Qui mieux qu’Abdelkrim Abidat, expert – consultant international chargé de la prévention de la lutte anti-drogue et président de l’Organisation nationale pour la sauvegarde de la jeunesse pour nous parler du fléau de la drogue, véritable phénomène social en Algérie qui touche notamment les jeunes.
Avec un capital expérience de 40 années, M. Abidat oriente sa louable action vers une dynamique qui se veut forte et basée sur la prévention, la sensibilisation et la mobilisation, la prise en charge des jeunes en proie à cette « épidémie » fortement destructrice. Rencontré au niveau du Centre national pour la sauvegarde de la jeunesse, implanté à la forêt « Baroudi » de Bouchaoui sise à 20 kilomètres à l’ouest d’Alger, M. Abidat, cet éducateur spécialisé de renommée internationale a tenu à nous faire connaitre la situation de l’Algérie face à ce fléau de la drogue.
Le Courrier d’Algérie : Pour commencer, on voudrait savoir combien y a-t-il de toxicomanes en Algérie ?
Abdelkrim Abidat : Notre pays a été considéré comme un pays de transit, mais malheureusement l’Algérie est devenue aujourd’hui un pays de jeunes consommateurs. Selon les statistiques établies, le nombre s’élève à trois millions de consommateurs âgés entre 15 et 35 ans dont 3% de jeunes filles.
-Et quel est le rôle exact de votre organisation nationale ?
-Nous faisons de notre mieux pour aider les jeunes égarés qui sont en rupture avec l’ordre social. Notre action consiste à être à l’écoute de cette jeunesse en difficultés qui nécessite une attention particulière de nous tous.
-Vous avez créé un premier centre pilote ici à Bouchaoui et qui a été inauguré en 2019. Faites-nous sa présentation et quelles sont ses missions ?
-Ce centre qui se situe sur un site de la forêt de Bouchaoui s’étend sur une surface de 2000 M² est un lieu agréable où il fait réellement bon vivre. Il n’a pas les caractéristiques d’un hôpital, car nous jugeons que les jeunes toxicomanes ne sont pas des malades, mais de jeunes victimes de la société que nous voulons sauver de l’enfer de la drogue. Lorsque ces jeunes expriment leur volonté de vouloir s’en sortir, nous les accueillons, les écoutons et, ensuite, nous leur proposons un programme approprié. À savoir, des consultations périodiques avec nos psychologues et des tests d’analyse obligatoires pour évaluer les natures des drogues consumées, ensuite des séances de mécanothérapie, de remise en forme, de d’hydrothérapie, d’aquagym (piscine), de relaxation sportive, un compliment alimentaire qui est la phytothérapie, ainsi que d’autres séances de thérapie de groupe toutes les fins du mois et des sorties en plein air en forêt ou des jeux collectifs sont organisés.
Le président Abdelmadjid Tebboune a, lors de son allocution à la dernière rencontre Gouvernement-walis, instruit l’élaboration d’une stratégie et d’un plan d’action pour la lutte contre la drogue. Qu’est ce que vous pensez de cette initiative ?
-Je profite de l’occasion pour lancer un appel aux 58 walis de la République et leur dire : prenez l’exemple du Centre national pour la sauvegarde de la jeunesse qui se situe à l’intérieur de la forêt de Bouchaoui. Nous sommes disposés à venir vous aider à réaliser ce projet. Il faut savoir que le président Abdelmadjid Tebboune accorde une importance particulière à la protection de la santé morale et physique de notre jeunesse, alors nous devons agir.
-Dites-nous, combien dure la période de désintoxication et le nombre de jeunes que vous recevez dans ce centre ?
-La période dure de trois à six mois, mais tout dépend ensuite de la volonté des jeunes. Ces derniers reçoivent un traitement naturel sans aucun médicament et ce grâce à un programme de naturothérapie auquel ils adhèrent volontairement. Pour le nombre, nous recevons les jeunes accompagnés toujours avec leurs parents des 58 wilayas du pays. Les parents sont satisfaits de la progression, de jour en jour de leurs, enfants.
-Et quel est le secret de votre réussite ?
Je dispose de 40 ans au service exclusif de la jeunesse qui m’ont apporté de précieux enseignements et une très longue expérience acquise sur le terrain, étant en contact permanent avec cette population juvénile issue du nord, du sud, de l’est et de l’ouest de notre pays. à cela s’ajoute ma formation professionnelle qui m’a permis d’avancer pour apporter les corrections et les redressements souhaités.
