Au moins 185 personnes ont été enlevées et 32 autres tuées par Boko Haram, dans l’attaque d’un village du nord-est du Nigeria, selon un scénario quasi-identique et dans la même région où le groupe islamiste avait kidnappé, en avril, plus de 200 lycéennes dont on est toujours sans nouvelles. Ce nouveau raid, survenu dimanche, vient démontrer à nouveau la faiblesse de l’armée nigériane, mal équipée, en sous-effectif, dans une région qui est le théâtre d’attaques islamistes quasi quotidiennes et où Boko Haram a déclaré avoir instauré un «califat islamique». Goodluck Jonathan, candidat à sa réélection en février 2015 à la tête du pays le plus peuplé d’Afrique, très critiqué pour son manque de réactivité au moment du rapt des lycéennes de Chibok, avait pourtant promis de mettre un terme aux violences et de reprendre la vingtaine de villes tombées aux mains de Boko Haram ces derniers mois. Si le drame de Chibok — 219 filles sont toujours otages de Boko Haram– avait marqué les esprits, en raison de la mobilisation internationale autour de la campagne #Bring back our girls sur les réseaux sociaux, le kidnapping de femmes par les islamistes est relativement fréquent dans cette région du Nigeria. Ces femmes et jeunes filles servent d’esclaves sexuelles, font la cuisine et les tâches ménagères dans les camps de Boko Haram, et elles sont aussi utilisées en première ligne dans les combats, selon un récent rapport de Human Rights Watch.
«Ils ont emmené nos femmes et nos filles»
Les insurgés, arrivés en convoi, ont attaqué le village de Gumsuri, à 70 kilomètres au sud de Maiduguri, la capitale de l’Etat de Borno, jetant des cocktails molotov et des bidons d’essence sur les maisons et tirant sur les habitants, selon deux responsables locaux et un témoin. «Ils ont tué 32 personnes, dont l’imam de la localité et le chef de la milice locale», a déclaré un des responsables à l’AFP. «Après avoir tué nos jeunes, les insurgés ont emmené nos femmes et nos filles», a dit un habitant, Mukhtar Buba, qui a fui Gumsuri pour se réfugier à Maiduguri. Selon une liste établie par les îlotiers et les chefs traditionnels de Gumsuri avec les familles des victimes, de jeunes garçons font aussi partie des 185 otages. Un chef de milice basé dans cette région, Usman Kakani, a affirmé, de son côté, que 191 femmes et enfants avaient été capturés. Selon les témoins, les islamistes ont fait monter les otages à bord de camions et les ont emmenés dans la forêt de Sambisa, un de leurs fiefs, où les lycéennes de Chibok avaient aussi été transportées avant d’être séparées en petits groupes. L’Union européenne a dénoncé dans un communiqué les «attaques inacceptables» contre des «villageois innocents» et assuré le «peuple nigérian» de son «soutien».
Les informations sur cette attaque ont mis quatre jours à émerger, à cause notamment de l’absence quasi-totale de réseau de téléphonie mobile et des routes en mauvais état dans cette région. Selon un des responsables locaux, le village bénéficie de la protection d’une milice privée relativement efficace, mais celle-ci a été dépassée par l’attaque de dimanche.
54 soldats condamnés à mort
Malgré leurs faibles moyens logistiques, les Civilian JTF, ces jeunes réunis au sein de milices pour combattre les islamistes, semblent s’être substitués à l’armée dans plusieurs zones du nord-est, où les attaques de Boko Haram sont quasi quotidiennes. Mercredi, une cour martiale nigériane a condamné à mort 54 soldats accusés de mutinerie pour avoir refusé de participer à une opération contre les islamistes dans cette région, selon leur avocat, Femi Falana. Les soldats placés en première ligne se plaignent constamment du manque d’armes et de matériel. Les islamistes, qui se sont emparés d’une vingtaine de villes et ont proclamé un califat dans les zones sous leur contrôle, possèdent des chars, des lance-roquettes et d’autres armements lourds, alors que les troupes nigérianes manqueraient même de munitions pour leurs fusils. «Le serment prêté par (…) les soldats n’est pas un droit au suicide» s’est insurgé Me Falana à la lecture du verdict. Par ailleurs, plusieurs centaines de combattants de Boko Haram ont attaqué mercredi une base de l’armée camerounaise à Amchidé, une localité de l’extrême-nord du Cameroun frontalière avec le Nigeria. L’armée camerounaise a affirmé avoir tué 116 islamistes et déplorer seulement un mort dans ses rangs.