La projection de «Nous n’étions pas des héros», de Nasser Eddine Guenifi (2017), une adaptation du roman «Le camp» d’Abdelhamid Bnezine, à la cinémathèque de Bejaia a littéralement bouleversé le public. D’abord ému jusqu’aux larmes par les conditions inhumaines imposées aux pensionnaires de ce lieu de détention, ensuite par la qualité de l’úuvre, marquante par ses dialogues et le filage de ses scènes. D’emblée, le film, accroche et met le spectateur dans le cœur de la trame, en focalisant sur un milieu carcéral, peu bavard des drames humains qu’il renferme mais qui se livre à profusion, à la première incursion de la caméra dans son antre.et qui, comme dans un exercice d’expiation, révèle toute les horreurs et les abjections, qu’il drape. «Le camp» de Abdelhamid Benzine est à ce titre caractéristique et loquace. Derrière les fils barbelés et les guérites surélevées, communs, du reste, à tous les lieux d’enfermement s’y est joué en effet un drame insoutenable,. Des centaines de moudjahidines, pris les armes à la main, y étaient et soumis à un traitement d’une telle barbarie, que seuls, les nazis du troisième Reich savaient en faire. Le lieu, n’en était qu’une réplique des camps de concentration, éponymes éprouvés à travers l’Europe. En ces lieux, à Bougharil, située dans la région de Ksar El-boukhari (actuellement wilaya de Médéa) précisément, la convention de Genève (1929), relative au traitement des prisonniers de guerre ne pouvait avoir droit de cité, les officiers du camp, considérant non tenus d’en appliquer les résolutions car ayant à faire à des êtres inférieurs et de surcroit ennemis de la mission civilisatrice de la France. Aussi tous les traitements aussi sauvage furent-t-ils, infligés et inventés alors, n’en étaient que des réponses à une situation d’exception. D’ailleurs, l’idée de tirer et d’exterminer trous les pensionnaires était récurrente entre les officiers du camp, qui voulaient en finir avec la vermine mais qui ne pouvaient passer à l’acte, car destinataire d’ordres visant à convertir chacun des prisonniers en harki. La faim et la malnutrition, les travaux forcés, la torture et les humiliations et l’exécution sommaires pour les plus téméraires ont fait office alors de thérapie de choc infligés à tous et qui au fil des mois à transformer le lieu de détention en camp de mise à mort. Benzine, qui en a été une des victimes vivantes, n’en a pas raté un détail pour restituer dans une sensibilité saisissante, toute la trame et tout le drame, magnifiés par ailleurs, par un balayage magistral de Guenifi, qui signe là une œuvre de guerre des plus poignante.