-Vous avez écrit des livres sur des fléaux sociaux et même participé au Salon international du livre d’Alger …
-Mon idée, quand j’écris un livre, vise à éveiller les consciences, fustiger le mal-être et qui empêche l’individu de mener la vie comme il l’entend. Il est appelé parfois « détresse », un livre doit tout bouleverser, tout remettre en question pour qu’on puisse prendre pour réel ce qui est et ce qui ne l’est pas dans notre société. Pour vous répondre, j’ai effectivement écrit cinq ouvrages. Ils s’intitulent :« Expertise, autopsie, malaise et espoir d’une jeunesse » ; « La drogue, un monstre qui menace le monde » ; « Harraga, comment la mer se nourrit de la détresse des jeunes » ; « Comment communiquer avec les jeunes à haut risque » et « Comment réussir un bac sans stress ». Je vous signale que tous ces ouvrages étaient publiés à compte d’auteur.
-Par ailleurs, votre expertise et votre expérience dans le domaine de la jeunesse vous ont conduit dans plusieurs pays où vous avez présenté des conférences, n’est-ce pas ?
-Effectivement, durant mon parcours, j’ai visité les États-Unis d’Amérique, l’Allemagne, la France, la Pologne, la Suisse, l’Espagne, la Norvège, l’Autriche, l’Italie, la Grande Bretagne, le Venezuela, la Jordanie, le Nigéria, la Tunisie, le Maroc, l’Egypte ainsi que la Syrie.
-On croit savoir que vous avez lancé une nouvelle expérience dans le domaine de la lutte contre la drogue. Notamment un centre mobile, en quoi consiste-t-il ?
-Cette initiative était en fait une première sur le plan international. Ce centre mobile a, à vrai dire, est un psycho-bus prêt à intervenir à la moindre alerte sur les lieux éducatifs. A savoir, les écoles (primaires, CEM e Lycées), les centres de formation et de l’enseignement professionnels et les cités universitaires. Ce psycho-bus a pour mission de promouvoir des actions de prévention et de communication de proximité pour mieux comprendre les préoccupations des jeunes ainsi que le signalement des jeunes en situation de risques et ce dès que l’on a connaissance de la situation du jeune. Chaque minute compte, plus vite le signalement est effectué, plus vite la santé morale et physique du jeune est assurée.
-Parlons de la cérémonie que vous avez organisée aujourd’hui (samedi le 18 janvier 2024) …
C’est une journée de fête pour les familles qui ont vraiment souffert par le comportement négatif de leurs enfants. Mais aujourd’hui, grâce à Dieu le Tout Puissant, qui nous a aidés à sauver ces 100 jeunes garçons et filles de l’enfer de la drogue. Après des grands efforts durant trois mois, ces jeunes ont retrouvé l’espoir d’un avenir meilleur sans drogue. La récompense sera présente aujourd’hui.
-Vous avez dit récompense, de quoi il s’agit ?
-Il s’agir de 100 médailles de mérite qui seront remises aux jeunes qui ont respecté durant trois mois le traitement thérapeutique. C’est un signe d’encouragement et vous voyez aussi les larmes versées par les pères et les mères, très contents de voir leurs enfants sortir de l’enfer de la drogue. C’est une journée chargée d’émotions.
-Peut-on dire que vous avez atteint votre objectif ?
-Mon objectif c’est d’éclairer un chemin pour ces jeunes en difficultés en essayant de leur offrir un avenir et une vie meilleure sans la drogue.
-On vous laisse le soin de conclure …
-Nous remercions vivement le ministère de l’Agriculture et la direction générale des Forêts (DGF) qui ont mis à notre disposition ce terrain à Bouchaoui pour sauver cette jeunesse. Nous remercions également l’Assemblée populaire de la wilaya d’Alger et à sa tête Bennour Karim, ainsi que son chef de cabinet, pour nous avoir construit ce centre pilote sur le plan national. Nos remerciements vont également au PDG de Sonatrach pour l’équipement du centre, ainsi qu’au PDG de Sonelgaz, pour la subvention des charges de l’électricité, ainsi que le wali délégué de Chéraga pour sa contribution. Comme nous ne manquerons pas aussi de remercier les ministères de l’énergie, des Affaires religieuses, ainsi que le directeur des Affaires religieuses de la wilaya d’Alger pour nous avoir accordé une tribune tous les vendredis pour animer des « Dorous »de sensibilisation contre le fléau de la drogue. Nous remercions également le général-major, Yahia Ali Oulhadj, commandant de la Gendarmerie nationale, pour son soutien total au profit des activités du centre anti-drogue, sans oublier la brigade de la Gendarmerie de Bouchaoui.
Propos recueillis par Farid Guellil