De jour comme de nuit, les agents de nettoyage sont mobilisés pendant toute l’année à assurer la propreté de nos rues et boulevards, à travers le pays, et la tâche est loin d’être facile, pour de nombreuses raisons.
Reportage réalisé par Lilïa Sahed
Effectivement, Ils mènent un travail très rude, notamment, à Alger, car l’entretien des rues et boulevards de la capitale, notamment par le ramassage des ordures et la collecte des détritus, ne sont pas aussi facile qu’il paraît, lorsque nous les croisons tous les jours sur notre chemin, et souvent des passants n’y prêtent même attention . Et pour être au plus près d’eux, pour voir les conditions de leur travail, leur état d’esprit et leurs préoccupations et aspirations, nous avons passé près d’une journée avec les agents de nettoyage d’Alger, le jour du 5e vendredi de la mobilisation populaire citoyenne à travers le pays, celle de vendredi dernier. Notre journée a commencé tôt dans la matinée, alors que tout le monde se préparait pour être au rendez-vous du 5e vendredi de la mobilisation citoyenne, pour le changement du système politique en place, et l’édification d’un État de droit. À la place des martyrs, à la basse casbah, Ami Mohamed, employé à l’Établissement de Nettoiement et de collecte des ordures ménagères, était matinal, non pas pour faire son marché, mais il était là où sa journée de travail devait commençait. Agé d’une cinquantaine d’années, Ami Mohamed, nous a raconté qu’au début de son parcours professionnel, il n’était pas enthousiasmé à faire ce boulot , mais, il a été appelé à l’accepter, suite à la maladie chronique qu’a frappé son épouse « Ma femme a été atteinte par le diabète et compte tenu que les médicaments sont très chères » nous dit-il, « j’ai décidé de chercher un travail stable, pour pouvoir être affilié à la Caisse nationale des travailleurs » alors qu’avant, il se contentait de métiers instables, dont un simple vendeur informel, « une situation de précarité dans la durée ». Avec le temps, poursuit-il « je me suis habitué, et j’exerce le métier d’agent de netoyage, depuis maintenant sept ans » nous précise Ami Mohamed. Cet ex-vendeur du marché informel, dès la prise en main du poste de travail, il renoue avec la vie matinale, puisqu’il se lève à trois heures du matin, pour commencer, une heure après, « la tournée de collecte des ordures avec ses collègues, à quatre heures » nous précise-t-il. Arrivée au siège de l’entreprise, il enfile sa simple combinaison, qui, par son état, dévoile le temps passé, depuis la première fois qu’il a eu à la mettre, ainsi que ses gants d’ailleurs, pour ensuite se diriger pour rejoindre le rendez-vous de l’équipe, juste devant leur véhicule de service. Là ils font le point, sur leur travail et les lieux et circuits à nettoyer. Fini le point, ils enjambent le véhicule, en direction du premier point pour débarrasser des ordures : « on se met tout de suite à travailler » nous dit-il, en procédant aux ramassages des grandes poubelles, poursuit-il, « souvent très lourdes, pour les vider dans la grande poubelle de notre camion » et ainsi de suite, selon la feuille de route du travail à accomplir.
