Le Pakistan a annoncé, mercredi, la levée de son moratoire sur la peine de mort dans les cas de terrorisme, au lendemain du massacre par des rebelles talibans de 141 personnes, dont 132 écoliers à Peshawar, l’attaque la plus sanglante de son histoire. L’annonce a été faite dans la matinée par les services du Premier ministre, Nawaz Sharif, au premier des trois jours de deuil national décrété après ce «massacre des innocents», selon la presse locale, unanimement condamné à travers le monde. De nombreux commerces et écoles étaient fermés, et des cérémonies de prières organisées en mémoire des victimes à travers le pays, où nombre d’observateurs, sous le choc, appelaient les autorités à éradiquer une fois pour toute la violence islamiste. Le Premier ministre Nawaz Sharif se trouvait à Peshawar (nord-ouest), où il était arrivé la veille après avoir décrété un deuil de trois jours face à cette «tragédie nationale» perpétrée par des «sauvages». Signe de l’unanimité nationale face à l’attaque, M. Sharif devait y tenir mercredi une conférence nationale rassemblant tous les partis politiques pour condamner fermement ces violences. Avant même cette réunion, ses services ont annoncé, à la mi-journée, la levée de son moratoire sur la peine de mort dans les cas de terrorisme. Les condamnations à la peine capitale, relativement fréquentes au Pakistan, n’y étaient plus appliquées depuis 2008, hormis dans un cas de cour martiale.
«Regarder la vérité en face»
L’attaque de mardi a été revendiquée par le Mouvement des talibans du Pakistan (TTP), qui a déclaré avoir ainsi voulu se venger de l’armée qui a lancé, en juin dernier, une offensive militaire d’ampleur contre lui dans son bastion tribal du Waziristan du Nord, près de la frontière afghane. Son porte-parole, Muhammad Khurasani, a expliqué à l’AFP que ses combattants avaient visé cette école car «des enfants de plusieurs hauts gradés y étudient». «Nous voulons leur faire vivre la souffrance (…) terrible de voir un être aimé être tué. Leurs familles devront pleurer leurs morts comme nous l’avons fait», a-t-il ajouté.
Dès la fin de l’attaque, de nombreux observateurs, à commencer par les médias locaux, ont appelé le gouvernement et l’armée à «regarder la réalité en face» et à trouver enfin un moyen de mettre fin aux attaques des talibans et de leurs alliés d’Al-Qaïda qui ont fait plus de 7.000 morts depuis 2007. Les multiples offensives menées depuis dix ans par l’armée contre les talibans dans le nord-ouest du pays, le long de la poreuse frontière afghane, n’ont pas fait cesser les attentats. Et la question de l’islamisme radical, hérité notamment de décennies de conflits avec l’Inde et dans l’Afghanistan voisin, reste un sujet délicat dans ce pays pauvre de près de 200 millions d’habitants où il reste influent, y compris dans la classe politique. «Les opérations militaires resteront des opérations de pompiers tant qu’on ne s’attaquera pas aux racines idéologiques de la rébellion», soulignait ainsi le quotidien Dawn.
«Tuez-les tous!»
Dès mardi soir, de nombreuses veillées aux chandelles ont eu lieu dans les villes du pays en hommage aux victimes. Mercredi matin, toutes les écoles publiques et privées sont restées closes dans la province du Khyber Pakhtunkhwa où a eu lieu l’attaque. Dans les autres provinces du pays comme le Pendjab (est) ou le Sind (sud), les écoles sont soit restées fermées ou ont organisé des prières spéciales en mémoire des 132 écoliers et neuf employés de l’école tués mardi. Au Lady Reading, le principal hôpital public de Peshawar, des survivants continuaient mercredi à raconter l’horreur vécue la veille. «C’était comme dans un western», a raconté à l’AFP, Ahmad Faraz, un écolier de 14 ans qui étaient en cours avec 250 autres écoliers lorsque les talibans ont fait irruption dans l’amphithéâtre. Vêtus d’uniformes paramilitaires armés et ceints de vestes chargés d’explosifs, ils ont commencé à «tirer continuellement, de droite à gauche et de gauche à droite» en criant «Allahu Akbar!» («Dieu est grand»), se rappelle-t-il. «La salle s’est remplie de cris et de pleurs. J’ai vu mon professeur blessé, et le sang qui s’échappait de lui», se rappelle-t-il. «Puis un taliban a dit aux autres: «Il en reste qui se cachent sous les bancs et bureaux, tuez les tous!»» «Ils ont alors commencé à nous tuer un par un, c’était un cauchemar, j’entendais les cris à chaque balle qu’ils tiraient». Blessé par balle à l’épaule, il fait le mort, puis s’évanouira. Lui a eu de la chance: il s’est réveillé à l’hôpital, miraculé.