La réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania, déjà saluée pour son œuvre engagée Les Filles d’Olfa, revient sur la scène internationale avec un film d’une rare intensité : The Voice of Hind Rajab.
Ce long-métrage, qui retrace l’histoire tragique de la fillette palestinienne Hind Rajab, 6 ans, tuée par l’occupation sioniste à Ghaza en janvier 2024, a été sélectionné en compétition officielle à la 82e édition de la Mostra de Venise, prévue du 27 août au 6 septembre 2025.
Ce film poignant s’inspire d’un fait réel qui a bouleversé la conscience collective mondiale. Le 29 janvier 2024, alors que la famille Rajab fuyait les bombardements intensifs dans la ville de Ghaza, leur véhicule fut pris pour cible par un char de l’armée d’occupation sioniste. Seules survivantes de la première salve de tirs, Hind et sa cousine de 15 ans contactèrent désespérément les secours du Croissant-Rouge palestinien. L’appel de détresse de la fillette, restée en ligne pendant plus de trois heures, fut interrompu par de nouveaux tirs qui mirent fin à sa vie. La séquence audio de cet appel, déchirante, a été largement relayée sur les réseaux sociaux, devenant un symbole de l’inhumanité du blocus et des attaques visant délibérément les civils palestiniens. Kaouther Ben Hania a choisi de traiter cette tragédie avec une approche audacieuse et sobre. Tourné en huis clos en Tunisie, The Voice of Hind Rajab repose sur une reconstitution minutieuse nourrie par des témoignages directs de la famille de la victime et du personnel du Croissant-Rouge. « Ce parti pris de l’invisible vise à transmettre le sentiment d’impuissance. Je ne peux pas accepter un monde où un enfant appelle à l’aide et où personne ne vient », a-t-elle confié, lors de l’annonce de la sélection du film à Venise.
Loin du sensationnalisme, la cinéaste tunisienne prend le contre-pied des images chocs omniprésentes, préférant suggérer l’horreur à travers le son, le silence et l’absence. Le film commence par l’appel d’urgence de Hind, dont la voix, fragile mais déterminée, traverse les murs de l’indifférence. Les dialogues sont réduits à l’essentiel, renforçant la tension dramatique d’un huis clos tragique où la réalité dépasse la fiction. Le film s’inscrit dans la continuité d’un cinéma engagé, fidèle à la démarche de Kaouther Ben Hania qui, avec Les Filles d’Olfa, avait déjà mis en lumière les blessures sociales et politiques du monde arabe. Dans The Voice of Hind Rajab, elle pousse plus loin encore sa réflexion sur la mémoire, l’indignation, et le devoir de raconter ce qui ne peut être vu. Ce film donne une voix à celles et ceux que l’on veut faire taire. La voix de Hind Rajab n’est plus seulement celle d’une enfant assassinée dans une guerre impitoyable, mais celle de tous les enfants de Ghaza, victimes silencieuses d’une violence systémique. Elle incarne un cri de vérité, un refus de l’oubli. La mort en martyre de la petite Hind a profondément marqué l’opinion publique internationale. Son histoire a été érigée en symbole de la brutalité de l’occupation sioniste, dès les premières heures du génocide perpétré contre le peuple palestinien. La mobilisation mondiale qui a suivi la diffusion de son appel, notamment à travers les réseaux sociaux et les ONG humanitaires, a contribué à renforcer les pressions sur les instances internationales, appelées à agir contre l’impunité des crimes de guerre. La participation de The Voice of Hind Rajab à la prestigieuse Mostra de Venise est une reconnaissance forte, non seulement artistique, mais aussi politique et humaine. Elle rappelle que le cinéma peut être un outil de mémoire, un vecteur de résistance, un acte de justice. Alors que des millions de Palestiniens continuent de vivre sous occupation, ce film remet au centre du débat la nécessité de nommer l’horreur, de refuser la banalisation du mal, et de tendre l’oreille à la voix des innocents. La sélection de ce film à Venise intervient dans un contexte où le rôle des artistes et cinéastes du monde arabe devient de plus en plus central pour documenter et dénoncer les réalités occultées par les narrations dominantes. Dans un monde saturé d’images, The Voice of Hind Rajab fait le choix de l’écoute, de l’introspection, et de l’hommage à une enfance assassinée. À travers cette œuvre, Kaouther Ben Hania offre un espace de dignité à Hind, à sa mémoire, et à celle de toutes les victimes oubliées de la guerre à Ghaza. Un film nécessaire, bouleversant, dont l’impact s’annonce déjà considérable.
M. Seghilani