Voix importante de la littérature d’expression française, l’écrivain Salah Stétié, né à Beyrouth le 28 septembre 1929, a eu le Grand prix de la francophonie de l’Académie française en 1995.
Le poète, diplomate, penseur, esthète, traducteur et critique littéraire Salah Stétié, mort le 19 mai à l’âge de 90 ans au Tremblay-sur-Mauldre (Yvelines) où il repose, était l’une des voix importantes de la littérature d’expression française.
C’est à son père, enseignant et poète de langue arabe, qu’il doit sa culture mixte où l’arabe épouse les autres cultures et langues, notamment le français qui était son véhicule linguistique en tant qu’auteur. C’est aussi son père, Mahmoud Stétié, qui s’applique à lui prodiguer un solide enracinement dans la culture arabo-musulmane tout en l’inscrivant au Collège protestant français de Beyrouth, puis chez les jésuites, à l’université Saint-Joseph. Salah ne tardera pas à devenir avec Hector Khlat, Andrée Chedid, Georges Schehadé ou Nadia Tueni, l’un des plus importants auteurs de graphie française du pays du célèbre Khalil Gibran. En 1949, sous l’impulsion de l’écrivain Gabriel Bounoure, il devient professeur au collège des pères mékhitaristes d’Alep, en Syrie, et, deux ans plus tard, obtient une bourse d’études à Paris. A l’Ecole pratique des hautes études, il a pour professeur Louis Massignon avec qui il approfondit sa connaissance de la littérature et de la mystique arabes, du soufisme en particulier. Durant les cinq années de son séjour parisien, il fait la connaissance de Pierre Jean Jouve, René Char, Emil Cioran, Yves Bonnefoy et d’autres voix fortes de la poésie française…
Sa plume lui permet d’intégrer l’équipe exigeante de la revue Les Lettres nouvelles, cofondée par Maurice Nadeau, et publie au Mercure de France la première version du Voyage d’Alep. Meurtri par le martyre de la Syrie, il écrit le 11 août 2017 : « Je pleure désormais en relisant ces quelques pages que j’ai écrites dans le bonheur de vivre l’Orient et Alep en particulier dans leur splendeur. La splendeur n’est rien, rien, si elle ne signifie pas en son sein le beau et possible rayonnement de l’homme. » Amateur d’art, Stitié se lie avec les représentants de la nouvelle peinture française des années 1950. Au fil des années, sa passion pour les arts plastiques donnera lieu à de nombreuses collaborations avec des peintres : Zao Wou-Ki, Raoul Ubac, Pierre Alechinsky, Antoni Tàpies, Roger-Edgar Gillet…
Mixant la sensibilité pure de la tradition poétique arabe à une tonalité européenne, son œuvre poétique est à la fois dense et abondante. Peu à peu, il aboutit à une réduction et un minimalisme de l’expression qui vise à dire l’essentiel humain. Parmi ses recueils poétiques : L’Eau froide gardée, 1973 ; Inversion de l’arbre et du silence, 1981 ; L’Être poupée, 1983 (traduit en arabe par Adonis, 1983) ; Archer aveugle, 1986 ; Lecture d’une femme, 1988 ; L’Autre côté brûlé du très pur, 1992. Prolixe, Stitié est l’auteur de nombreux essais, de recueils d’aphorismes (Signes et singes, 1996), de traductions et présentations de poètes arabes, de textes sur la poésie, la langue, l’art et la calligraphie. Son œuvre manifeste « le désir d’une vigilance et une foi dans la parole de poésie », selon les mots d’Yves Bonnefoy et se découvre « dans une illuminante complexité » (Giovanni Dotoli, Salah Stétié, le poète, la poésie, Klincksieck, 1999).
Candidat à l’Académie française en 2002, il a obtenu de nombreux prix : 1972 : Prix de l’amitié franco-arabe, 1982 : Prix Max-Jacob, 1995 : Grand prix de la francophonie de l’Académie française, 2006 : Prix européen de la ville de Smederevo (Serbie), 2007 : Grand prix de poésie des Biennales internationales de Liège (Belgique), 2015 : Prix Saint-Simon et prix franco-suisse des Charmettes Jean-Jacques Rousseau pour L’Extravagance.
Ali El Hadj Tahar