Un premier film kenyan en sélection officielle, la présence inédite de l’Arabie saoudite au marché du film ? Pour sa 71e édition, qui débute le 8 mai, le Festival de Cannes continue d’élargir ses frontières.
KENYA
Le Kenya fait son entrée dans la cour des grands avec le premier film de son histoire sélectionné à Cannes: «Rafiki» sera présenté la semaine prochaine dans la section Un certain regard… tout en étant interdit de diffusion dans son propre pays. Le film de la jeune réalisatrice Wanuri Kahiu s’est heurté aux foudres de la censure, au motif qu’il va à l’encontre de «la culture et des valeurs morales du peuple kenyan».
Pionnier à bien des égards, «Rafiki» («ami» en kiswahili) traite de l’histoire d’amour entre deux femmes appartenant à des camps politiques opposés, dans un pays où «les filles bien deviennent de bonnes épouses» et où l’homosexualité est illégale.
«Nous pensons que les adultes kenyans sont assez matures et clairvoyants (…) mais leurs droits ont été niés», a réagi la réalisatrice après cette interdiction. En apprenant qu’elle était sélectionnée en Cannes, elle avait écrit «Yes we Cannes» sur Twitter, en détournant la formule de Barack Obama, s’attirant la sympathie de nombreux internautes. Son projet a mis cinq ans à voir le jour et s’inspire de la nouvelle «Jambula Tree» de l’Ougandaise Monica Arac de Nyeko, lauréate 2007 du prix Caine, une des plus prestigieuses récompenses pour la littérature africaine en langue anglaise.
ARABIE SAOUDITE
L’Arabie saoudite, pays ultraconservateur, a créé la surprise en annonçant l’ouverture de salles de cinéma et son ambition de se lancer dans le 7e Art. A Cannes, il s’agira surtout d’une participation symbolique avec la projection de courts-métrages saoudiens et l’organisation de rencontres professionnelles.
«Ils sont totalement nouveaux au cinéma, parce qu’ils sont en train d’ouvrir leurs premières salles, mais avec une politique apparemment assez vigoureuse à la fois d’attraction de tournages et de formation de leurs jeunes étudiants ou réalisateurs», explique à l’AFP Jérôme Paillard, directeur du Marché du film de Cannes. « «Ils ont des paysages absolument insensés, les décors naturels sont formidables», ajoute-t-il.
Cette ouverture doit beaucoup à l’ambition du puissant prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane de montrer une image moderne de son pays. En 2017, les autorités religieuses s’étaient insurgées contre la possible ouverture de salles et la tenue de concerts, affirmant qu’elles seront sources de «dépravation». Cannes avait accueilli en 2013 la réalisatrice saoudienne Haifaa Al-Mansour en 2013, auteure du film «Wadjda», mais après la sortie du film en salles. Ce long métrage a été le premier film saoudien à participer à la course aux Oscars du meilleur film étranger.
La participation de l’Arabie saoudite à Cannes avait été annoncée lors de la visite de Mohammed ben Salmane à Paris en avril dans le cadre d’une offensive de charme en direction des pays occidentaux.