Des études préalables d’universitaires et de chercheurs au sujet des répressions d’Algériens par l’administration coloniale « autoriseront la mesure du crime de l’État français et sa double brutalité », a estimé lundi à Constantine l’universitaire Ouarda Tengour. « Ce sont ces études préalables qui mettront en lumière ces crimes, matérialisés par le massacre de civils et la brutalité de l’administration française qui a donné des ordres, transmis par toute une hiérarchie, et sur lesquels il faudrait se pencher », a indiqué cette universitaire en ouverture du colloque international « Constantine et sa région dans le mouvement national et la guerre de libération ». Elle a affirmé que de telles recherches « permettront, mieux que les discours de circonstance et les généralités, de présenter et d’analyser, documents à l’appui, les meurtres institutionnalisés par l’État français ». Évoquant « l’urgence d’un travail critique par les historiens », cette universitaire activant au Centre de recherches en anthropologie sociale et culturelle (CRASC) a insisté sur le fait que le devoir de mémoire « réclame de donner l’identité, le nom et le prénom de chaque victime algérienne de la répression française, depuis 1830 ». S’agissant des manifestations sanglantes du 8 mai 1945 à Sétif, à Guelma et à Kherrata, et l’ampleur des représailles françaises, la conférencière a souligné qu’il « ne suffit pas de dénoncer les atrocités commises » mais aussi d' »identifier avec précision les tortionnaires, quels que fussent leur grade ou leur fonction, auteurs des représailles ». Elle a également soutenu que la liste des Algériens condamnés par la justice française, à la suite des événements de mai 1945, « doit être identifiée » à travers des recherches. Mme Tengour, affirmant que l’écriture de l’histoire de la résistance algérienne passe nécessairement par « l’étude » des différents événements ayant marqué la période de la présence française en Algérie, a appelé à donner aux étudiants en Histoire et en sciences sociales « le goût d’aller à la rencontre de l’autre, à la découverte du pays profond » pour, a-t-elle appuyé, « déterrer d’autres pans de notre histoire ». De son côté, l’universitaire Ahmed Sarri, abordant « les festivités du centenaire de la prise de Constantine, célébrées le 13 octobre 1937 », a affirmé que « la fête française » a donné lieu à l’émergence « d’une opinion publique algérienne » adoptée par les différents courants politiques et les érudits qui ont désapprouvé « la provocation française ». Soulignant que ces festivités avaient « signé définitivement la cassure entre la France et les Algériens », le conférencier a ajouté que l’Association des oulémas musulmans algériens (tout comme d’autres associations ayant activé principalement depuis Constantine), aux côtés des militants de la Fédération des élus du département de Constantine, l’Etoile du Nord africaine et le parti communiste algérien (PCA) s’étaient mobilisés pour « inciter les Algériens à boycotter la fête française ». Au cours du débat, les participants ont évoqué « la nécessité de dépasser l’étape du déjà-vu et du déjà-entendu sur l’Histoire de l’Algérie pour franchir un nouveau cap qui, selon les intervenants, « enrichira l’Histoire de l’Algérie et révélera des chapitres jusque-là méconnus ». La veuve de Maurice Audin (1932-1957), Josette Audin, invitée au colloque mais qu’il n’a pu se déplacer, a adressé un message, lu au cours des débats, dans lequel elle invite les historiens algériens à se pencher sur les circonstances de l’assassinat de son mari et à révéler la vérité sur la mort de ce militant nationaliste. Plusieurs communications sont au programme de ce colloque de trois jours, notamment celles de Pierre-Jean Le Foll Luciani, de l’université de Rennes (France), « être communiste à Constantine entre 1945 et 1962 », d’Andrea Brazuderru, de l’université d’Oxford (Grande-Bretagne), « la guerre des Aurès-Nememcha » et de Benjamin Broyer de l’université d’Austin (USA), « les camps de regroupement et les bidonvilles durant l’occupation française de l’Algérie ».
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