«Nous jouissons de plus de respect, de la part des citoyens, qu’avant »
Amine, plus jeune qu’Ami Mohamed, travail comme agent de nettoyage à Net-Com, il nous confie d’emblée que «depuis le début des manifestations du peuple le 22 février à Alger, nous sentons plus de respect qu’avant ». Poursuivant, il nous dira davantage, avec un sentiment de satisfaction : « les manifestants et ils sont près de deux millions, chaque vendredi, ils ont fait preuve de civisme, et allègent considérablement notre tâche, en faisant en sorte de ne pas laisser des ordures trainées par terre, ici et là, tout est clean (propre :NDLR », et de là, « nous ne balayons pas, il nous suffit de ramasser les sacs poubelles dans des points précis » et de lancer à ces jeunes : « bravo alihoum, (merci à eux :Ndlr) ». Il nous raconte, par la même occasion, qu’en passant par la Pêcherie, et Port Saïd, pour arriver à la Grande Place des Martyrs « C’est un plaisir de voir que vraiment c’est propre !!, dans la norme, puisqu’il faut bien que nous travaillons ». Et de nous lancer, avec soulagement que les algérois, en leur majorité « montrent qu’ils sont enfin conscients, d’abord de l’importance de contribuer à laisser les espaces publics propres » en plus qu’ils se sont rendus compte, poursuit-il « de l’importance et la difficulté de notre travail » notamment en nous « laissant pratiquement un travail de quelques heures seulement après les manifestations populaires » grâce à « l’implication des manifestants à donner une meilleure image de la mobilisation populaire pacifique, dans son moindre détail », en citant le ramassage des bouteilles, quand celles-ci n’avait pas été jetées directement dans les poubelles, lesquelles sont souvent pleines et débordent, avant même la fin de la manifestation. «cela nous aide beaucoup et nous procure beaucoup d’espoir sur l’avenir du pays» conclut Amine.
Contacté, samedi dernier, pour avoir de plus amples information, sur l’entreprise Net-Com et ses employés, la chargée de communication, Yakoubi Nassima nous indique que « Net-com comprend 4 700 agents » dont les balayeurs, les éboueurs, les laveurs et nous disposons de 368 véhicules et le travail continu des employés se fait par brigades » nous précise-t-elle. La brigade de nuit commence à 21h jusqu’à 4h du matin, pour être relayée par une autre équipe de 4h du matin jusqu’à midi». Ce qui nous amène à penser que ceux que nous rencontrons, au-delà de la pause déjeuner, en empruntant les rues et les boulevards d’Alger, travaillent les heures supplémentaires dont nous a fait part, Abdelghani (voir l’autre article :NDLR), en l’absence de perspectives de recrutement de nouveau personnel, par Net-Com. Concernant les dernières manifestations populaires pacifiques, sur Alger, chaque vendredi, depuis le 22 février dernier, et d’autres jours de la semaine d’une manière non régulière, sauf celle, du mardi, des Étudiants et Enseignants de l’Université, la responsable nous indique que Net-Com a procédé « à la mobilisation de plus d’agents de nettoyage » nous a-t-elle précisé.
Après avoir manifesté, les jeunes se mobilisent pour l’opération-nettoyage
On est en fin de journée de la 5e manifestation du mouvement populaire, et dès 16 heures, soit une heure avant la fin de cette mobilisation citoyenne, des jeunes commencent le volontariat du nettoyage de l’ensemble des places et lieux qui accueillent, près de deux millions de manifestants, y compris en ce vendredi pluvieux. De la place mythique du martyr de la Révolution algérienne pour l’Indépendance, Maurice Audin, espace devenu incontournable pour les rassemblements du mouvement citoyen, des jeunes, filles et garçons, dans une dynamique volontaire, les sacs poubelles à la main, entament le ramassage des ordures et le nettoyage de tout ce qu’ils trouvent par terre : bouteilles en plastique, cartons, papiers, mégots, mouchoirs en papier et autres, à titre d’exemple. Sur la rue du valeureux martyr Didouche Mourad, même ambiance, nous rencontrons le jeune Samir, un des volontaires pour cette opération de nettoyage, après avoir manifesté, nous confie « maintenant c’est le nettoyage, après avoir manifesté, pour une Algérie de demain » et comme vous voyez, nous lance-t-il « tous les jeunes y participent, une dynamique d’ensemble pour le bien être de toutes et de tous », une image de l’Algérie des lendemains meilleurs, que ces jeunes affichent par leur mobilisation et leur action citoyenne. Il nous déclare, plus loin, que « de tout temps, ces dernières années, il ont tenté de faire croire que nous n’avons pas de lien avec le civisme, nous ne savons pas nous exprimer, et de là-même, pas manifester de façon pacifique et organisée et ainsi nous montrons et nous prouvons le contraire à notre gouvernement et à l’opinion internationale ». « Tous ces manifestants nettoyeurs donnent l’exemple et que le meilleur est dans l’avenir que nous voulons dessiner pour notre peuple et notre Algérie » nous confie, Mounia impliquée dans ce volontariat de nettoyage, qui poursuit « Il y a toutes les générations qui sont là, moi-même j’approche la quarantaine, et toute contente de faire ce travail aux côtés des plus jeunes qui débordent d’idées et de volontés », nous dit Mounia, sac poubelle à la main, à moitié rempli. Plus loin encore, dans la rue Hassiba Ben Bouali, toute une famille a participé à cette opération de nettoyage. Des parents avec leurs trois enfants âgé de six, huit et dix ans, munis de leurs sacs poubelles à la main, et le drapeau national attaché autour du cou, étaient à la tâche, et les parents étaient des Enseignants dans une école primaire.
