Le président turc Recep Tayyip Erdogan et le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane ont discuté jeudi à Jeddah des « moyens de développer » les relations entre leurs deux pays, a rapporté l’agence de presse d’Etat saoudienne SPA.
M. Erdogan est arrivé jeudi en Arabie saoudite pour sa première visite dans le pays depuis l’assassinat macabre à Istanbul du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en 2018, une affaire qui avait refroidi les liens entre les deux puissances régionales rivales.
MM. ben Salmane et Erdogan « ont passé en revue les relations turco-saoudiennes et les moyens de les développer dans tous les domaines », a souligné l’agence SPA, à l’issue de la renconre entre les deux hommes. La visite de M. Erdogan, qui a aussi rencontré le roi Salmane, intervient au moment où la Turquie fait face à une grave crise économique: la livre turque a vu sa valeur fondre de 44% face au dollar en 2021, faisant s’envoler l’inflation à 61,1% sur un an en mars. Cette situation a poussé le chef de l’Etat turc à adoucir ses liens avec d’anciens rivaux, comme l’Egypte et surtout les riches monarchies pétrolières du Golfe, dont l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis.
Avant son départ d’Istanbul, M. Erdogan a dit espérer que cette visite allait « ouvrir une nouvelle ère » dans les relations turco-saoudiennes. « Le renforcement de la coopération dans les domaines de la défense et des finances est dans notre intérêt mutuel », a-t-il ajouté.
Dossier Khashoggi renvoyé
Un responsable turc a indiqué à l’AFP sous couvert d’anonymat que le président Erdogan ne devrait pas faire d’annonce officielle pendant cette visite fermée à la presse. L’affaire Khashoggi avait refroidi les relations entre les deux pays déjà tendues depuis 2017 et le blocus décrété par l’Arabie saoudite du Qatar, allié d’Ankara. Jamal Khashoggi, éditorialiste critique au Washington Post, avait été tué et démembré le 2 octobre 2018 dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul alors qu’il venait chercher des papiers nécessaires à son mariage avec sa fiancée turque.
A l’époque, le président turc avait accusé les « plus hauts niveaux du gouvernement saoudien » d’avoir commandité l’assassinat. La CIA, le Sénat américain et une experte de l’ONU ont estimé que le prince héritier saoudien était « responsable » du meurtre. Le corps du journaliste n’a jamais été retrouvé.
En juillet 2020, le procès de 26 ressortissants saoudiens, dont deux proches de Mohammed ben Salmane, accusés par la Turquie d’avoir assassiné Jamal Khashoggi s’était ouvert à Istanbul, en l’absence des intéressés. Cinq ont été condamnés à la peine capitale, depuis commuées, et huit accusés à des peines de sept à 20 ans de prison. Mais début avril, la justice turque a finalement décidé de se débarrasser du dossier Khashoggi en le renvoyant aux autorités saoudiennes.
Réchauffement régional
La visite de M. Erdogan est considérée comme une victoire par les responsables saoudiens désireux de tourner la page, selon l’analyste politique saoudien Ali Shihabi. « M. Erdogan a été isolé et a payé un prix économique élevé », a-t-il déclaré à l’AFP. Le président turc « a besoin des flux commerciaux et touristiques de l’Arabie saoudite » De son côté, Ryad cherche à l’avoir « à ses côtés » sur nombre de dossiers régionaux et pourrait même « acheter des armes à la Turquie ». La dernière visite de M. Erdogan en Arabie saoudite remonte à 2017, lorsque le président truc avait tenté de jouer les médiateurs dans le conflit diplomatique opposant plusieurs pays du Golfe au Qatar, allié de la Turquie.
Après la réconciliation entre les Etats du Golfe l’an dernier, différents rapprochements diplomatiques ont eu lieu dans la région dans un contexte post-pandémique. En février, le chef d’Etat turc avait effectué sa première visite officielle aux Emirats arabes unis, quelques mois après celle à Ankara du prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammed ben Zayed, les deux pays ayant afficher leur volonté de resserrer les liens économiques.
Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis dix-neuf ans comme Premier ministre puis comme président, espère être réélu lors de la prochaine élection présidentielle, prévue en juin 2023.