La crise financière et l’effondrement des prix du pétrole ont poussé le Gouvernement à prendre une série de réformes qui visent un contrôle plus rigoureux des importations et une maitrise du système des subventions. Néanmoins, ces mesures, imposées par le creusement continu du déficit budgétaire, butent sur des obstacles structurels, rendant difficile leur traduction sur le terrain.
Tout le monde sait que la situation est préoccupante, et si l’Algérie dispose de réserves en devises étrangères, d’or, de fonds de stabilisation, et d’un taux élevé d’épargne domestique qui lui permettrait de pallier l’inconfort, cela reste insuffisant pour atteinte les objectifs du long terme. L’économie algérienne, malgré son potentiel, présente de nombreux problèmes d’ordre structurels.
Le soutien excessif de l’État et la dépendance aux hydrocarbures en sont deux facteurs pesants. C’est l’avis même des acteurs de la sphère patronale. «Aujourd’hui, le climat économique mondial est très difficile, mais il est encore plus difficile pour nous », a estimé, hier, Boualem Marrakechi, président de la Confédération algérienne du patronat sur les ondes de la Chaîne 3. « À un moment donné, nous avons opté pour des actions qui ont permis de nous inscrire dans une démarche qui pourrait absolument mettre le développement en avant», a-t-il indiqué. Mais, « il n’est pas trop tard », tranche le président de la CAP, organisation patronale qui prend traditionnellement part aux Tripartites, estimant que les récentes décisions prises par les pouvoirs publics «vont permettre des solutions pour dépasser cette situation». « Aujourd’hui, il faut une stratégie en urgence», a affirmé Boualem Marrakech, qui parle de mesures similaires à celles en rapport avec le lancement de la finance non conventionnelle. «Elle a été mise pour répondre pratiquement au jour le jour à une question très délicate… C’est-à-dire qu’on est arrivé à une situation où un jour on avait plus d’argent. On avait aucune possibilité de survie et il fallait prendre des décisions», a-t-il expliqué. « Et puis je m’aperçois que le président de la République qui dit qu’il faut impérativement dire la vérité. Et celle-là a commencé à se dire et elle se dit aujourd’hui», a relevé le responsable de la CAP.
Lesquelles vérités qui renvoient au discours du Premier ministre Ahmed Ouyahia, qui, lors de la rencontre Tripartie de fin 2017, a avoué que le gouvernement n’était pas en mesure d’assurer les salaires s fonctionnaires pour le mois de novembre (dernier). Viendront après d’autres annonces du ministre des Finances sur l’épuisement du Fonds de régulation des recettes (FRR), ce qui veut dire que le pays est arrivé au bord du gouffre du point de vue financier. Face à l’option jugée trop risquée de s’endetter auprès de FMI, le président de la République Abdelaziz Bouteflika avait opté pour le financement interne qui s’est traduit, par la suite, par le recours au mode non conventionnel. «Le Premier ministre l’a dit le jour où il nous a rencontré. La décision a été prise, celle qui consistera à répondre par nos propres moyens à une situation d’urgence», rappelle Marrakech. « Mais je dis bien à une situation d’urgence.
L’Algérie doit impérativement gagner», dit le patron de la CAP, qui estime qu’il faut d’autres réformes pour relancer la machine de la production et l’entreprise qui est le premier à subir ce choc économique. Pour Boualem Marrakech, parmi les actions les plus urgentes pour déblayer le terrain aux réformes économiques figure la lutte contre la corruption. Ce problème aggrave encore plus la situation en temps de crise et crée un climat d’hostilité et d’incertitudes dans les milieux d’affaires.
Le président de la CAP prévoit même de remettre une proposition dans ce sens, mais de laquelle il n’a pas souhaité en discuter du contenu et qu’il compte saisir la commission de l’APN en charge de la question. «Il y a une bureaucratie qui crée un non respect du droit. Il existe des décisions extrêmement positives qui ne voient pas leur réalisation sur le terrain», analyse-t-il, soulignant le lien entre la corruption et le blocage de l’outil de production nationale. «Il y a un blocage quelque part et ça bloque toute évolution. Il y a une mafia politico-financière, qui, à travers des actions néfastes ne permet pas la mise en œuvre d’un certains nombres de décisions qui vont dans le sens du progrès et du développement pour une économie moderne», accuse le même responsable. Pour y faire face, le président de la CAP suggère de «réconcilier les actions du gouvernement avec la mise en place en terme d’actions concrètes». «Les décisions sont prises mais il faut qu’elles soient mise en œuvre et pour cela il faut que les concernés, et je précise : les concernés pas le concerné, c’est-à-dire les partenaires, doivent être concertés dans l’action et surtout pour permettre une validation des actions », a-t-il suggéré. Cette concertation doit inclure également les mesures sur le financement non conventionnel et la mise en place d’un système de ciblage des subventions.
« C’est le moment (pour le gouvernement) pour se déclarer d’une manière claire, honnête et sincère sur l’approche de l’action qui est lancée pour 2019… Ce n’est pas la banque d’Algérie qui devra pendre toute seule le suivi de ces dernières décisions. Cela concerne tout le monde si l’on veut rétablir un équilibre dans notre économie», prévient Marrakech. Le chef de la CAP insiste également sur le respect des échéances fixées à la mise en œuvre d’un nouveau système de ciblage des subventions (2019) et le financement non conventionnel (sur un délai de 5 ans).
« Il faut des mécanisme à mettre en place. Il y a une décision pour que les subventions soient en rapport avec le revenu des ménages et on a pris beaucoup de temps. Il ne faut pas qu’on dépasse cette date», a-t-il indiqué pour interpeller le gouvernement.
Hamid Mecheri