Après un échange de tirs entre Séoul et Pyongyang, Kim Jong-un, en mal de reconnaissance, a mobilisé son armée. Menace fantoche ou vrai risque de guerre ? Un furieux air de déjà-vu. Le leader suprême Kim Jong-un montre les dents sur le 38e parallèle. Il vient de mettre une nouvelle fois l’Armée populaire de Corée (KPA) sur le sentier de la guerre, à grand renfort de publicité. «Kim Jong-un a ordonné au commandant suprême de la KPA que les unités combinées se trouvant à la frontière se mettent en alerte afin d’être pleinement prêtes au combat et à lancer des opérations surprises», a proclamé l’agence officielle KCNA. Objectif : faire plier la présidente sud-coréenne Park Guen-hye, à qui il a imposé un ultimatum de 48 heures, jeudi, après le tir d’une «roquette» d’avertissement.
Chamaillerie de frères ennemis
La «Dame de fer» de Corée est priée de remballer ses haut-parleurs de propagande, qui crachent des messages contre le régime à travers les barbelés. Une guerre psychologique remise en route par Séoul il y a quelques jours en représailles à l’amputation de deux de ses soldats, qui ont sauté sur des mines antipersonnel, dans la DMZ, cette zone tampon entre les deux armées, le 4 août. Un piège tendu par le Nord, faisant fi des accords en vigueur, accusent la Corée du Sud et l’ONU. Balivernes impérialistes, réplique Pyongyang. Cela ressemble à une chamaillerie de frères ennemis, à coups d’échange de tirs d’obus. Pendant que les 15 millions de Séoulites vaquent à leurs occupations sans frémir, les menaces de Kim feront la une de la presse mondiale, sans coup férir. Le jeune dirigeant élevé en Suisse a déjà joué cette rengaine depuis son arrivée au pouvoir fin 2011. Au printemps 2013, il avait mis la planète et les salles de rédaction en effroi en menaçant même de frapper la Maison-Blanche. Et Washington avait dépêché son bombardier furtif B2 pour rassurer son allié sud-coréen. La crise avait accouché d’une souris, se dégonflant à l’heure de la moisson, lorsqu’une grande partie des 1,2 million de soldats de l’APC sont réquisitionnés aux champs. Mais le troisième des Kim avait marqué les esprits, accédant au club très fermé des trublions défiant l’Amérique.
Se rappeler au souvenir d’Obama
Aujourd’hui, le leader nord-coréen est en mal de reconnaissance une nouvelle fois alors que l’administration Obama vient de conclure un accord nucléaire historique avec les mollahs, mais ne daigne pas prendre langue avec Pyongyang. En faisant monter la température sur la péninsule, ou 28 500 GIs sont postés, il espère se rappeler au bon souvenir d’un président américain qui ne s’est jamais impliqué dans ce dossier. Mais ce coup de menton vise d’abord la présidente Park, à l’heure où sa cote de popularité s’effrite à Séoul. La fermeté de la dirigeante conservatrice vis-à-vis du Nord est un obstacle pour Kim, qui tente de réduire sa dépendance vis-à-vis du protecteur chinois. L’ultimatum qui expire samedi ressemble à un bras de fer personnel avec la fille de Park Chung-hee, fondateur de la Corée du sud moderne. Mais plaçant la « Dame de fer « dos au mur, Kim prend le risque d’une escalade militaire, comme un joueur de poker bluffant. Car la supériorité conventionnelle des armées alliées est flagrante, même si le Nord peut s’appuyer sur de redoutables forces spéciales. « Aucune des deux Corées ne veut la guerre «, juge Wang Junsheng, expert à l’Académie chinoise des Sciences sociales à Pékin. Qui osera baisser la garde le premier ? Réponse d’ici samedi. Comme dans un vieux feuilleton.