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Après des mois de contestation au Soudan : Une autorité civile formée le 18 août

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Une autorité civile chargée de piloter la transition politique au Soudan sera formée le 18 août, une étape cruciale dans ce pays secoué ces derniers mois par une contestation populaire inédite, couronnée par l’accord signé entre les leaders de la contestation et le Conseil militaire de transition (CMT), qualifié par des analyste d’»équilibré et rationnel».

Le CMT, au pouvoir depuis la destitution par l’armée de l’ancien chef de l’Etat Omar el-Béchir, le 11 avril et les leaders de la contestation (opposition) ont paraphé dimanche une déclaration constitutionnelle ouvrant la voie au transfert du pouvoir à une nouvelle instance de transition dominée par les civils.
L’un des principaux responsables de la contestation, Ahmed Al-Rabie, et le numéro deux du CMT, Mohammed Hamdan Daglo, ont signé la déclaration lors d’une cérémonie durant laquelle étaient présents les médiateurs de l’Union Africaine (UA) et de l’Ethiopie. «Les membres du Conseil souverain seront désignés le 18 août, le Premier ministre le 20 août et les membres du gouvernement le 28 août», a déclaré un chef de la contestation, Monzer Abou al-Maali. Une cérémonie de signature officielle de l’accord est prévue le 17 août en présence des dirigeants de différents pays, le jour de l’ouverture du procès d’el-Béchir. Le lendemain, le CMT sera remplacé par un Conseil souverain (conseil présidentiel provisoire) qui sera composé de six civils et de cinq militaires. Il sera assermenté le 19 août.
Il devra mener, avec un Parlement et un gouvernement, la transition pendant un peu plus de trois ans et trois mois. Les militaires présideront l’instance les premiers 21 mois avant de passer la relève aux civils pour les 18 mois restants.
Ainsi, le Premier ministre sera nommé avec l’approbation du Conseil le 20 août, et sera assermenté devant le conseil et chef de la Cour suprême le 21 août. Il devrait de son côté, annoncer un Cabinet de 20 membres, qui seront autorisés par le conseil, le 28 août, selon des médias. Le cabinet devrait, quant à lui, commencer ses travaux à partir du 31 août. La première réunion du cabinet avec le conseil devrait avoir lieu le 1er septembre. Selon une des négociatrices de la protestation, Ibtissam Al Sanhouri, la contestation «disposera de 201 sièges sur les 300 du Parlement». Au total, 67% de l’Assemblée sera composée de membres des Forces de défense de la liberté et du changement (FFC), le reste étant composé de membres d’autres groupes politiques non associés à al-Bachir. Les ministres de la Défense et de l’Intérieur seront nommés par les membres militaires du conseil. Après la période de transition, des élections auront lieu et l’administration militaire sera entièrement transférée aux civils. Outre la création de onze commissions indépendantes pour traiter des questions relatives à la paix, aux frontières, aux élections, à la Constitution, à la justice, à la société, à la lutte contre la corruption et aux droits de l’homme, une commission d’enquête indépendante sera créée pour enquêter sur l’incident au cours duquel plus de 100 personnes auraient été tuées lors de la dispersion, le 3 juin, d’une manifestation de sit-in près du quartier général (QG) de l’armée à Khartoum.
L’objectif de la transition est de «parvenir à une paix permanente et globale avec les factions armées, tout en mettant fin à la «marginalisation» d’une partie de la population, a souligné le médiateur éthiopien, Mahmoud Drir, après la cérémonie de signature, soulignant que cette phase permettra au Soudan «de sortir de la liste des sponsors du terrorisme», sur laquelle il a été placé par les Etats-Unis en 1993.
Depuis le 19 décembre, le Soudan était secoué par un mouvement de contestation qui a conduit le 11 avril à la destitution du président Omar el-Béchir. Depuis, les protestataires n’on pas cessé de réclamer un gouvernement civil.

L’accord au Soudan «équilibré et rationnel»
La conclusion d’un accord entre le CMT et les leaders de la contestation (opposition)a permis d’éviter «le chaos voire une guerre civile», mais son application soulève de nombreuses questions, estimaient mardi des analystes.
«L’accord n’est pas le meilleur mais c’est mieux que de ne pas avoir d’accord du tout», juge Khaled al-Tijani, un analyste soudanais et rédacteur-en-chef du journal Elaf, cité par les médias, ajoutant que le Soudan «aurait pu glisser vers le chaos ou peut-être même une guerre civile», ce qui rend cet accord «équilibré et rationnel». Après des mois de pourparlers régulièrement interrompues par des violences, comme la dispersion meurtrière le 3 juin d’un sit-in devant le QG de l’armée à Khartoum, un accord global a finalement été trouvé.
Pour un analyste au Rift Valley Institute, Magdi al-Gizouli, l’accord «reflète l’équilibre des forces». Toutefois, si beaucoup saluent un accord historique, le texte soulève déjà «inquiétudes» et «critiques» du côté de la contestation et des différents partis d’opposition. Beaucoup restent sceptiques face à cet accord qui est surtout «un compromis entre des rivaux dont les intérêts sont souvent diamétralement opposés», juge-t-il. L’accord place les services des renseignements sous le contrôle du Conseil souverain et des autorités exécutives, mais ne précise pas le fonctionnement de cette responsabilité partagée, notent les experts. Reste également en suspens, la question de l’application de l’accord aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF), accusées de la répression du sit-in le 3 juin. L’accord a également révélé des dissensions au sein des contestataires, certains groupes ayant exprimé leur réserves. Le parti communiste soudanais a jugé qu’il «consolide la domination des militaires». Les chefs rebelles du Front révolutionnaire soudanais considèrent que leurs revendications «ne sont pas entendues», principalement en ce qui concerne des processus de paix dans les Etats du Darfour (ouest), du Kordofan Sud et du Nil Bleu. Ce rejet de l’accord est «extrêmement inquiétant», juge un spécialiste du Soudan à l’Université Harvard, Eric Reeves, prévenant qu’il sera essentiel de remédier à cette situation pour assurer la paix dans les régions du Darfour, du Kordofan-Sud et du Nil-Bleu, où sont présents ces groupes rebelles. Néanmoins, selon l’un des négociateurs pour le mouvement de contestation, Satea Al Haj, la déclaration constitutionnelle inclut également les groupes rebelles du Darfour (Ouest) au Kordofan-Sud et au Nil Bleu (Sud), s’estimant marginalisés, à des forces loyales au pouvoir.
L’Alliance pour la liberté et le changent (ALC- opposition) organisait lundi à Khartoum une réunion avec les factions armées exprimant encore certaines réticences au sujet de l’accord et ce, dans le but de les convaincre du bien-fondé dudit accord, avaient rapporté des sources médiatiques. A ce sujet, un des responsables de l’ALC, Sataa El Hadj, a indiqué, lundi, à quelques heures de la réunion que les remarques des factions armées ont été prises en charge dans le document de la paix signé dimanche avec le CMT et qu’à ce titre elles n’ont pas à s’inquiéter. Au moins 127 personnes ont été tuées ce jour-là et plus de 250 sont mortes au total depuis décembre, selon un comité de médecins proche des protestataires.

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