Le recours de l’Algérie à l’exploitation du gaz de schiste semble être un choix «stratégique» pour le pays. En effet, le gouvernement à travers son département de l’Énergie compte accélérer sa production en hydrocarbures, pour pallier au déficit, déjà perceptible, de la baisse en cette matière, au niveau notamment des bassins exploités jusque-là à Hassi-R’Mel et Hassi-Messaoud. Le ministre de l’Énergie, Youcef Yousfi, estime que ces gisements sont exploités à seulement 20% de leur potentiel, alors qu’avec la technique dite de fracturation, on pourrait aller jusqu’à 90% de leurs capacités exploitables. C’est du moins ce qu’il a indiqué, avant-hier, sur la chaîne Ennahar TV. Il ressort que des hydrocarbures de ces puits se trouvent à l’intérieur des roches du schiste, donc difficilement exploitables avec les techniques conventionnelles classiques. De ce fait, le choix d’explorer des sources énergétiques à Ahnet, dans la région de In Salah, s’inscrit dans une démarche globale liée à la politique énergétique nationale. Cependant, il va sans dire que la dégringolade des prix du pétrole, depuis juin dernier, n’a fait qu’accélérer d’avantage ce processus. Car, le gouvernement s’était déjà prononcé, avant la fluctuation des marchés pétroliers, sur l’exploitation future du gaz de schiste. Il reste que ce projet d’exploitation n’est pas du goût de la population du Sud, qui craint des retombées néfastes sur leur santé et l’environnement. Pour revenir à la vision du gouvernement, la demande locale et du marché extérieur qui vont crescendo, ont contraint les pouvoirs publics à chercher de nouvelles ressources d’énergie, afin de multiplier la production et répondre à ces besoins. Si chaque pays a ses spécificités en matière du choix de telle ou telle source d’énergie, l’Algérie, semble faire le choix le plus facile; celui de maximiser l’extraction des hydrocarbures de ces gisements du Sud. Lors de son intervention sur Ennahar TV, Yousfi, défend son projet en estimant que : «nous n’avons pas le choix, l’exploitation du gaz de schiste est un impératif dicté par la baisse de la production des hydrocarbures», a-t-il affirmé, non sans se référer à l’expérience des États-Unis dans ce domaine. Après avoir été le premier importateur des hydrocarbures dans le monde, ce pays va passer dans moins de 10 ans à la position d’exportateur, à la faveur justement de l’exploitation du gaz non conventionnel. En dépit du fait que des mesures allant vers une économie plus diversifiée, en dehors des hydrocarbures, avaient été annoncées, le gouvernement continue d’assoir sa politique énergétique sur le «tout-hydrocarbures», en raison de la dépendance de cette ressource dans le pays, et aussi parce que les autres énergies sont coûteuses, (énergie solaire, nucléaire, éolienne), lorsqu’encore elles ne sont pas nuisibles à l’environnement, tel que le charbon, ressource utilisée en Chine. Ce pays dispose du plus grand gisement de gaz de schiste au monde. Son gouvernement pense dores et déjà à exploiter son gaz pour remplacer le charbon, qui est source de nuisances multiples. Il compte produire à l’horizon 2020, 100 milliards de M3 en gaz de schiste. D’autres pays encore tels que le Canada, l’Argentine, l’Afrique du Sud, ou encore la Russie qui dispose de la plus importante réserve de gaz au monde aux côtés de l’Arabie saoudite, comptent amplifier leurs productions en cette énergie. Le ministre de l’Énergie indique lors de son intervention télévisée que l’Algérie occupe le 3e rang en matière du potentiel de ses gisements de gaz de schiste. Outre le puits-pilote du gisement actuellement en exploration à Ahnet (In Salah), les experts de SONATRACH ont dores et déjà constaté la présence de gisements dans des bassins à Tindouf, Ghelizane, Reggane, sud de Tébessa… « On étudie la possibilité d’exploiter même le schiste au nord du pays, notamment dans la région Ouest», a estimé le ministre avant de préciser que la politique énergétique est projetée dans les 40 voire les 50 années à venir. En ce sens, le gouvernement compte généraliser la technique de fracturation dans le forage des gisements de Hassi Messaoud et Hassi R’Mel, pour « maintenir la production jusqu’à 40 ans. Car, les moyens traditionnels utilisés actuellement ne nous permettent d’extraire que moins de 30% des capacités productives. Donc, les nouveaux gisements découverts nécessitent des techniques non conventionnelles, pour maximiser leur exploitation», a révélé Yousfi.
Les mobiles du choix du gaz non conventionnel
«L’exploitation du gaz de schiste est inéluctable», a déclaré le ministre de l’Énergie. En effet, la relance économique à travers l’assainissement industriel, la diversification de la production hors hydrocarbures, requiert des financements qui ne peuvent être mobilisés que par les réserves de change de la rente pétrolière. L’autre argument avancé par le responsable de l’énergie étant celui de l’impossibilité d’exploiter d’autres ressources énergétiques, compte tenu de leurs coûts faramineux. En effet, l’exploitation de 10% des gisements en prospection actuellement à In Salah, pourrait engranger 20 000 milliards de M3, soit 10 fois plus des capacités initiales du bassin de Hassi R’Mel. Cela semble inévitable pour le gouvernement, lorsque l’on sait que la consommation nationale s’élève à 55 millions de tonnes, 1,3 tonne par individu, entre gaz et pétrole. Certes, cela est insuffisant par rapport à la moyenne mondiale, mais les statistiques indiquent que 50% de la population n’est pas encore raccordée au gaz naturel, d’où justement l’augmentation de la demande.
À signaler que la moyenne mondiale est de 2 tonnes. Outre ce facteur, le développement de l’industrie et la démographie vont concourir à la hausse de la consommation en la matière. En plus, l’Algérie doit produire plus pour se maintenir sur le marché pétrolier mondial. C’est ce qui conforme la thèse selon laquelle, ce choix est dicté par les besoin futurs du marché international, en prévision des baisses de la production mondiale.
Car l’Algérie doit maintenir son seuil de production pour garder son positionnement sur la scène énergétique mondiale. Sachant que des pays comme les États-Unis, la Russie ou encore la Chine, vont peser lourdement sur les cours du pétrole en prévision de leur exploitation du gaz de schiste. Par ailleurs, le ministre a déclaré, «rassurer encore une fois que le gaz de schiste ne représente aucun danger, pas plus que les techniques classiques utilisées dans l’exploitation du gaz conventionnel», a-t-il fait savoir.
Farid Guellil