Dans une scène rare qui rappelle les grandes heures de contestation en Europe, plusieurs villes italiennes ont été le théâtre, mardi, d’un mouvement de protestation massif placé sous le mot d’ordre « L’arrêt total pour Ghaza ». Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues pour exprimer leur solidarité avec le peuple palestinien et exiger la fin des livraisons d’armes destinées à Israël.
Les images et vidéos relayées sur les réseaux sociaux témoignent d’une paralysie spectaculaire : transports publics à l’arrêt, ports et lignes ferroviaires bloqués, universités investies par des étudiants mobilisés. Le hashtag #Ghaza a rapidement envahi les plateformes numériques, devenant l’un des principaux espaces d’interaction où militants et internautes saluaient l’ampleur de la mobilisation. Dans les cortèges, un immense drapeau palestinien a traversé les rues, porté par des foules scandant des slogans qualifiant la guerre en cours de « génocide ». D’autres brandissaient des pancartes appelant à « Libérer Ghaza, arrêter l’extermination ». Les ports de Gênes et de Livourne ont été particulièrement marqués par l’action de dockers ayant bloqué le chargement de matériel militaire, perturbant la circulation maritime et les opérations logistiques. À Milan, des affrontements ont éclaté entre manifestants et forces de l’ordre.
Pour de nombreux militants italiens, cette mobilisation représente « un moment historique » : l’expression d’un rejet clair de la politique du gouvernement de Giorgia Meloni, jugée trop alignée sur Tel-Aviv. Les commentaires en ligne soulignent la dimension sacrificielle de ce mouvement, présenté comme la preuve que des peuples sont prêts à suspendre leur quotidien pour défendre une cause jugée juste. Certains observateurs estiment que ce type d’actions pourrait pousser l’Europe à briser son silence sur l’occupation israélienne, tandis que d’autres voient dans le « blocage total » un message fort, démontrant la capacité des citoyens à imposer de nouvelles équations politiques. Le contraste a été vivement relevé par plusieurs commentateurs : une mobilisation puissante surgie d’Italie alors que le monde arabe et islamique peine à organiser des manifestations d’ampleur.
Un sentiment mêlé d’admiration et de gêne a circulé, renforçant l’idée que la vague partie d’Italie pourrait grossir et se transformer en mouvement continental. Le choix du timing a aussi marqué les esprits. Les protestations surviennent alors qu’Israël intensifie sa campagne médiatique contre la « Flottille de la résilience » en route vers Ghaza, et que certaines voix en Europe appellent déjà à «revenir à la normale » malgré la poursuite des bombardements. Pour les militants, c’est précisément « le moment où la vie doit s’arrêter pour Ghaza », car il ne s’agit plus seulement de bombardements, mais de l’effacement pur et simple de villes entières. Ces actions citoyennes se sont déroulées dans un contexte diplomatique sensible. Plusieurs pays européens – dont la France, la Grande-Bretagne, le Canada et l’Australie – ont annoncé reconnaître l’État de Palestine à l’ONU, alors que l’Italie, elle, temporise. Le gouvernement de Giorgia Meloni, conservateur et farouchement attaché à ses alliances, a exprimé à plusieurs reprises son « inquiétude » face aux frappes israéliennes, tout en refusant d’avancer sur la reconnaissance de la Palestine ou sur les sanctions économiques proposées par Bruxelles. Pour les militants italiens, ce double langage officiel rend la mobilisation populaire d’autant plus nécessaire. Ils veulent transformer leur slogan – « Que Ghaza vive libre ou que le monde s’arrête » – en un mot d’ordre politique durable, capable de peser sur les choix européens face à ce qu’ils considèrent comme « le crime du siècle » en cours à Ghaza.
M. Seghilani
