En janvier 2024, à l’occasion des travaux du sommet Italie-Afrique, la présidente du Conseil des ministres italien, Giorgia Meloni, a présenté à Rome le Plan Mattei pour l’Afrique, qui repose, a-t-elle expliqué, sur « cinq piliers à savoir l’éducation et la formation, l’agriculture, la santé, l’énergie et l’eau ». Elle avait souligné qu’elle veillerait « personnellement à la mise en œuvre de ces projets ». « L’objectif est de faire de l’Italie un hub énergétique, un véritable pont entre l’Europe et l’Afrique », a affirmé Mme Meloni. Plus récemment, en juin 2024, lors de la célébration de la fête nationale de l’Italie, au siège de l’ambassade à Alger, qui a donné l’occasion à l’ambassadeur Alberto Cotello, de revenir sur le Plan Mattei pour l’Afrique, qui vise à renforcer les relations de coopération avec les pays africains, en les aidant à développer leurs ressources naturelles, notamment dans les domaines de l’énergie et des infrastructures et en matière de diversification des chaînes d’approvisionnement. Le plan Mattei, baptisé du nom du fondateur de l’entreprise énergétique italienne ENI, a été lancé à partir de l’Algérie, en tant que portail de l’Afrique. Il a reçu le soutien immédiat du président Abdelmadjid Tebboune, avait fait savoir l’ambassadeur italien. Il a souligné que cette initiative représente un tournant pour l’Italie et lui donne l’opportunité de travailler avec l’Algérie pour un avenir meilleur pour les citoyens des deux pays. Le plan Mattei dans son application en Algérie comprend les secteurs de l’énergie comme le pétrole et le gaz, ainsi que les énergies renouvelables, notamment l’hydrogène, de même que l’agriculture. Dans sa partie algérienne, le Plan Mattei, d’un montant de 5,5 milliards d’euros, s’étend également aux universités, à la recherche scientifique et à la formation, ainsi qu’au secteur de la santé et de la formation dans ce domaine.
L’Affaire Mattei
Enrico Mattei (1906-1962), qui était installé à Milan, a été un résistant antifasciste en Italie du nord à partir de 1943 puis fondateur du groupe énergétique italien ENI (Ente Nazionale Idrocarburi). Il a été le défenseur des pays producteurs contre les « sept sœurs », grandes compagnies pétrolières américaines et anglaises. Mais surtout, Enrico Mattei, issu d’une famille pauvre, était foncièrement anti colonialiste, et a voué sa vie aux questions justes à travers le monde. Il a été un ami de la Révolution algérienne et a fait preuve d’un courage exceptionnel en soutenant la lutte de libération de notre pays, menée contre la France et l’OTAN.
Selon des témoignages exprimés lors de différents colloques, Enrico Mattei a eu un rôle important dans les négociations d’Evian en faisant profiter la partie algérienne de son expertise dans le domaine des hydrocarbures, et en l’aidant à définir les grands axes stratégiques de négociation pour défendre les intérêts de l’Algérie dans l’exploitation de ses ressources pétrolières et minières. En août 1961, les médias colonialistes algérois avaient rapporté qu’Enrico Mattei a été menacé de mort par l’OAS (Organisation de l’armée secrète, créée pour tenter de maintenir l’Algérie sous domination coloniale française), parce qu’il a «déployé une activité anti-française en Orient et en Afrique du Nord». Le 27 octobre 1962, quelques mois après l’Indépendance de l’Algérie, Enrico Mattei est mort dans le crash de son avion personnel qui s’est écrasé au sol en se désintégrant à une minute de l’atterrissage. La version officielle a parlé d’un accident, mais l’hypothèse d’un crime persiste à ce jour. En 1997, trente cinq ans après les faits, la justice italienne avait conclu que la cause de ce crash était « une bombe placée dans l’avion ». À l’époque, Umberto Mattei, son frère, avait déclaré: « Je n’ai jamais eu de preuves, mais j’ai toujours été persuadé que mon frère avait été tué, et je l’ai dit dès le début au juge ». En 1999, en hommage à son courage, l’Algérie a donné le nom de Enrico Mattei au gazoduc « Trans-mediterranean pipeline », reliant les deux pays. Francesco Rosi (réalisateur italien, auteur de Salvatore Giuliano, en 1961) a fait de l’Affaire Mattei, un film qui porte ce titre et qui a remporté la Palme d’or du Festival de Cannes en 1972.
M. R.