L. S.
ABDELGHANI, AGENT DE NETTOYAGE, 10 ANS D’EXPÉRIENCE À NET-COM, NOUS CONFIE :
«Ça fait du bien de rendre propre une rue, une ruelle, un boulevard»
Abdelghani est un agent de nettoyage, employé par l’entreprise Net Com, avec une expérience de plus de 10 ans. Agé de 47 ans, marié et père de six enfants, mais le salaire de son labeur, à nettoyer au quotidien nos espaces publics, est loin de le satisfaire; surtout qu’il ne suffit pas pour répondre aux besoins quotidiens de sa famille, outre de ne pas penser à s’offrir des vacances de quelques jours ni même se permettre des petits gestes, envers ses êtres chères. Abdelghani nous confie, que le salaire de base, à Net com, « est fixé au début, à 14 000 Da pour atteindre les 30 000 Da » , avec le nombre d’années d’ancienneté, les primes et les heures supplémentaires outre les 1000 Da pour un travail d’une journée de plus, mais, nous précise-t-il, « à condition de ne pas s’absenter pendant le mois ». Notre interlocuteur nous explique que Net com manque « d’un grand nombre d’effectifs » et que bon nombre de jeunes au chômage « ne s’intéressent pas à cette profession d’autant plus que le salaire est dérisoire en comparaison avec la cherté de la vie et la chute du pouvoir d’achat du simple citoyen ». Mettant l’accent sur le renversement de l’échelle de valeurs, dont la dévalorisation de la valeur du travail, notre interlocuteur nous fait savoir que « notre secteur souffre en permanence de manque de personnel » notamment, poursuit-il, « depuis le départ en retraite de bon nombre de ses employés » alertant sur l’impact de manque d’effectif « persistant » en l’absence de recrutement et des conditions de travail, difficiles, dont le niveau bas des salaires. Alors qu’ailleurs dans le monde, ce secteur a connu des bouleversements et des changements en matière de collecte et de gestion des déchets, cette activité continue d’être assurée par un personnel réduit, des moyens et du matériel inadéquats, au vue de la réalité, pour ne citer que quelques bennes disponibles en mesure de récolter les déchets et de les mettre dans des camions. Le personnel de Net Com, continue, en effet, de faire face, aux conséquences à ce jour, d’absence d’avancées notables dans ce secteur, notamment celles visant à la modernisation de cette activité, outre l’absence, à ce jour, de la culture du tri des déchets des ménages, voie à même de contribuer à l’émergence, dans la durée, de nombreuses activités économiques, pour ne citer que le recyclage. Personnellement, nous raconte Abedelghani « je suis chaque jour chargé du ramassage des déchets, après balayage des grands boulevards comme des petites ruelles d’Alger » et chaque jour, nous dit-il, « c’est un parcours du combattant » du fait, nous explique-t-il, « des quantités de détritus jetés partout » et du manque de personnel, pour les raisons que j’ai évoqué auparavant » nous explique Abdelghani. à cela s’ajoute, « le tri des déchets que lui et ses collègues effectuent » : un travail lassant et plus pénible, par l’absence à ce jour de promotion de politique, en ce sens, par les pouvoirs publics, devant impliquer le citoyen, à l’instar de ce qui se fait ailleurs, déplorant qu’à ce jour « nos ménages continuent à jeter leurs déchets, comme le faisaient leurs parents et grands-parents « alors qu’on aurait dû commencer à remédier à cela, il y a bien longtemps », nous lance-t-il. Séparer les déchets, en mettant