Dimanche soir, le Conseil des ministres, réuni sous la présidence du chef de l’État par intérim, Abdelkader Bensalah, a adopté deux projets de loi, notamment celui portant révision de la loi sur les hydrocarbures et celui de la loi de Finances 2020. Avant même qu’ils ne soient approuvés, les deux textes, le premier surtout, ont soulevé un tollé général dans le pays.
Entre partisans d’un rejet catégorique et ceux prônant l’ajournement du projet à l’après Présidentielle, la question divise, mais fait toutefois l’unanimité chez les prétendants à la candidature. Ainsi, Ali Benflis, Abdelaziz Belaïd, Abdelkader Bengrina et Azzedine Mihoubi, plaident en faveur d’un report du projet de loi sur les hydrocarbures.
Abdelaziz Belaïd : «Seul un Président élu peut porter le projet»
Candidats à la candidature de la présidentielle du 12 décembre prochain, le président de Talaïe El Hourryat (TAH) et le chef du Front El Moustakbal (FEM) ont plaidé pour un report pour des raisons de «timing politique», tout en cédant sur le principe de la «nécessité» de réviser la loi sur les hydrocarbures. En d’autres termes, le candidat aux présidentielles de 2014 émet des réserves, non pas de fond, mais de timing à propos de ce texte.
Contacté hier par nos soins, Abdelaziz Belaïd, candidat du Front El Moustakbel, a pris position sur le projet, en demandant au Gouvernement de renoncer à l’examen de ce texte «sous tension», jugeant que « le temps n’est pas propice actuellement à un débat serein ». Pour lui, « seul le futur président, élu, a la légitimité nécessaire pour porter ce projet, le peuple n’est pas prêt à entrer dans le débat, d’autant qu’il a perdu toute confiance dans les partis politiques», nous a-t-il affirmé.
Ali Benflis : «Le projet doit être porté par des institutions légitimes»
De son côté, Ali Benflis, qui a réagi sur sa page Facebook, a écrit «ma position sur le sujet et le dossier des hydrocarbures n’est ni conjoncturelle, ni de circonstance. Elle est constante et c’est la cause de mes divergences avec le président Bouteflika en 2003 », assure-t-il. En ajoutant : « Je ne conçois pas du tout l’ouverture du dossier des hydrocarbures sans un dialogue approfondi et une large consultation de toutes les dynamiques de la société », plaide-t-il. Selon le candidat aux élections présidentielles à venir, il s’agit d’un dossier « stratégique et déterminant pour le peuple et pour le pays», écrit-il.
Pour l’ex-ministre de la Justice, «il est inconcevable dans cette situation particulière, caractérisée par l’illégitimité des institutions, en particulier du gouvernement et du Parlement, d’agir sur le sort des richesses de l’Algérie». D’après lui, «la sagesse, la raison, la prévoyance, les échanges d’opinions et l’écoute de la volonté du peuple commandent à tous de reporter l’émission de ce dossier déterminant jusqu’à la mise en place d’Institutions légitimes capables d’ouvrir un dialogue sérieux et approfondi sur cette question décisive pour la nation ».
Azeddine Mihoubi : «Renvoyer le texte de loi à l’après-présidentielle»
Ainsi, la vague des critiques du projet de loi sur les hydrocarbures, approuvé par le gouvernement Bedoui qui a été nommé par l’ex-président Bouteflika, et qui, du reste, était chargé de gérer les affaires courantes jusqu’à l’élection d’un nouveau président de la République, a atterri même chez les partis dits proches du pouvoir comme c’est le cas du Rassemblement national démocratique. Son SG par intérim, Azzedine Mihoubi, également candidat à la candidature aux prochaines présidentielles, a exprimé le souhait de voir ce projet renvoyé à l’après-présidentielle, jugeant que le « temps n’est pas opportun». Après avoir été sollicité, il nous renvoie au communiqué rendu public hier par son parti, le RND, qui explique que « la logique commande d’enrichir le nouveau texte de propositions qui renforcent la « transparence» lors de la signature des contrats et « permettre à l’État de renforcer son contrôle sur l’activité et le rôle des sociétés algériennes opérant dans le domaine».
Abdelkader Bengrina : «Il faut impliquer les acteurs de la société civile et les experts»
C’est aussi le cas pour l’autre prétendant à la tête de la magistrature suprême du pays, chef du parti islamiste d’El-Bina, Abdelkader Bengrina. Contacté hier matin, il nous a exprimé son étonnement du fait qu’un« gouvernement de gérance des affaires courantes rejeté par le peuple se donne la légitimité et le droit de légiférer dans un domaine stratégique tel que l’énergie, les hydrocarbures».
Notre interlocuteur nous a affirmé que la Constitution est très claire à ce sujet. Autrement dit, «la propriété publique est un bien collectif », a-t-il expliqué, appelant dans ce cadre à établir un « dialogue ouvert entre les experts et les différents acteurs de la société».
Propos recueillis par Sarah Oubraham