Le gouverneur de la Banque centrale libanaise a affirmé jeudi qu’un milliard de dollars avaient été transférés à l’étranger fin 2019 en dépit de restrictions bancaires sur les virements, sur fond de soupçons de fuites de capitaux appartenant à des responsables politiques. Depuis le 17 octobre, le Liban vit au rythme d’une contestation populaire sans précédent contre l’ensemble de la classe dirigeante, accusée de corruption et d’incompétence. Parallèlement au mouvement de protestation, qui a débuté sur fond de crise économique, les banques ont imposé des restrictions draconiennes sur les retraits en devises et les transferts de fonds à l’étranger. Les manifestants, qui accusent le secteur bancaire de complicité avec le pouvoir, soupçonnent des responsables politiques d’avoir effectué des virements à l’étranger malgré les restrictions et la fermeture prolongée des banques locales au début du mouvement. «Sur les 1,6 milliards de dollars sortis (du secteur bancaire libanais) entre le 17 octobre et la fin de l’année (…) un milliard de dollars ont été transférés à l’étranger par des Lib anais», a reconnu jeudi Riad Salamé dans un entretien avec la chaîne France 24. Les 600 millions restants correspondent essentiellement à des provisions de banques étrangères, a-t-il indiqué. «Notre enquête sera axée sur ce milliard et nous irons dans les détails», a assuré M. Salamé. «L’enquête prendra un peu de temps mais cela ne veut pas dire qu’il y a des manoeuvres dilatoires ou que nous avons oublié» la question, a assuré le gouverneur de la Banque centrale. Fin décembre, Riad Salamé, conspué par une partie des manifestants, avait annoncé l’ouverture d’une enquête. Certains ont parlé de «politiciens, hauts fonctionnaires et propriétaires de banques» impliqués dans la fuite de capitaux, avait-il ajouté devant des journalistes, affirmant toutefois qu’une enquête restait nécessaire pour identifier les responsables. Selon un rapport du centre Carnegie, 800 millions de dollars sont sortis du pays entre le 15 octobre et le 7 novembre, alors que beaucoup de Libanais ne pouvaient accéder à leurs fonds, les banques étant fermées lors des deux premières semaines de manifestations. Jeudi, M. Salamé s’est par ailleurs voulu rassurant sur la stabilité monétaire, alors que la livre libanaise a perdu ces dernières semaines plus du tiers de sa valeur face au dollar sur le marché parallèle. «Le ta ux restera» inchangé, «cela est dans l’intérêt du Liban et des Libanais», a-t-il affirmé. Indexée sur le billet vert depuis 1997 au taux fixe de 1507.5 livres pour un dollar, la monnaie nationale s’échange désormais autour de 2.000 livres pour un dollar dans les bureaux de change.