La chancelière allemande Angela Merkel a décroché un répit pour sa politique contestée de la main tendue aux réfugiés en obtenant un soutien fort des conservateurs, mais elle doit encore convaincre les Allemands avant des échéances électorales cruciales en 2016.
Les délégués de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), réunis en congrès à Karlsruhe (sud-ouest), ont voulu afficher l’unité retrouvée du parti en ovationnant la chancelière, lundi, pendant neuf minutes. «Le crépuscule de Merkel n’est plus à l’ordre du jour, au moins provisoirement», juge ainsi l’influent hebdomadaire der Spiegel, pour qui la dirigeante de 61 ans peut «reprendre son souffle» alors qu’elle traverse la plus grave crise de sa décennie au pouvoir. Faisant un geste à ses détracteurs conservateurs, Angela Merkel a promis de réduire significativement le nombre de migrants venant en Allemagne et qui frôle le million pour 2015. Mais ne cédant pas à ses critiques, elle a rejeté l’idée de fixer un plafond pour fermer la porte aux réfugiés, prônant à la place des solutions négociées au niveau européen et international pour réduire l’afflux à sa source.
Grognements
«Ce parti est derrière sa dirigeante», s’est félicité Peter Tauber, le secrétaire général de la CDU. «Car ce n’est qu’unis que nous pouvons réussir», a-t-il insisté. Pour autant, les grognements et critiques dans la base du parti devraient continuer à s’exprimer dès lors que nombre d’Allemands doutent du cours de la chancelière et que les États de l’UE ont jusqu’ici accueilli fraîchement l’appel à la solidarité de Mme Merkel.
Quelque 49% des Allemands ne sont pas satisfaits de la politique migratoire du gouvernement, selon le baromètre politique de ZDF. «Sous la surface (…) cela continue de bouillonner parmi les maires et les élus locaux», souligne ainsi le quotidien des affaires Handelsblatt.
Le président des Jeunes de la CDU, Paul Ziemiak, porte-voix des contestataires ces dernières semaines, insiste ainsi sur l’engagement de la dirigeante à réduire significativement les arrivées. «C’est un signal important pour tous les responsables politiques au niveau communal», a-t-il martelé. «Nous avons obtenu le message (…) qu’un nouvel afflux de réfugiés comme celui que nous avons vécu cette année ne serait pas soutenable» à long terme, a-t-il poursuivi. C’est au niveau local que la défiance est la plus grande, là où les problèmes logistiques quotidiens se font les plus criants. Au quatre coins du pays, les foyers d’hébergement sont surchargés, amenant les élus locaux à trouver des solutions de fortune en comptant sur la générosité des Allemands. Ils font face ça et là à une vive hostilité de la population, les actes de violence contre les réfugiés se multipliant ces derniers mois.
«Dans les villes et les villages nous sommes confrontés à une situation inédite, depuis la Seconde guerre mondiale», raconte Barbara Klepsch, ministre régionale des Affaires sociales en Saxe (ِِِEst), un Land où sévit un fort mouvement antimusulman. «Notre tâche consiste maintenant à répercuter le message positif envoyé par Merkel dans les endroits où les peurs sont les plus vives», selon elle. Dans une circonscription de Rhénanie du nord-Westphalie, «nous accueillons trois fois plus de réfugiés que la Pologne tout entière», fait remarquer M. Ziemiak.
D’autres réclament toujours que le gouvernement serre la vis. «Il faut absolument d’autres mesures», a jugé l’un de ceux qui ont mené la fronde contre la chancelière, Carsten Linnemann. «Car si cet afflux continue, nous allons être débordés».
Echéances électorales
Étoile montante de la CDU et vice-présidente du parti, Julia Klöckner a également réclamé que soit mis davantage l’accent sur l’intégration des musulmans arrivants en Allemagne : «L’intégration ne doit pas être laissée au hasard». Car le camp conservateur craint que la facture politique ne s’avère lourde. Des échéances électorales clés se profilent l’an prochain dans cinq États-régions, dont le Bade-Wurtemberg et la Rhénanie-Palatinat dans trois mois, alors que la CDU subit la concurrence grandissante du parti populiste Alternative für Deutschland. Et si Angela Merkel n’a pas encore révélé ses intentions pour les Législatives de 2017, la question de son avenir et d’un éventuel quatrième mandat est sur toutes les lèvres.