Le secteur culturel américain s’enlise dans une crise inédite, tandis que l’hécatombe continue sur fond de campagne préélectorale et de suspense dans l’attente d’un vaccin made in USA.
Un rapport publié mardi par la Brooking Institution, un think-tank basé à Washington, estime à 2,7 millions le nombre de personnes ayant perdu leur emploi dans le secteur. Pour les ventes de biens et services pour la culture — qui englobe ici le cinéma, la mode, les beaux-arts et le spectacle vivant —, les pertes s’élèvent à plus de 150 milliards de dollars. Il faut aussi rappeler que le secteur culturel est de loin le plus rentable de par le monde et celui qui a le plus de célébrités sur la planète. Les deux dernières catégories payent le plus lourd tribut de cette crise. Les beaux-arts et le spectacle vivant ont été sévèrement touchés par la pandémie, d’une façon «disproportionnée» selon le rapport, avec presque 1,4 million d’emplois supprimés, soit 50% des postes de ces deux secteurs. Les deux filières accusent en outre 42,5 milliards de pertes, soit plus d’un quart de l’ensemble des pertes du secteur culturel. Les catégories les plus frappées sont les musiciens et les chanteurs, suivis des écrivains, des auteurs, et des acteurs. Les arts plastiques (peinture, sculpture et illustration) cumulent 123,639 emplois supprimés.
Les auteurs de l’enquête, Richard Florida et Michael Seman, sont parvenus à leurs conclusions en analysant les chiffres de l’emploi d’avril à juillet. «Même si ces résultats sont dramatiques, la crise sanitaire nous invite à nous pencher sur la façon dont les industries créatives fonctionnent aux États-Unis, et les politiques publiques mises en œuvre à leur endroit», explique
Michael Seman qui est co-auteur de l’enquête avec Richard Florida, explique le phénomène : «Une bonne partie des personnes les plus créatives, compétentes et cultivées du pays se retrouvent simultanément sans emploi. Comment pouvons-nous exploiter cette ressource ?, s’interroge le chercheur. Peut-être est-il temps de créer une économie culturelle 2.0, qui soit interdisciplinaire et intersectorielle», dit-il. L’enquête qui a été élaborée en analysant les chiffres de l’emploi d’avril à juillet 2022, détaille également état par état les pertes d’emplois et de revenus associés à la culture. La Californie est la plus touchée, avec 453.332 emplois supprimés et une perte de revenus de 43,1 milliards de dollars. Suivent New York et le Texas.
À elles deux, les villes de New York et de Los Angeles ont perdu plus de 15 milliards de revenus et ont vu 400.000 emplois supprimés.
Devant une telle hécatombe culturelle, de nombreux artistes, auteurs et intellectuels, en appellent à un «New Deal» du 21e siècle, à l’image du plan de relance lancé par le président Franklin Delano Roosevelt dans les années 1930 suite à la crise économique. Les auteurs du rapport estiment que les mesures d’aide fédérales devraient cette fois soutenir les organisations artistiques, culturelles et créatives, comme «c’est le cas pour d’autres secteurs sinistrés». En effet, les États-Unis n’ont pas décidé d’un soutien spécial pandémie au secteur de la culture, contrairement à l’Allemagne ou la France.
Ils ajoutent qu’un soutien renforcé aux créatifs est crucial à la reprise de l’économie d’une manière générale. «Il est temps d’envisager des aides directes pour les artistes. Tout plan de relance doit inclure les artistes et les créatifs», insistent-ils.
Ali El Hadj Tahar
