Deux collisions entre des navires chinois et philippins ont eu lieu dimanche lors d’une mission de ravitaillement des troupes philippines dans les Spratleys, en mer de Chine méridionale. Alors que les deux pays se rejettent la responsabilité, les États-Unis dénoncent « les agissements dangereux » de Pékin.
Agitation en mer de Chine méridionale. Dimanche 22 octobre, les Philippines et la Chine se sont mutuellement accusés d’avoir provoqué deux collisions entre des navires des deux pays. Les incidents se sont produits dans les Spratleys, à environ 25 kilomètres de l’atoll Second Thomas Shoal, où la marine philippine est stationnée et où Pékin déploie des navires pour faire valoir ses revendications sur la quasi-totalité du territoire maritime. « Les manœuvres de blocage dangereuses du navire 5 203 des gardes-côtes chinois l’ont fait entrer en collision avec le bateau de ravitaillement […] sous contrat avec les forces armées des Philippines », a fustigé une force d’intervention du gouvernement philippin. La Chine a évoqué une « légère collision » après que le bateau philippin a ignoré « de multiples avertissements et délibérément croisé les forces de l’ordre de manière non professionnelle et dangereuse », selon la télévision publique CCTV, citant le ministère des Affaires étrangères. Lors d’un autre incident, un navire des gardes-côtes philippins qui escortait la mission de ravitaillement a été « heurté » par ce que Manille a qualifié de « navire de la milice maritime chinoise ». De son côté, Pékin a accusé le bateau philippin d’avoir « délibérément » causé une collision en faisant marche arrière de manière « préméditée » en direction d’un navire de pêche chinois. Une vidéo diffusée par l’armée philippine montre que la proue du navire des gardes-côtes chinois et la poupe du navire de ravitaillement de Manille se sont brièvement heurtées. Le navire philippin a poursuivi sa route sans que l’on puisse déterminer s’il y avait eu des dégâts. Au lendemain des incidents, Manille a convoqué l’ambassadeur de Chine. « Nous faisons pleinement usage des (mécanismes) diplomatiques […] à notre disposition. Cela comprend la convocation de l’ambassadeur chinois, ce que nous avons fait ce matin », a déclaré lundi la porte-parole du ministère philippin des Affaires étrangères, Teresita Daza, aux journalistes.
Les incidents ont été dénoncés par les États-Unis, alliés des Philippines. Washington a apporté son « soutien » à Manille et dénoncé dans un communiqué du département d’État « les agissements dangereux » et en « violation du droit international » des gardes-côtes et de la « milice maritime » de la Chine.
L’atoll Second Thomas se situe à environ 200 km de l’île philippine de Palawan et à plus de 1 000 km de la grande île chinoise la plus proche, Hainan. En 1999, les Philippines avaient délibérément fait s’échouer un bateau militaire, le BRP Sierra Madre, sur l’atoll, dans le but d’en faire un avant-poste et d’affirmer leurs prétentions de souveraineté face à la Chine. Le navire est depuis une source de tensions entre Pékin et Manille. Les membres de l’infanterie de marine philippine présents à bord dépendent de missions de ravitaillement pour survivre. Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale malgré les prétentions rivales des Philippines, du Vietnam ou encore de la Malaisie, ignorant délibérément un jugement international de 2016 en sa défaveur. Des responsables et des experts ont mis en garde contre les risques de collision. « C’est exactement le genre d’événement qui peut se produire compte tenu de leurs manœuvres dangereuses », a observé Jay Batongbacal, directeur de l’Institut des affaires maritimes et du droit de la mer de l’université des Philippines. Jay Batongbacal a estimé que les gardes-côtes chinois avaient délibérément heurté le navire de ravitaillement philippin pour tester la détermination des États-Unis et voir comment Manille réagirait. « On ne heurte pas accidentellement un autre navire en pleine mer », a-t-il souligné auprès de l’AFP.
Des incidents à répétition
Les Philippines, alliées de longue date des États-Unis, ont des avant-postes sur des récifs et îles des Spratleys, dont le Second Thomas Shoal.
« Ces incidents, leur répétition et leur intensification sont dangereux et très inquiétants », avait réagi plus tôt sur X (ex-Twitter) Luc Véron, ambassadeur de l’Union européenne aux Philippines. Les tensions entre Manille et Pékin se sont exacerbées en août lorsque des navires des gardes-côtes chinois ont utilisé des canons à eau contre une mission philippine de ravitaillement sur le récif, empêchant l’un des bateaux de livrer sa cargaison. En avril, un navire chinois a manqué de peu d’entrer en collision avec un navire beaucoup plus petit des gardes-côtes philippins dans la même zone.