La présidente brésilienne, Dilma Rousseff, a dénoncé mardi avec force à Brasilia, une tentative de «coup d’Etat» de l’opposition en plein débats à l’Assemblée sur la procédure de destitution qui la menace.
«J’ai la conscience tranquille de n’avoir commis aucun crime», «je ne démissionnerai jamais», a clamé la dirigeante de gauche, lors d’une allocution au palais présidentiel, après s’être réunie avec des juristes partageant son point de vue. Une commission spéciale de 65 députés chargée de rendre un premier avis examine, depuis vendredi à marche forcée, une demande de destitution de l’opposition contre Mme Rousseff, dont la coalition parlementaire se délite dangereusement. L’opposition de droite accuse la présidente d’avoir maquillé les comptes de l’Etat en 2014 pour minimiser l’ampleur des déficits publics et favoriser sa réélection. Elle se serait ainsi rendue coupable d’un «crime de responsabilité» administrative prévu par la Constitution.
Cette demande ne repose sur «aucune base juridique», a riposté Mme Rousseff, rappelant que «nous vivons sous un régime présidentiel où la destitution ne peut être votée qu’en cas de responsabilité clairement démontrée». Or si les maquillages des comptes ont bien été dénoncés par le Tribunal des comptes de l’Union (TCU) fédérale du Brésil, les preuves d’une implication directe de la présidente sont beaucoup moins évidentes. «Je ne vais pas mâcher mes mots», a ajouté Mme Rousseff: «Ce qui est en train de se passer, c’est un coup d’Etat contre la démocratie».
«Il faut être prudent»
Le président du Sénat, Renan Calheiros, allié centriste de la présidente, a également mis en garde: «L’impeachment est une chose normale à condition qu’il y ait un crime caractérisé, sinon ce n’est pas un impeachment, ça porte un autre nom…»
«C’est pourquoi il faut être prudent», a-t-il déclaré, après s’être réuni avec l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva qui fait du lobbying à Brasilia pour tenter de sauver le mandat de son héritière politique. La présidente est embourbée depuis sa réélection dans une crise politique aiguë, empoisonnée par les incessantes révélations du scandale de corruption Petrobras éclaboussant sa majorité, alors que le Brésil est plongé dans une récession. Les événements se sont accélérés récemment. Trois millions de Brésiliens ont réclamé son départ le 13 mars lors de manifestations d’ampleur historique.
Et le grand parti centriste PMDB, incontournable allié parlementaire de la coalition au pouvoir, lui-même touché au plus haut niveau par le scandale Petrobras, menace de claquer la porte du gouvernement dès la semaine prochaine.
Le patron du PMDB, le vice-président, Michel Temer, qui assumerait le pouvoir jusqu’aux élections de 2018 en cas de destitution de Mme Rousseff, demeure étrangement muet et invisible. Le chef de l’opposition, Aecio Neves, a, en revanche, annoncé avoir partagé avec lui «une discussion républicaine» lundi à Sao Paulo. «Si l’impeachment est approuvé, nous serons prêts pour aider à élaborer un programme d’urgence» d’un gouvernement de transition, a assuré M. Neves, président du Parti social-démocrate brésilien (PSDB, centre-droit) et rival malheureux de Mme Rousseff au second tour de la présidentielle de 2014.
Majorité peau de chagrin
Selon le quotidien O’Globo mardi, la gauche au pouvoir a calculé que le nombre de députés fidèles à la présidence a chuté de 240-250 il y a une dizaine de jours à un seuil critique d’un «peu plus» de 172 sur un total de 513. Or la présidente a besoin d’au moins 171 députés (un tiers) contre sa destitution pour éviter sa mise en accusation devant le Sénat, qui aurait le dernier mot sur sa destitution.
Sa cote de popularité stagne à un plancher historiquement bas de 10%. Selon un récent sondage Datafolha, 68% des Brésiliens souhaitent son départ. Acculée, Dilma Rousseff avait nommé la semaine dernière son prédécesseur Lula chef de cabinet de son gouvernement (quasi Premier ministre), comptant sur le talent politique de son mentor pour inverser la dynamique.
Mais la justice a paralysé cette nomination, y voyant une manœuvre pour le faire échapper à la menace d’un placement en détention par le juge fédéral Sergio Moro, en charge du dossier Petrobras, qui a rendue publique l’écoute judiciaire d’une conversation entre Mme Rousseff et Lula renforçant ces soupçons.