Dans un exercice de funambule, Nacer Bourita a tenté, dans un entretien accordé au magazine Français le Point, de présenter la dernière visite du président français Emmanuel Macron, comme un haut fait d’armes de la diplomatie du Makhzen. Cette visite, qui intervient dans le contexte du 49e anniversaire de la « marche verte » et de l’invasion du Sahara occidental -6 novembre 1975), représente pour le chef de la diplomatie marocaine un nouveau départ pour la France et le Maroc et marque un tournant dans les relations à la faveur de la déclaration commune signée par Macron et M6 posant les bases de ce qu’il a qualifié de partenariat d’exception renforcé. Cette déclaration, conçue autour des principes de transparence, solidarité et égalité entre États, définit des domaines prioritaires comme les énergies renouvelables et la modernisation des infrastructures ferroviaires et portuaires. «Cette visite marque le début d’un nouveau chapitre », a affirmé Bourita évoquant la supervision directe de ce partenariat par le roi Mohammed VI et le chef d’État Emmanuel Macron. Cette alliance repose, a -t-il souligné, sur une approche de « doing with Morocco », et vise à construire des projets qui valorisent les entreprises marocaines. Les initiatives dans le domaine de l’hydrogène vert et de la ligne à grande vitesse incarnent cet esprit de collaboration. Or, ce que feint d‘oublier ou ce que ne veut pas voir le diplomate makhzénien est que les accords signés avec le Maroc doivent se soumettre aux réserves émises par la Cour de Justice européenne qui a indiqué que les contrats signés par des membres de l’UE avec le Maroc ne doivent pas englober dans leur espace de mise en œuvre des territoires sahraouis considérés comme non autonomes. C’est là une fumisterie que semble concevoir Paris et Rabat pour entériner une situation de fait accompli dans les territoires occupés de la RASD. Le Maroc, qui s’est réjoui du soutien de Paris à son plan d’autonomie des territoires sahraouis, ne développe pas la même fougue pour évoquer la récupération des enclaves (Ceuta et Melilla) occupées par l’Espagne. La France foule aux pieds la légalité et le droit international en reconnaissant la souveraineté du Maroc sur les territoires sahraouis occupés mais ne pipe pas mot sur l’occupation par l’Espagne de territoires marocains. Bourita se réjouit du soutien de Paris au plan d’autonomie marocain comme « la seule base réaliste » pour résoudre le conflit du Sahara occidental tout en étant certain que ce soutien ne servira jamais de base pour le règlement de ce problème qui ne pourra être résolu que dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité qui reconnaissent le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. La France pourra monter sur ses grands chevaux et annoncer son plein soutien au plan marocain, elle ne changera rien à la nature du problème et à la dynamique de règlement qui ne saurait être conçue loin du cadre de la légalité et le droit international.
Il faut reconnaitre que le rapprochement entre Paris et Rabat est beaucoup plus favorable aux intérêts géostratégiques de la France. Cette ancienne puissance coloniale, chassée de la région du Sahel où elle a perdu son influence, utilise le Maroc comme cheval de Troie pour y revenir. Et c’est ce qu’a tenté de justifier Bourita en indiquant que la stabilité de la région du Sahel est une priorité pour le Maroc, qui a mis en place une série d’initiatives pour soutenir les pays sahéliens. Le royaume a notamment investi dans la formation de leaders religieux et lancé des projets de développement pour désenclaver la région. Et c’est là un plan d’essence française conçu par des experts de l’Elysée et sous-traité par le Makhzen.
Un cheval de Troie pour la France
Mieux encore, le Maroc veut se substituer à la France pour mieux défendre l’influence de ce pays dans la région du Sahel et l’Afrique de l’Ouest. Dans l’entretien qu’il a livré au magazine le Point, il a ressuscité son plan de Hub atlantique pour les pays de ces régions du continent en leur promettant de leur offrir l’accès à ses infrastructures logistiques et ses ports, avec des perspectives de développement économique sur le long terme. Or tous les observateurs s’accordent à dire que c’est un projet mort-né et irréalisable aussi bien sur le plan coût que sur le plan politique. Il affirme dans ses réponses que l’objectif commun reste la stabilisation du Sahel, avec respect pour les choix de ses peuples et la volonté de promouvoir leur développement, une ineptie quand on sait que la France a été chassée de ces régions qu’elle a quittées avec armes et bagages. Abordant le dossier de la Palestine et l’agression contre Ghaza, Bourita s’est fendu d’un autre chapelet de mensonges. Il a affirmé que la normalisation des relations de son pays avec l’entité sioniste n’impactera pas le soutien du Maroc à la cause palestinienne qui reste une question de principe. Mais il ne dit pas dans ses réponses que le Maroc a ouvert les quais de ses ports aux navires de guerre israéliens, que ses hôtels accueillent des soldats de Tsahal en permission et que 4000 soldats marocains sont en opération avec l’armée israélienne à Ghaza. M6, président du Comité d’El-Qods, est la plus grande imposture et son intronisation à la tête de cette instance a précipité sa mise sous l’éteignoir. Sur la question de la migration, Nasser Bourita a apporté la preuve que le Makhzen s’est intronisé chien de garde de la droite française dans sa chasse aux migrants. L’attitude des autorités marocaines dénoncées par de nombreux bloggeurs et opposants, Bourita l’assume en annonçant que le gouvernement de son pays est aux ordres des préfectures françaises pour délivrer des laissez-passer à tous les marocains frappés de l’OQTF (obligation de quitter le territoire français) justifiée ou non. Interrogé sur les relations de son pays avec l’Algérie, il a tenté de présenter son pays comme « le voisin qui nous veut du bien », en affirmant que notre pays ne doit pas se mêler des relations que son pays entretient avec ses partenaires, une façon de botter en touche tout en présentant le royaume comme un agneau. Mais en conclusion, ce que ne veut pas admettre le Makhzen est que Macron est venu au Maroc pour préparer une mine explosive pour celui qui va lui succéder à la fin de son septennat. De plus, il est venu jouer un autre tour à la gauche qu’il a spoliée de sa victoire lors des dernières législatives et cela Bourita et le Makhzen ne semblent pas l’avoir encore perçu.
Slimane B.