À se fier aux dires de Ahmed Mazighi, conseillé du P-dg, le groupe Sonatrach a importé entre 2011 et 2017 des gasoils et d’essences, pour un montant équivalent à la moitié du chiffre d’affaires du groupe pour une année, soit : 16 milliards de dollars. Lors d’un point de presse animé à Alger en fin de cette semaine, Mazighi a indiqué que durant cette même période 2011-2017, la tonne de gasoil importée a couté à la Sonatrach une moyenne de 1,15 fois ce que rapportait la tonne de pétrole brut exportée, et 1,3 fois pour l’essence. Une donnée chiffrée qui, selon l’intervenant, avait acculé les hauts responsables du groupe à chercher des solutions stratégiques à mettre en place à partir de 2017 en vu de satisfaire les besoins du marché national en carburant, tout en réduisant au maximum le recours à l’importation. Mazighi dira à ce propos en substance « On avait plusieurs possibilités entre nos mains, soit augmenter les capacités de raffinage et de transformation, soit recourir au processing de pétrole brut à l’étranger, soit acquérir de la capacité de raffinage à l’étranger, ou alors, investir dans le raffinage avec un partenaire étranger et lui fournir en même temps du pétrole brut. Et finalement, la solution à laquelle Sonatrach a réfléchi entre 2007 et 2009, est de traiter des charges importées, comme celles qui viennent d’Afrique de l’Ouest et du Brésil, et utiliser les Sahara Blend uniquement à l’exportation ». Et d’ajouter « Concrètement il s’agit de livrer du pétrole brut et en contrepartie acquérir du gasoil avec des prix fixes de processing et de transport ». Il a expliqué dans la foulée, que par rapport à l’alternative de l’importation par les appels d’offre, le processing possède le mérite d’offrir une police d’assurance pour toute l’année au lieu de subir la volatilité des frais de raffinage. Toujours selon Mazighi cette même donnée technique a raffermi les décideurs de la Sonatrach à adopter l’approche du processing pour couvrir tous les besoins de la Sonatrach en importation de gasoil et essence, sur l’année 2018. Mais l’option du processing ainsi choisie par le staff de l’actuel Dg de Sonatrach ne serait-t-elle pas périlleuse pour le groupe, voire pour l’Algérie toute entière ; attendu que Sonatrach est le premier pourvoyeur des fonds du pays. Sachant qu’au-delà des techniques complexes du raffinage , le processus en question fait appel, en aval, à des nécessités de gestion des stocks des produits bas de gamme dont il faudra se débarrasser moyennant des procédés non moins coûteux ?
Le processing, une aventure périlleuse ?
Des cadres de Sonatrach soutenus par des spécialistes ont pourtant démontré que le processing à l’étranger engendrerait un manque à gagner considérable pour Sonatrach, notamment en raison des taux de perte. Mais, la décision étant prise, l’aventure pourrait être périlleuse et risque d’entrainer Sonatrach dans un véritable tourbillon. Parce qu’il ne s’agit pas uniquement des problèmes et coûts de processing et des taux de pertes dûs au TBP (True Boiling Point, soit le point d’ébullition véritable), il est surtout question de la gestion des stocks des produits bas de gamme tels le Naphta et le Fuel dont il est impossible de s’en débarrasser à partir des ports européens, engendrant des frais additionnels incommensurables.
Par ailleurs Sonatrach s’exposera, dans cette entreprise, aux périls des marchés internationaux, et compte tenu du fait que cette opération n’est couverte par aucun texte juridique, le pétrolier Algérien risque de naviguer à vue par temps nuageux. Mais abstraction faite de tous ces aléas, le processing à l’étranger ne peut être rentable que si Sonatrach opère avec les grandes compagnies qui ont d’énormes capacités d’absorption des produits dérivés, destinés au marché international. Au demeurant ; l’opération processing à l’étranger n’offre aucune garantie de réaliser des marges plus importantes par rapport aux opérations classiques de vente de pétrole brut et d’importation de carburants selon les besoins. En bref, si la Sonatrach ne parvient pas à obtenir, en 2018, des rendements meilleurs que ceux proposés par BP ou Vitol, on serait dans la légitimité de conclure que la compagnie nationale est carrément en passe de caresser de nouveaux scandales.
Une option abandonnée en 2016
En 2016, du temps de l’ex PDG, Amine Mazouzi, la compagnie nationale avait engagé des pourparlers avec les deux géants, BP, l’un des plus grands raffineurs-distributeurs au monde et Vitol, leader mondial de courtage de pétrole brut. En février 2016, Sonatrach avait reçu, de la part de BP et Vitol, deux propositions pour le raffinage du pétrole brut à l’étranger. Cependant l’analyse des propositions des deux géants des lubrifiants et carburants montrait un grand écart avec le TBP du pétrole algérien, Sahara Blend. Ce qui motiva le rejet de ces propositions, attendu l’importance des pertes d’une part et de la faiblesse, d’autre part, des propositions d’échange lesquelles étaient nettement inférieures aux rendements classiques d’exportation de pétrole brut. Deux autres propositions des mêmes raffineurs avaient été soumises à la Sonatrach en début du mois d’Avril de la même année, cependant des appréhensions, persistantes, avaient poussées le gouvernement à abandonner la piste du processing à l’étranger.
Zacharie S Loutari