L’Algérie a, officiellement, un nouveau président de la République et un nouveau Premier ministre intérimaire. Le vainqueur à l’élection présidentielle du 12 décembre dernier, Abdelmadjid Tebboune, a prêté serment, jeudi matin, et a nommé, dans l’après-midi, le désormais ex-ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, au poste de Premier ministre intérimaire.
Le dernier des « B », dont les têtes ont été réclamées par le mouvement populaire en marche depuis février dernier est ainsi tombé. En effet, le très contesté, Noureddine Bedoui, désigné, Premier ministre en mars dernier par le président déchu, Abdelaziz Bouteflika, en remplacement de Ahmed Ouyahia, a démissionné de son poste, juste après la cérémonie d’investiture du nouveau locataire d’El-Mouradia.
Hormis le limogeage du ministre de l’Intérieur, Salah Eddine Dahmoune, en raison, sûrement, de ses propos gravissimes et son écart de langage qui n’honore pas ses fonctions de ministre- de souveraineté de surcroît-, à l’encontre de ceux qui se sont opposés à la tenue de la présidentielle, et son remplacement par Kamel Beldjoud, qui était ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, tous les autres membres du gouvernement Bedoui, ont été reconduits pour gérer les affaires courantes du pays, en attendant l’installation, début de la semaine prochaine d’un nouveau gouvernement.
Il est, donc, clair comme l’eau de roche, que le président Tebboune ne veut surtout pas puiser ses ministres, dans le réservoir des partis du tandem, FLN-RND, banni par la rue pour leur gestion qualifiée de «maffieuse» des affaires du pays des années durant, d’où sa décision de maintenir le même staff, le temps de « creuser » plus profond, à la recherche de personnes susceptibles d’avoir du moins, une petite estime auprès de la population, pour donner une chance de réussite à son offre du dialogue. C’est ainsi également qu’il s’est précipité de se débarrasser de l’encombrant Bedoui, et de son ministre de l’Intérieur, le jour même de son investiture.
Qu’en est-il des détenus du Hirak ?
Est-ce un gage de bonne volonté envers le mouvement populaire auquel il a tendu la main pour un dialogue « sincère et inclusif. » ? Même si cela pourrait traduire, en partie, la bonne foi du Président, allant dans le sens d’assainir le terrain en vue d’éventuelles tractations, avec le mouvement populaire, cela reste à relativiser, face à la demande de la protesta, qui réclame, liberté pour tous les détenus politiques et d’opinions de l’après-22 février.
Le premier magistrat du pays n’a pas évoqué, lors du discours d’investiture, le sujet des prisonniers, injustement, incarcérés. Le jour même, d’autres condamnations ont été prononcées, par le «tristement célèbre» tribunal de Sidi M’Hamed à Alger, à l’instar du jeune poète, Tadjadit Mohamed, condamné à 18 mois de prison ferme, alors que la jeune étudiante, Nour El Houda Oggabi, a été placée sous mandat de dépôt par le tribunal de Tlemcen, pour atteinte à l’unité nationale.
Brahim Oubellil
RÉVISION DE LA CONSTITUTION
Les prérogatives présidentielles limitées
Le président Tebboune, a, lors de la cérémonie d’investiture de jeudi consacrant sa prise de fonctions officielles à la tête de l’État, mis l’accent sur les amendements de la Constitution, dans les quelques semaines à venir, en limitant notamment le renouvellement du mandat présidentiel à une seule fois, la réduction des prérogatives du Président, la séparation des pouvoirs, et la protection des droits de l’homme, les libertés individuelles et collectives, la liberté de la presse, ainsi que le droit à des manifestations.
Il s’est également engagé à moraliser la vie politique, et de restituer les crédibilités aux Institutions élues, à travers la révision de la loi électorale, notamment les conditions ayant trait à l’éligibilité pour l’édification d’un État de droit.
Le Président fraichement élu, voulait peut-être se donner le temps nécessaire, avant la formation de son gouvernement, qui sera, pour ainsi dire, la vitrine de ses réelles intentions et autres orientations dans l’exécution de son programme. Pendant ce temps, la révolte populaire pacifique continue à crier fort son ras-le bol, sa soif de liberté, sa volonté de se réapproprier sa souveraineté, mais aussi et surtout, de nourrir son espoir, des plus légitimes, de voir leur pays respecté, et écouté dans le concert des Nations.
B. O.