, ainsi que la mise en place d’un théâtre engagé, humaniste et universel. « L’essentiel est qu’il existe une dynamique théâtrale au Maroc et qu’il ne faut en aucun cas occulter le côté humaniste du théâtre.
Le spectacle doit se baser sur le questionnement, le goût, les sensations et la participation », a-t-il souligné. Bousselham a, par ailleurs, souligné toute l’importance que revêt le Festival du théâtre arabe qui connait la participation des grands noms du théâtre arabe, notamment en matière d’échange d’expériences entre les théâtres du monde arabe et du reste du monde.