Un collectif composé de 114 avocats français a pris une initiative judiciaire inédite : le dépôt d’une plainte devant la Cour pénale internationale (CPI) contre l’État français, et plus précisément plusieurs figures de son gouvernement, dont le président Emmanuel Macron.
Cette plainte, portée par l’association Pour la justice au Proche-Orient, dénonce la complicité de la France dans le génocide en cours contre le peuple palestinien dans la bande de Ghaza. Elle s’appuie notamment sur les dispositions de la Convention internationale de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide. Cette initiative marque une première dans l’histoire judiciaire française : un État démocratique, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, se voit accusé par ses propres citoyens d’avoir activement soutenu – ou à tout le moins, facilité – une guerre qualifiée de génocidaire par une large partie de l’opinion publique et de la communauté juridique internationale. Dans la plainte transmise au bureau du procureur de la CPI à La Haye, les avocats listent plusieurs responsables politiques français, parmi lesquels figurent le président Macron, mais aussi des ministres tels que François Bayrou, Jean-Noël Barrot, Sébastien Lecornu, ainsi que 19 députés membres de la commission des affaires européennes. Ils sont accusés d’avoir fourni une assistance politique, économique, militaire et diplomatique à Israël, en pleine offensive meurtrière contre la population de Ghaza. Les plaignants dénoncent des actes de « complicité par aide ou encouragement », rappelant que depuis octobre 2023, l’armée israélienne a tué près de 60 000 Palestiniens, en majorité des civils, selon les chiffres fournis par le ministère de la Santé de Ghaza. Cette campagne militaire, jugée disproportionnée et inhumaine, s’inscrit dans un contexte de blocus étouffant ayant déjà causé la mort par famine de plus de 130 personnes, dont de nombreux enfants. Le collectif attire aussi l’attention sur le rôle de certains groupes de pression comme le lobby pro-israélien Elnet, accusé d’influencer les orientations diplomatiques de la France au détriment du droit international.
Un soutien français juridiquement problématique
Les auteurs de la plainte insistent sur l’inaction délibérée du gouvernement français face aux crimes commis à Ghaza. Non seulement aucune mesure n’aurait été prise pour enrayer le massacre, mais des formes concrètes de soutien auraient été maintenues, voire renforcées, malgré l’évidence du carnage humanitaire. Cette posture, jugée complice par les plaignants, place les autorités françaises dans une zone grise du droit international : celle de la responsabilité indirecte, mais néanmoins punissable, du génocide. Les avocats appellent la CPI à enquêter sérieusement sur la participation passive – ou active – de la France à une guerre qui se rapproche de plus en plus d’un nettoyage ethnique planifié. Ils souhaitent également que cette démarche déclenche un électrochoc moral et institutionnel sur le rôle que joue la France dans les grandes instances internationales, notamment au Conseil de sécurité de l’ONU.
Fractures au sein de l’armée israélienne
Pendant ce temps, sur le terrain, des signes de rupture apparaissent au sein de l’armée sioniste elle-même. De plus en plus de soldats, notamment des réservistes, refusent d’être mobilisés pour cette guerre qu’ils estiment interminable et moralement injustifiable. Le quotidien The Telegraph a récemment rapporté que le taux de participation à la mobilisation est tombé à 60 %. Le capitaine Ron Feiner, 26 ans, incarne cette fronde. Condamné à 25 jours de prison pour avoir refusé de reprendre le service, il déclare : « Quand j’ai vu les images d’enfants palestiniens déchiquetés, j’ai compris que cette guerre n’avait plus rien de défensif. » Ce genre de témoignage alimente une contestation croissante de l’intérieur, qui dénonce l’instrumentalisation politique du conflit par Benjamin Netanyahou.
Une guerre pour la survie politique de Netanyahou ?
Pour certains analystes sionistes, comme Eran Etzion, ancien haut responsable de la sécurité nationale, cette guerre est désormais motivée par des intérêts personnels. Netanyahou chercherait avant tout à préserver sa coalition d’extrême droite et à éviter les conséquences judiciaires de ses propres affaires. Etzion affirme : « La guerre se poursuit moins pour des raisons sécuritaires que pour des raisons de survie politique. » Malgré les déclarations du chef d’état-major israélien Eyal Zamir, selon lesquelles les objectifs militaires sont globalement atteints, Netanyahou continue de marteler qu’il faut « éradiquer totalement le Hamas ». Une position radicale qui isole davantage Tel-Aviv sur la scène internationale, y compris parmi ses alliés traditionnels.
La pression diplomatique s’accroît
La plainte des avocats français intervient dans un climat international de plus en plus critique à l’égard d’Israël. Des pays comme le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni et même la France, bien que tardivement, ont commencé à exprimer leurs inquiétudes sur les conséquences humanitaires du siège de Ghaza.
La famine, les destructions d’hôpitaux, et le ciblage de civils commencent à fissurer le soutien diplomatique aveugle dont bénéficiait Israël jusqu’ici. En France, cette plainte symbolise un tournant : celui d’une société civile qui ne veut plus que son État cautionne l’inacceptable. Elle appelle à une redéfinition profonde de la diplomatie française et à un usage plus responsable de son droit de veto à l’ONU, censé garantir la paix et la sécurité dans le monde.
Une justice internationale à l’épreuve
Au-delà du cas français, cette affaire soulève une question de fond : les démocraties occidentales peuvent-elles continuer à soutenir des régimes ou des politiques meurtrières sans jamais être tenues pour responsables ? La plainte vise donc aussi à tester la crédibilité de la Cour pénale internationale, trop souvent critiquée pour sa lenteur ou son inaction dans les conflits impliquant les puissances occidentales.
Le monde observe désormais si la CPI saura faire face à cette demande pressante de justice, dans un dossier où les principes du droit international sont mis à rude épreuve.
M. Seghilani