L’inquiétude monte en Allemagne face au recours à la violence au sein des franges les plus radicales de l’extrême droite, illustré par les incidents survenus deux jours durant à Chemnitz, dans un contexte électrique autour de la question migratoire.
«Bien sûr l’Histoire ne repasse pas les plats, mais lorsque des foules excitées d’extrême droite créent de l’agitation au cœur de l’Allemagne et que l’Etat de droit est dépassé par les événements, cela rappelle un peu la situation de la République de Weimar», estime mardi le magazine Der Spiegel, sur son site Internet. Une référence au régime politique démocratique né en Allemagne dans le sillage de la Première guerre mondiale, qui dut affronter régulièrement des tentatives de déstabilisation dans la rue et finit par disparaître lors de la prise du pouvoir par Adolf Hitler en 1933. Le pays en est encore loin, mais les «chasses collectives» contre les étrangers organisées par des sympathisants d’extrême droite dimanche dans les rues de Chemnitz, dans l’ex-RDA, puis les violences qui ont marqué lundi soir un nouveau rassemblement de plusieurs milliers d’entre eux – dont plusieurs ont défilé en faisant le salut hitlérien – constituent un choc pour le pays. Six personnes ont été blessées lundi soir lors d’échauffourées entre manifestants et contre-manifestants d’extrême gauche.
Nouvelle manifestation
Une nouvelle manifestation est annoncée mardi après-midi à Dresde cette fois, ville proche de Chemnitz et capitale de l’Etat régional de Saxe, où l’extrême droite est fortement implantée. Elle y est arrivée en tête des dernières législatives en septembre 2017, créant un séisme en Allemagne. «Quand l’Etat abdique», s’insurge le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ). «Chaos à Chemnitz», renchérit le Handelsblatt, en estimant que «l’Etat de droit a été mis hors service». L’élément déclencheur est survenu au cours du week-end, lorsqu’un Allemand de 35 ans a été tué à coups de couteau durant une rixe en marge d’une fête locale. La police a arrêté deux suspects, un Syrien et un Irakien d’une vingtaine d’années accusés d’avoir agi après une «altercation verbale». Depuis, les franges les plus radicales de la ville, et de toute la région de Saxe, mobilisent l’opinion contre l’immigration et la politique du gouvernement d’Angela Merkel, défilant aux cris de «Les étrangers dehors» ou «Nous sommes le peuple». Fers de lance de ces initiatives: le mouvement ultra anti-islam Pegida, né dans cette région, et l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), principal parti d’opposition à la chambre des députés à Berlin. Mais pas seulement.
«A Chemnitz, une alliance assez incroyable mêlant des hooligans, des néonazis, l’AfD et les militants de Pegida s’est constituée. Les violences montrent que des mouvements se réunissent qui au final sont tous issus du même moule, le tout dans une atmosphère extrêmement xénophobe et agressive», a estimé la directrice de la Fondation Amadeu Antonio contre le racisme sur la chaîne de télévision n-tv.
Le parti social-démocrate, membre de la coalition gouvernementale d’Angela Merkel, s’inquiète du raidissement idéologique au plan national. «Il y a dans notre pays une petite frange d’extrême droite qui utilise tous les prétextes pour porter dans la rue ses rêves de violence et d’ambiance de guerre civile», estime l’un de ses responsables, Burkhard Lischka, dans le quotidien Rheinische Post. Le parti AfD souffle en tout cas sur les braises du meurtre survenu à Chemnitz, en évoquant la nécessité de l’auto-défense face aux immigrés.
«Lorsque l’Etat n’est plus en mesure de protéger les citoyens, les gens descendent dans la rue et se protègent eux-même, c’est aussi simple que cela!» a tweeté un de ses députés nationaux, Markus Frohnmaier. Des appels condamnés «avec la plus grande fermeté» par Angela Merkel, elle-même au centre des critiques de l’extrême droite, qui lui reproche d’avoir ouvert les portes du pays à plus d’un million de demandeurs d’asile venant notamment de Syrie et d’Irak, en 2015 et 2016.