La chute des prix des hydrocarbures remet une autre fois sur la table la question de «devoir» passer à d’autres modèles économiques basés sur d’autres ressources. Et de celles que l’Algérie peut développer d’une manière continue et sans un quelconque danger, les énergies renouvelables arrivent en tête de liste.
En effet, par sa situation privilégiée, l’Algérie possède le potentiel solaire le plus important de tout le bassin méditerranéen et dispose d’un des gisements solaires des plus élevés au monde, avec 169 440 TWh (évaluation effectuée en 2006 par l’Agence spatiale allemande DLR). Le temps d’insolation sur la quasi-totalité du territoire national excède 2 000 h annuellement et peut atteindre 3 900. L’énergie quotidiennement obtenue sur une surface horizontale de 1 m² est de 5 kWh sur la majeure partie du territoire national, ou environ 1 700 kWh/m²/an pour le nord et de 2 650 kWh/m²/an pour le sud du pays.
Les experts, se basant sur ces données, n’ont eu de cesse à exhorter les autorités à faire la chasse aux rayons solaires dont le pays regorge à longueur d’année. C’est aussi le cas de l’éolien qui ne semble bénéficier d’aucun intérêt des décideurs. Pourtant ce n’est pas les discours qui manquent. L’on parle d’ailleurs d’un plan d’action du gouvernement qui, en plus de l’intensification des efforts de prospection et de production des hydrocarbures, vise à diversifier les sources énergétiques à travers un programme de développement des énergies renouvelables permettant la production de 15.000 MW électricité à l’horizon 2035 dont 4 000 MW d’ici à 2024. Cette transition, selon le projet de plan d’action qui a été approuvé lors du dernier Conseil des ministres, devrait permettre à l’Algérie de «s’affranchir de manière progressive de la dépendance vis-à-vis des ressources conventionnelles» et d’amorcer une dynamique d’émergence d’une énergie verte et durable qui s’appuie sur la mise en valeur de ressources d’énergie inépuisables.
Et ce n’est pas également les rencontres, sommets et salons qui manquent. D’ailleurs, un salon dédié aux énergies renouvelables est organisé à partir d’aujourd’hui à la SAFEX, et se poursuivra jusqu’au 13 du mois en cours. «Après le succès des précédentes éditions, Advision El Djazaïr, sous le patronage du ministre de l’Énergie, organise pour la troisième année consécutive le Salon de l’électricité et des énergies renouvelables (SEER), du 10 au 13 février 2020», annoncent les organisateurs. Et d’ajouter : «À l’heure où la protection de l’environnement et l’économie d’énergie deviennent des enjeux planétaires, le SEER est l’occasion pour réunir les professionnels du secteur, afin d’échanger et de proposer des solutions novatrices dans les domaines de l’électricité et des énergies renouvelables, et cela à l’aide de workshops et de conférences avec des spécialistes du domaine. L’économie d’énergie est d’ailleurs le thème de cette nouvelle rencontre». Prometteur !
Mais l’autre son de cloche donne plutôt froid dans le dos. Il vient, entre autres, du président du Cluster énergies renouvelables, Boukhalfa Yaïci, qui, pas loin que jeudi passé, a estimé que la place des énergies renouvelables en Algérie est « compromise et ne rentre plus dans la stratégie du Gouvernement mise en place à partir de 2011». Selon cet acteur, «on a perdu beaucoup de temps en 10 ans». Aussi beaucoup d’argent. Mais l’amère réalité est là : «Depuis 2015, dira M. Yaïci, on a pu réaliser seulement 390 MW sur le programme des 22 000 MW, soit 1,8% du total». «Il y a un fossé entre les déclarations politiques et la réalité. Il n’y pas un plan d’action détaillé, et c’est ce que nous demandons depuis de nombreuses années. Les annonces qui avaient été faites à plusieurs reprises ont créé un engouement auprès des industriels et des citoyens, et cela ne s’est pas concrétisé dans la réalité », dira encore M. Yaïci.
L’autre secteur qui aurait pu constituer du moins l’un des palliatifs aux hydrocarbures est l’agriculture. Mais là encore, beaucoup reste à faire. Déficit en mécanisation, manque d’espaces de stockage, dépendance à la pluviométrie, agriculteurs souvent livrés à eux-mêmes… mais, à croire les spécialistes, l’énergie est le vrai casse-tête du secteur, un casse-tête auquel le « renouvelable » aurait pu largement mettre fin.
En effet, l’apport des énergies renouvelables dans le domaine agricole aurait pu constituer l’un des secteurs les plus importants dans leurs applications et aurait pu devenir un moyen majeur pour le développement social et économique, notamment dans les régions rurales et sahariennes qui couvrent plus de 86 % de la superficie du pays. En l’absence des eaux de surface, les nappes aquifères situées dans le sous-sol semblent être la seule alternative à ce dilemme mais en raison de leur profondeur, il est difficile pour le pompage manuel et animal de l’extraire. Et c’est là, de l’avis des spécialistes, que les énergies renouvelables peuvent jouer un rôle des plus importants. C’est donc à se demander pour quand une vraie stratégie visant à développer ces deux secteurs, les seuls à même de faire sortir l’Algérie de sa dépendance chronique aux hydrocarbures dans des délais raisonnables.
Hamid F.