les cartons et tout ce qui est papiers, dans une benne, les morceaux de verre cassés dans une autre, et les autres détritus dans une troisième benne, mises à la disposition des ménages, dans leurs quartiers, est en mesure d’apporter ces résultats, dans le futur, et « attendre encore à le faire », selon lui, « maintiendra cette situation dans la durée ». Poursuivant, il dira, par ailleurs, que «malgré les dispositifs pris par notre entreprise, notamment avec l’acquisition de mono-brosses et des auto-laveuses, pour obtenir un résultat satisfaisant, en un temps record » ce qui allège fortement l’employé, déplorant que ces machines sont en nombre très réduit, à Alger comme ailleurs. Notons que ces machines assurent le grand nettoyage, seulement sur les grands boulevards devant demeurer flamboyants, dont certains abritant des sièges d’Institutions et d’édifices publics. Et pour revenir sur les conditions socio-professionnelles des employés de Net Com, Abdelghani déplore les nombreuses années, durant lesquelles les travailleurs de la-dite entreprise «étaient sous contrat CDD,» un statut qui met l’employé sous la pression de la précarité, de privation de nombreux droits, dont le refus d’assurer des heures supplémentaires pour une rémunération dérisoire, en plus d’être sous contrat CDD d’une durée de six mois. Un refus qui ouvre la voie à tout employé sous contrat CDD, à la perte de son poste de travail et donc à rejoindre les rangs des chômeurs…. L’agent de Net-Com Abdelghani nous indique, avec un grand soulagement de voir que c’est l’année dernière et pour la première fois, nous dit-il, qu’ « on a eu droit à la signature d’un Contrat de travail CDI ». Alors qu’il exerce ce métier, depuis plus de dix ans, Abedelghani garde son enthousiasme et même le sentiment de joie qui le prend, après le travail accompli. Il nous confie, en dépit des conditions difficiles, à chaque fois qu’il arrive sur les lieux de son travail «voir le résultat après notre passage me procure satisfaction et voir un bon résultat du travail accompli c’est vraiment agréable » nous lance-t-il, et de nous préciser : « rendre propre ce qui était sale, ça fait du bien ». Ce métier a des avantages, mais aussi des inconvénients, comme les autres métiers; et pour Abdelghani, être en mouvement, passer d’un quartier à un autre et d’une rue à une ruelle, nous « met à l’abri de la routine, car nous sommes en contact avec le rythme de vie que reflète le monde extérieur ». et pour les inconvénients, pour cet employé de NET-Com « l’absence de bonnes conditions de travail » notamment dans le manque d’équipements à même de les prévenir de tout risque d’accident ou sur leur santé, eux sont en contact direct et au quotidien, avec les déchets et détritus de tous genres. « Nous prenons des risques majeurs en travaillant souvent sans casques, ni gants, ni tenue et chaussures adéquates et autres » nous lance-t-il. Et de revenir, sur le côté agréable de son travail, insiste-t-il, « nous travaillons en équipe, nous gagnons un capital en matière de rapports et côté relationnel » et dans des lieux publics, « on est en contact avec des citoyens et les petites histoires qui font la vie de tous les jours» nous dira Abdelghani avant de le quitter, après l’avoir interrompu, dans son travail, mercredi dernier, la veille de la 5ème marche populaire pacifique, de vendredi dernier, à laquelle, il nous a affirmé, qu’il y sera.
Lilia Sahed