Des Argentins réclament au président de reconnaître la complicité des États-Unis avec la junte militaire qui a fait disparaître des milliers d’opposants. 40 ans après le coup d’État, après sa visite historique à Cuba, le président américain Barack Obama est arrivé mercredi en Argentine, pour marquer son soutien au gouvernement réformateur et rendre hommage aux victimes de la dictature militaire (1976-1983). La date de la visite de Barack Obama a soulevé une polémique à Buenos Aires, alors que le pays commémore le début, il y a 40 ans, d’une sanglante dictature, mais l’acceptation d’une revendication ancienne – la levée du secret-défense sur des archives de l’armée et de la CIA – semble avoir désamorcé les tensions. Un geste réclamé par le président argentin Mauricio Macri, et aussi par les Mères et Grands-Mères de la place de Mai, symboles de la lutte contre la dictature. À l’époque de la guerre froide entre les États-Unis et l’Union soviétique, Washington avait appuyé les dictatures militaires d’Amérique latine, notamment la junte argentine, au nom de la lutte contre le communisme.
Des cérémonies de commémoration Dans une lettre d’un Prix Nobel de la paix à un autre, l’Argentin Adolfo Pérez Esquivel a demandé à Barack Obama de reconnaître la complicité des États-Unis avec la junte militaire qui a fait régner la terreur en faisant disparaître des milliers d’opposants. Dans ce cas, a-t-il ajouté, «tu seras le bienvenu». «En 1976, alors que tu avais 14 ans, nous commencions la période la plus tragique de notre histoire», a écrit Adolfo Pérez Esquivel, «avec le financement, l’endoctrinement et la coordination des États-Unis». Jeudi matin, le président américain se rendra au parc de la Mémoire, où les noms de milliers de victimes de la dictature sont gravés dans la pierre. Il quittera la capitale de l’Argentine jeudi à la mi-journée, à l’heure où les cortèges se mettront en marche pour rallier la place de Mai, pour les cérémonies des 40 ans du coup d’État de 1976.
Obama, l’héritier «d’une lignée démocrate»
Pour le secrétaire argentin aux Droits de l’homme, Claudio Avruj, «l’implication des États-Unis ne fait pas de doute». Ce membre du gouvernement du président Mauricio Macri note «qu’il y a ensuite eu un changement important avec Jimmy Carter», arrivé au pouvoir en 1977. Le secrétaire général de la Conférence épiscopale argentine, Carlos Malfa, a laissé entendre ce week-end qu’une ouverture des archives de l’Église sur la dictature argentine était également proche. «Mettre de l’ordre dans ces archives prend du temps», a-t-il dit. L’annonce sera faite du Vatican, peut-être cette semaine.
Pour l’historienne Ema Cibotti, Barack Obama est l’héritier «d’une lignée démocrate», et il faut faire la distinction avec les républicains comme Gerald Ford (1974-1977) ou Ronald Reagan (à partir de 1981), plus proches des militaires. Mercredi, le président américain rencontrera son homologue Mauricio Macri, ancien maire de centre-droit de Buenos Aires, au pouvoir depuis trois mois, dont il encourage les réformes économiques.
Le temps de la réconciliation
À Buenos Aires, Barack Obama et les États-Unis ont désormais un interlocuteur bien disposé à leur égard, après 12 ans de gouvernance des présidents de gauche Nestor et Cristina Kirchner, en rupture avec Washington. Et dont la politique économique protectionniste irritait les marchés. Les Kirchner accusaient les États-Unis d’être coresponsables de la crise économique de 2001, après les politiques économiques ultra-libérales menées par le gouvernement du président Carlos Menem.
Comme à Cuba, l’heure est à la réconciliation. Mauricio Macri veut renforcer la relation bilatérale avec les États-Unis et attirer des investissements américains en Argentine, qui a éliminé ces derniers mois le contrôle des changes, les restrictions aux importations et permet aux entreprises étrangères de rapatrier leurs bénéfices. Le vieux conflit sur la dette datant de la crise économique de 2001 est même en voie de règlement.
À la faveur de l’élection de Mauricio Macri, Washington compte pour sa part étendre son influence en Argentine, troisième économie d’Amérique latine, dans une région où les gouvernements hostiles aux États-Unis sont en perte de vitesse.
À Cuba, Barack Obama a appelé le Congrès américain, dominé par les républicains, à lever l’embargo contre La Havane, en vigueur depuis 1962, «un poids pour le peuple cubain» et «un poids pour les Américains qui veulent travailler et investir à Cuba». «Je suis venu ici enterrer le dernier vestige de la Guerre froide dans les Amériques», a souligné le président américain.