Le comportement de certaines chaînes de télévision dans les situations de catastrophe semble relever d’une fatalité qui les pousse à exploiter des éléments d’information dramatiques pour les besoins de leur audience.
En fait, ce qui est recherché par ces chaînes de télévision privées, c’est non pas la diffusion de l’information, en tant que service public, mais attirer le plus grand nombre de téléspectateurs afin de présenter aux annonceurs publicitaires un très large public de consommateurs potentiels pour leurs produits, et augmenter les recettes publicitaires, c’est-à-dire le profit. L’Autorité nationale indépendante de régulation de l’audiovisuel (ANIRA) fait la chasse à de tels comportements qui ne correspondent pas aux fondamentaux du métier de l’information et sont en violation des règles de la déontologie et de l’éthique de la profession.
Pour cette raison, l’ANIRA a fait savoir, samedi, dans un communiqué, sa décision de suspendre quatre établissements exploitant le service de communication audiovisuelle, à savoir El Bilad TV, El Wataniya TV, El Hayat TV et Echourouk TV, de diffusion à compter de 22H30 (samedi), et pour une durée de quarante-huit heures consécutives. La suspension concerne « aussi bien la diffusion satellitaire que la diffusion numérique en direct, avec interdiction de télécharger ou de republier tout nouveau contenu sur les plateformes numériques durant la période de suspension, et obligation du retrait immédiat de tous les contenus en infraction des sites, plateformes sociales et canaux numériques affiliés », souligne la même source. L’ANIRA a également demandé « à l’Etablissement public de télédiffusion (TDA) l’exécution immédiate de la décision de suspension temporaire, en procédant à l’arrêt de la diffusion des chaînes de télévision concernées sur tous les supports et réseaux qu’il gère, à compter de l’heure notifiée et pour une durée de 48 heures ». Auparavant, l’ANIRA avait exprimé, le même jour, dans un communiqué, son rejet catégorique des pratiques de certaines chaînes de télévision dans leur couverture de l’accident de la chute d’un bus dans l’Oued El Harrach, survenu vendredi, appelant au respect de la dignité, de la vie privée et de la déontologie professionnelle sans exploitation de la douleur. Pour l’ANIRA, qui a suivi les différentes couvertures médiatiques, « le critère de la pratique journalistique aujourd’hui réside dans le respect de la dignité, de la vie privée et de la déontologie professionnelle sans exploitation de la douleur ». L’ANIRA a constaté des pratiques chez « certains organes qui sont allés jusqu’à interroger des blessés dans les salles de réanimation et à poursuivre les familles des victimes dans leurs moments de détresse et de pleurs, transformant ainsi la tragédie en matière à sensation et en marchandage servant à exploiter la douleur humaine, dans le but d’augmenter l’audience et les indicateurs d’interaction sur les réseaux sociaux ». Cette démarche constitue « une atteinte flagrante à la dignité humaine et à la vie privée, ainsi qu’un manquement manifeste aux exigences de la profession », affirme l’ANIRA qui rappelle « les dispositions de la loi 23-20 relative à l’activité audiovisuelle, ainsi que du décret exécutif 24-250 fixant les dispositions du cahier des charges générales imposables aux services de communication audiovisuelle, lesquels interdisent toute atteinte à la dignité des personnes et à leur vie privée, ainsi que toute exploitation de la souffrance humaine », et imposent « de prendre des mesures de précaution lors de la diffusion de scènes choquantes ». L’ANIRA donne la marche à suivre en pareille circonstance : concentrer les efforts sur les reportages de terrain et les enquêtes journalistiques approfondies sur les circonstances de l’accident, vérifier minutieusement les informations, protéger les personnes éprouvées et respecter les espaces médicaux, loin du sensationnel et de la médiocrité. La liberté de la presse est une responsabilité, souligne l’ANIRA qui tient à rappeler que, dans tous les cas, elle sera « intransigeante avec toute violation portant atteinte à la dignité du citoyen et à la réputation de la profession ».
M’hamed Rebah