Les initiateurs de la démarche du «Groupe des 19 personnalités» ont tenu, hier lundi, une conférence de presse au siège du Parti des travailleurs (PT), pour faire le point autour de leur initiative, consistant à rencontrer le président de la République. «Déterminées», ces personnalités ont affirmé que leur démarche est dénuée de toute ambition politique ou personnelle, autre que celle de parler à Abdelaziz Bouteflika.
En plus de la patronne du PT, Louisa Hanoune, et l’ex-ministre de la Culture, Khalida Toumi, les figures de la Révolution algérienne, Zohra Drif-Bitat, Abdelkader Guerroudj et Lakhdar Boukraâ étaient présents. Tour à tour, les conférenciers ont tenu à expliquer davantage leur initiative et dresser l’état des lieux de la situation prévalant dans le pays. Le 1er novembre dernier, dix-neuf personnalités ont adressé une lettre à la présidence de la République, pour demander audience auprès du Chef de l’État. Depuis, les initiateurs n’ont eu aucune réponse. Il était question, selon eux, à travers cette entrevue, qui n’a pas eu lieu, d’exposer à Abdelaziz Bouteflika leurs inquiétudes et d’attirer son attention sur «la gravité de la situation dans le pays». Devant les réactions des partis politiques proches du pouvoir qui ont dénigré la démarche en la qualifiant d’entreprise politique, les personnalités s’en défendent qu’il ne s’agisse que d’une démarche citoyenne, sans plus. «Notre objectif est celui de tous les Algériens. La scène nationale est caractérisée par de graves divergences. Nous voulons rencontrer le Président pour attirer son attention sur les dérives menaçant notre pays”. La sénatrice, Zohra Drif-Bitat, a rappelé que cette idée n’est pas fortuite et qu’elle a été prise après réflexion et après avoir jugé «opportun», d’aller vers une initiative faite dans la «légalité», consistant à rencontrer Bouteflika, et à discuter des préoccupations et des questionnements de la population, a-t-elle estimé. L’héroïne de la Révolution nationale a précisé qu’au-delà de leur action dépourvue de toute arrière-pensée politicienne, nombreux sont les citoyens qui se joignent à leur appel, pour demander à Bouteflika : «Recevez-les (les 19 personnalités) Monsieur le Chef de l’Éat», a expliqué la veuve du chef historique Rabah Bitat. La sénatrice du tiers présidentiel est revenue sur les critiques des leaders de partis et de responsables du gouvernement à cet égard, en affirmant que cela ne décourage pas autant la poursuite de la démarche. «Nous avons assisté à des réactions violentes émanant des responsables de partis (FLN et RND, ndlr), du chef de cabinet du Président et de hauts cadres de l’État. Cela nous conforte davantage», a-t-elle ajouté. La moudjahida a relevé dans son discours un recul sur la «souveraineté de l’État», tout en invitant Bouteflika à réagir devant une telle situation, menaçant, selon elle, le pays. S’agissant du retrait de trois défections parmi ce groupe, Zohra Drif pense que les personnalités ont du avoir reçu des pressions de part et d’autre. «Nous ne craignons pas la pression. Il y en a eu et il y en aura toujours», a déclaré, pour sa part, Abdelkader Gerroudj. Ce moudjahid a préféré lever toute ambiguïté quant aux intentions des personnalités composant ce groupe. Pour lui, en dehors de demander audience auprès de Bouteflika, que «nous avons toujours respecté», aucune ambition personnelle n’anime les initiateurs de cette démarche ayant marqué l’actualité politique. Pour étayer ses propos, Guerroudj a indiqué que toutes les personnalités à la tête de cette initiative occupent, soit des postes politiques, soit des fonctions parlementaires ou autres, a-t-il expliqué. C’est ce qui le fait croire qu’aucun intérêt personnel n’empreint cette démarche. À ce titre, «même sur le plan politique, nous n’avons aucun pied au pouvoir», a-t-il tenu à expliquer.
Les initiateurs craignent que leur lettre ne soit pas remise à Bouteflika
Accusée par Saâdani et Ouyahia d’être l’instigatrice de cette initiative, Louisa Hanoune a reconnu d’emblée que même s’il y a des différentes sensibilités dans ce groupe, il n’en demeure pas moins que la «gravité de la situation» reste le seul objectif par lequel, ces personnalités veulent attirer l’attention de Bouteflika. Devant cet état de fait, «nous n’avons pas eu le choix», a-t-elle avoué. Intervenue en dernière, la patronne du PT a rappelé la réunion effectuée vendredi dernier, où ce groupe a fait le point de la question. Elle a précisé que le fait de donner une semaine à la présidence de la République, comme délai pour répondre à cette demande d’audience, ne signifie pas «exercer du chantage sur le Chef de l’Éat», a-t-elle expliqué. «Jusqu’à présent, nous n’avons reçu aucune réponse de la présidence de la République», a-t-elle regretté. Mais, selon l’oratrice, la démarche a suscité une dynamique, de par l’impact politico-médiatique que cela a fait et l’intérêt affiché par les citoyens à cette entreprise, a-t-elle tenu à argumenter. D’ailleurs, «il y a eu même d’autres acteurs qui veulent signer la lettre. Mais, nous leur avons expliqué que cette démarche historique est déjà scellée par les 19 personnalités», a-t-elle ajouté. À ce titre, même les défections enregistrées dans les rangs de cette démarche ne constituent pas, pour elle, une source de relâchement. «Le train de l’initiative a pris du chemin», a-t-elle fait remarquer. Hanoune a ensuite répondu aux accusations des leaders des partis du pouvoir, comme pour rassurer aussi de son respect des institutions de la République à travers cette démarche. «Nous ne sommes pas des putschistes et nous ne voulons pas non plus une transition démocratique», a-t-elle souligné, tout en réitérant que le vœu de rencontrer Bouteflika, qui «est le seul responsable de la garantie de la sécurité du pays», a-t-elle rappelé. Hanoune a expliqué tout de même que la lettre, déposée auprès du chef de cabinet de la présidence de la République, ne vise nullement de «supplier» qui que soit pour voir le Chef de l’État. En renouvelant ses doutes, la leader du PT, s’est encore interrogée si la lettre a été bel et bien remise au Chef de l’État. «Bouteflika est-il au courant ?», s’est-elle demandée, avant d’affirmer que les personnalités doutent fortement que ce soit le cas. En tout état de cause, «nous voulons être reçus par le chef de l’État, pas par son chef de cabinet ou bien un autre collaborateur», a tranché Hanoune.
Farid Guellil