Dès l’ouverture des bureaux des élections, tôt la matinée d’hier, les centres de vote du scrutin présidentiel de la Fédération de Russie n’ont pas désempli tout au long de la journée. Même si la majorité des citoyens russes et les centres de sondage spécialisés, étrangers ou russes, donnaient gagnant Vladimir Poutine. Pour ces derniers «un président qui gagne est forcement réélu».
Successeur de Boris Eltsine à la tête de l’État russe, durant les dures années 1990, Vladimir Poutine a effectué, entre 2000 et 2008, deux mandats présidentiels consécutifs de 4 ans chacun et a été réélu en 2012 pour un mandat de 6 ans, et serait toujours, sauf surprise, le locataire du Kremlin jusqu’à 2024. En effet, la présidentielle russe s’est tenue, hier, dans les 85 régions du pays, dans plus de 97 300 bureaux de vote en Russie et 401 bureaux de vote à l’étranger, a concerné 107 millions d’électeurs et électrices et cette fois-ci, il ya eu la participation de deux nouvelles régions du pays, la Crimée et Sébastopol, rattachées à la Russie suite au référendum, tenu en 2014. Hier, premier couac, dans le bureau de vote «1480» de la région de Moscou, à Lioubertsy, un bourrage d’urnes a été constaté, selon la présidente de la Commission électorale de la région, Irina Konovalova, annonçant que «tous les suffrages dans ce bureau seront invalidés», a-t-elle affirmé. Ainsi, après avoir glissé son bulletin dans l’urne dans un bureau de vote à Moscou, les journalistes qui l’ont interrogé pour savoir quel nombre de suffrages pourrait satisfaire Vladimir Poutine, le candidat potentiel de ce scrutin répond par « n’importe lequel, qui donne le droit de remplir la fonction de Président», a déclaré Poutine. Ayant réussi à sortir son pays des griffes des années dures qu’a connu la Fédération de Russie, après l’effondrement de l’ex-URSS et l’époque sombre du règne de Boris Elstine, Moscou a retrouvé sa place d’acteur incontournable, sur les scènes régionale et internationale. S’il y’a nouveauté dans la présidentielle russe de 2018, elle sera la procédure électorale qui consiste à l’usage des nouvelles technologies qui ont permis, pour la première fois, hier, aux votants, de s’exprimer sur ce scrutin, là où bon leur semble. En effet, un site spécial de services publics propose aux électeurs, selon le ministre russe des Télécommunications, Nikolaï Nikiforov, de choisir un bureau de vote à côté de l’endroit où ils se trouvent et ils étaient près de 1,6 million d’électeurs russes à avoir recouru, à ce service appelé, «Électeur mobile». Plus de 46.000 caméras de surveillance ont été également installées dans l’ensemble des bureaux de vote, en vue de suivre en ligne, et en temps réel, le déroulement de l’opération de vote, le décompte des bulletins et le calcul des résultats. Appelés aux urnes à partir de 08H00 à travers, la Russie, le premier de la liste des quatre plus grands pays du monde, suivi du Canada, des États-Unis et de la Chine, le vote a débuté, dès samedi soir et dans la nuit, en Sibérie et en Extrême-Orient, compte tenu du décalage horaire.
Un scrutin à l’image du rôle incontournable de Moscou sur la scène régionale et mondiale
En réponse aux détracteurs de Moscou et du régime Vladimirien en Russie, la veille du jour «J», Ella Pamfilova, présidente de la Commission électorale centrale de Russie avait répliqué, samedi, que « Pour nous, il est important d’accorder à tout un chacun, indépendamment de quoi que ce soit, la possibilité d’observer les élections, de s’informer de leurs résultats, de participer au processus en tant que médias accrédités ou observateurs» avant d’affirmer que « nous le faisons sciemment puisque nous n’avons rien à cacher», a-t-elle souligné. Par ailleurs, Ella Pamfilova a fait savoir, hier, que le site de la commission qu’elle préside était la cible d’une attaque informatique, en provenance de 15 pays, indiquant que «nous faisons face à ce qui est de fait une cyber-attaque contre la Commission électorale centrale de la Fédération de Russie», a-telle révélé, précisant que celle-ci «a subi, peu après le début du vote, une attaque DDoS en provenance de 15 pays.» Autre donne marquant le scrutin de la présidentielle en Russie, c’est sa tenue «symbolique», quatre ans jour pour jour, après la ratification du rattachement de la péninsule ukrainienne de Crimée à la Russie, provoquant, la colère et une forte opposition des occidentaux, à leur tête Washington. Hier, en représailles à la tenue de la présidentielle en Crimée, Kiev s’est empressée de prendre des mesures, bloquant le vote à des électeurs russes résidant en Ukraine, par la mobilisation de centaines de policiers, appuyés par la présence de militants nationalistes, qui bloquaient l’accès aux consulats russes dans plusieurs grandes villes ukrainiennes. Pressenti avant l’heure à sa propre succession, Vladimir Poutine, cet ex-agent du KGB, qui a tout au long de son troisième mandat, 2012-2018, réussi à parachever le retour d’influence de la Russie sur les scènes régionale et internationale. Si jamais, il serait élu, il s’engage à se consacrer pour les six prochaines années à la consolidation de ce qu’il a accompli jusqu’à hier, et peser davantage dans le cours des mutations des relations et rapports mondiaux, dessinant le nouvel ordre mondial multipolaire, et la fin de celui unipolaire, dominé par les États-Unis, dès les années 90. Devant le gouvernement et la représentation nationale, le 1er mars, Vladimir Poutine s’est longuement attardé sur la nécessité d’adapter l’économie russe aux mutations technologiques en cours. Notons que la situation économique russe est marquée par un taux de chômage faible et un prix du baril stabilisé, mais la croissance économique demeure timide, dans des secteurs, sauf dans des domaines précis, comme l’agriculture, qui a connu un essor considérable, après l’embargo imposé par les occidentaux dès août 2014. L’année passée, les exportations agricoles de la Russie ont atteint un record de 16,4 milliards d’euros, et à moins de quatre jours du scrutin présidentiel, Poutine avait déclaré, que «le secteur agricole russe a changé de manière radicale ces dernières années […], se transformant en une motrice de l’économie russe» a-t-il affirmé, le 12 mars dernier, lors du forum des agriculteurs à Krasnodar dans le sud du pays.
Karima Bennour