Allel Yahiaoui a participé à d’innombrables films prestigieux. Réalisateur ou directeur photo. Nous citerons, par exemple « Les vacances de l’inspecteur Tahar » de Moussa Haddad, « Hassan Nya » avec Rouiched, de Ghaouti Bendedouche. Ou encore la célèbre série télévisée « Nass Mlah City ». Mais combien sont ceux qui le savaient ?
Par Zouhir Mebarki
Dans un film, il y a ceux qui sont devant la caméra, les plus connus et ceux qui sont derrière, les plus discrets. Au moment où l’Algérie s’apprête à relancer sa production cinématographique, un des pionniers (on a envie de dire « un des piliers ») du 7ème art algérien vient de nous quitter, samedi dernier. Sans bruits. A part quelques voix comme celle-ci : « Mon si cher ami Allel Yahiaoui, tu vas tellement nous manquer, toi, ton immense talent, ta si touchante délicatesse… Un grand artiste et une si belle personne nous quitte. Rabbi Yarahmek. Toute mon affection et toutes mes plus sincères condoléances à la famille », ce sont les mots de Safy Boutella à l’annonce du décès de l’homme au si long parcours cinématographique.
Cinéaste dès 1962
Il avait commencé sa carrière à l’âge de 20 ans en participant au film collectif « Peuple en marche » réalisé par un groupe de cinéaste parmi lesquels il y avait René Vautier, Ahmed Rachedi, Mohamed Bouamari et d’autres encore. C’était en 1963. Il avait rejoint un an auparavant, le Centre audiovisuel d’Alger, le premier de l’Algérie indépendante. Il était dirigé par René Vautier. C’est dire que le parcours de Allel Yahiaoui dans le cinéma est long, très long. Mais avant de continuer, il est utile d’expliquer à nos lecteurs le rôle du directeur de la photo dans la réalisation d’un film. Contrairement à ce que les profanes pourraient croire, ce n’est pas quelqu’un qui a son appareil en bandoulière et qui prend des photos du tournage du film. C’est cette image restrictive qui a rendu cette fonction « dérisoire » aux yeux du grand public.
Un directeur photo, c’est quoi ?
Le rôle d’un directeur de la photo d’un film selon le manuel de formation du cinéaste « c’est le principal responsable de l’esthétique visuelle d’un film, en collaboration avec le réalisateur. Il est chargé de superviser la lumière, le cadrage, les mouvements de caméra, et l’ensemble des choix techniques en lien avec l’image ». Il est l’âme et l’esprit du film. Cela dit, Allel Yahiaoui a, à son « compteur », 47 films. En réalisateur pour certains films et en directeur de la photo pour d’autres. Ceci en plus des années d’enseignement des métiers du cinéma qu’il a exercé en Algérie et en Tunisie. Parmi ses œuvres on peut citer pêle-mêle, en plus du film « peuple en marche » que nous avons cité plus haut, sa participation aux côtés de Rachid Merabtine dans le film « Les vacances de l’inspecteur Tahar » de Moussa Haddad (on vous donne le lien de l’émission « cinéthématique » de Amine Nebbache de Canal Algérie, pour ceux qui veulent entendre Allel Yahiaoui parler de ce film : https://www.youtube.com/watch?v=q4P7Lyf2d7o), ou encore dans le film de Rouiched « Hassan Nya » de Ghaouti Bendedouche.
La série télévisée « Nass Mlah City »
Il y a également le film « Si Mohand U m’hand » réalisé par Rachid Benallal et Liazid Khodja. Ou encore le film « Youcef ou la légende du septième dormant » de Mohamed Chouikh, ou encore sa participation à 23 épisodes de la célèbre série télévisée « Nass Mlah City » réalisé par Djaafar Gacem, qui a connu un très grand succès. Il serait trop long d’énumérer ici les 47 œuvres cinématographiques de Allel Yahiaoui en alternance, réalisateur et directeur de la photo. Toujours est-il que l’homme aura été tout au long de sa très riche carrière, d’une simplicité, d’une modestie et une discrétion qui sont des qualités que seuls les grands hommes possèdent. On vous conseille d’aller sur YouTube et suivre avec le lien donné plus haut, l’entretien réalisé par Amine Nebbache sur « Canal-Algérie » avec Allel Yahiaoui. Vous verrez, par sa présence, son comportement, par sa gestuelle, combien il était modeste. On a dit plis haut qu’en plus de sa carrière sur les sites de tournage, il a enseigné les métiers du cinéma, notamment en Tunisie.
La relance du cinéma algérien
Pour être complet, il faut aussi préciser que le cinéma chez nous était plongé dans un long « coma ». Par la conjonction de facteurs comme l’avènement de l’audiovisuel par satellites et la fermeture des salles de projection. Il aura fallu la volonté et la détermination du président de la République pour qu’enfin la relance du cinéma dans notre pays soit effective. Cela s’est fait en deux temps. D’abord par la loi relative à l’industrie cinématographique, publiée au Journal officiel en avril 2024. Ensuite par la création du premier Institut national supérieur du cinéma dans l’histoire de l’Algérie, baptisée du nom de « Mohamed Lakhdar Hamina ». Cette création vient compléter celle, en 2022, du premier Lycée national des arts « Ali-Maâchi », unique en son genre en Afrique. Peut-être qu’un jour, Allel Yahiaoui aura aussi son nom sur un édifice prestigieux. Ensuite, il y a eu les assises nationales du cinéma, le 19 janvier dernier, voulues par le président Abdelmadjid Tebboune et qu’il a rehaussé par sa présence et son discours sur la « nécessité de permettre au cinéma algérien de retrouver son lustre d’antan ». Selon ses proches, « Allel était ravi de voir et d’entendre, à la télévision, le président de la République peser de tout son poids pour relancer le cinéma algérien ».
C’est sur cette note d’espoir pour les générations à venir, que Allel Yahiaoui est parti, peu après, sur la pointe des pieds rejoindre son créateur. A Dieu nous appartenons, à lui nous retournons » !
Z. M.