Le Nigeria se rend aux urnes samedi pour les élections présidentielle et législatives, dominées par les questions de la sécurité, de l’économie, de la corruption, des divisions ethniques et religieuses dans le pays le plus peuplé d’Afrique.
Sécurité
Quel candidat est le mieux placé pour mettre fin à l’insurrection des islamistes de Boko Haram, qui a fait plus de 13.000 morts et un million et demi de déplacés en six ans ? Le président sortant Goodluck Jonathan, candidat à sa réélection, a été très critiqué, au Nigeria comme à l’étranger, pour n’avoir pas su stopper l’avancée de Boko Haram. Si l’armée nigériane, aidée par les pays voisins, a enregistré un certain nombre de succès contre les insurgés ces dernières semaines, cela ne fait pas oublier son manque de réactivité pendant le reste du mandat de M. Jonathan, selon les experts.
Dans le camp adverse, l’ancien général Muhammadu Buhari, qui a dirigé le pays d’une main de fer au milieu des années 80 à la tête d’une junte militaire, a promis de faire de la lutte contre Boko Haram une de ses priorités s’il est élu. La question sécuritaire est cruciale pour une partie des 68,8 millions d’électeurs nigérians, notamment ceux qui vivent dans le Nord à majorité musulmane du pays où se concentrent les violences. Elle reste cependant secondaire pour une grande partie des électeurs du Sud pétrolier, où les chrétiens dominent, rappellent les experts.
Corruption
La corruption, endémique dans la première puissance économique d’Afrique, reste la grande préoccupation des électeurs, toutes religions et toutes ethnies confondues.
M. Buhari, qui avait pris le pouvoir en 1983 à la faveur d’un coup d’Etat contre un régime civil accusé de piocher dans les caisses de l’Etat, s’est forgé une réputation d’incorruptible au fil des années. De son côté, M. Jonathan affirme avoir contribué à assainir les finances publiques lors de son premier mandat. Mais plusieurs observateurs estiment que la corruption n’a fait que s’étendre, ces dernières années, avec notamment un scandale de plusieurs milliards de dollars au sein de la compagnie pétrolière nationale. L’élection du 28 mars s’annonce très serrée. Pour les experts, c’est sur ce thème-clé que M. Buhari peut marquer des points et déloger le président sortant — ce qui serait une première au Nigeria.
Economie
La chute récente des cours mondiaux de l’or noir a mis en lumière la vulnérabilité de l’économie nigériane, trop dépendante du pétrole. Le pays en est le premier producteur d’Afrique et le pétrole représente 70% des recettes de l’Etat. La ministre des Finances de M. Jonathan, l’ancienne directrice adjointe de la Banque mondiale, Ngozi Okonjo-Iweala, prône la diversification depuis des années. Le bilan du président dans le secteur agricole fait partie des points forts de son mandat: des investissements importants ont été réalisés dans ce secteur générateur d’emplois, longtemps négligé. La croissance s’est maintenue à une moyenne de 5% par an pendant le mandat du président Jonathan. Mais la pauvreté et le chômage persistent dans un pays où la majorité des 173 millions d’habitants continuent de vivre avec moins de deux dollars par jour. M. Buhari a peu développé son programme économique durant la campagne et cela constitue un de ses points faibles.
La question ethnique
L’ethnie reste une question centrale pour les électeurs, dans un pays aux nombreuses fractures ethniques.
Pour les Haoussas et les Peuls du nord, la région d’origine de M. Buhari, c’est au tour d’un des leurs de gouverner, puisque les sudistes ont gouverné treize ans sur seize depuis le retour de la démocratie en 1999. M. Jonathan, un Ijaw, originaire du delta du Niger, dans le sud pétrolier, bénéficiera du soutien de son ethnie et de celui des Ibos, majoritaires dans le sud-est.
Religion
M. Buhari, de confession musulmane, a été caricaturé par ses détracteurs comme un fanatique religieux prêt à imposer la charia — déjà en vigueur dans plusieurs Etats du nord — dans tout le pays. Si elles sont sans fondement, ces accusations pourraient dissuader des électeurs du sud, majoritairement chrétien, de voter pour lui.