À l’heure où l’occupation israélienne poursuit une campagne de destruction massive contre Ghaza, les voix solidaires des Palestiniens à travers le monde subissent à leur tour une vague de répression. En France comme aux États-Unis, les autorités ont engagé des actions ciblées contre des militants, des universitaires et des organisations qui dénoncent l’impunité d’Israël.
En France, l’organisation Urgence Palestine, fondée pour porter la voix des Palestiniens dans l’espace public, fait face à une procédure de dissolution engagée par le ministère de l’Intérieur. Créée en pleine intensification du conflit à Ghaza, l’association avait organisé plusieurs manifestations à Paris et dans d’autres villes françaises pour dénoncer l’ampleur des massacres. Mais cette mobilisation a été rapidement confrontée à une série de mesures restrictives. Le 29 avril dernier, urgence Palestine a reçu une notification officielle de dissolution, fondée, selon ses responsables, sur des accusations fallacieuses. Omar Sloumi, cofondateur de l’organisation, a dénoncé une tentative de criminaliser une association pacifique : « On nous accuse injustement de haine et d’apologie de la violence. Le gouvernement veut faire croire que nous sommes une organisation extrémiste, alors que nous n’avons fait qu’exprimer notre indignation face à une guerre d’extermination ». Sloumi affirme que la décision des autorités françaises intervient alors que la population de Ghaza est soumise à des attaques incessantes, et que la priorité semble être d’étouffer toute voix critique en France. L’association prévoit désormais de contester la décision par tous les moyens juridiques disponibles. Cette répression s’inscrit dans un climat plus large de criminalisation du soutien à la cause palestinienne en France. Plusieurs figures publiques ayant dénoncé les attaques israéliennes ont été interpellées, sanctionnées ou condamnées. En janvier 2024, le politologue François Burgat s’est vu réclamer huit mois de prison avec sursis et une amende de 4 000 euros pour des publications sur les réseaux sociaux jugées hostiles à Israël. Pendant ce temps, aux États-Unis, le mouvement étudiant pro-palestinien est également dans le viseur des autorités. Jeudi dernier, la police de New York a procédé à l’arrestation de 14 manifestants, dont sept ont été convoqués pour des infractions mineures, sur le campus du Brooklyn College, affilié à la City University of New York (CUNY). Les manifestants avaient érigé un campement pour dénoncer l’implication des institutions universitaires dans la politique israélienne, appelant au désinvestissement, au boycott, à la démilitarisation et à la solidarité avec le peuple palestinien. Les tensions ont dégénéré en affrontements avec la police, entraînant l’usage de tasers et au moins un blessé. L’administration du Brooklyn College a annoncé la fermeture anticipée du campus pour le reste de la journée de vendredi, avec un passage à l’enseignement à distance. Ces arrestations surviennent dans un contexte plus large de mobilisation sur les campus américains, où les appels au boycott académique d’Israël prennent de l’ampleur. La veille, près de 80 étudiants avaient été arrêtés à l’Université Columbia, bastion historique des luttes étudiantes.
Un climat d’intimidation général
Ces événements témoignent d’un durcissement autoritaire croissant face à une opinion publique de plus en plus sensible à la cause palestinienne. Loin de marginaliser les mobilisations, cette répression pourrait bien renforcer la détermination des militants. Comme le souligne un observateur indépendant : « Le problème n’est plus simplement Israël, mais le système international qui protège son impunité tout en muselant ceux qui la dénoncent».
En France comme aux États-Unis, la bataille pour la Palestine se mène désormais aussi sur le terrain des libertés publiques, avec un enjeu clair : peut-on encore défendre la justice sans être criminalisé ? La réponse, pour beaucoup, réside dans la rue — et dans une solidarité mondiale qui refuse de se taire.
M. Seghilani