Les experts africains de pays qui étaient anciennement sous occupation coloniale française estiment que c’est une insulte, une « honte pour toute l’Afrique », que les réserves d’or de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qui ont connu une hausse spectaculaire en 2024, soient stockées à l’extérieur du continent, et pire, en France, à Paris.
Ils font savoir que la valeur des avoirs en or de la BCEAO ont franchi la barre symbolique des 2530 milliards de francs CFA (4,37 milliards de dollars). Cette progression de 38% par rapport aux 1831 milliards FCFA (franc de la Communauté financière africaine) enregistrés l’année précédente s’explique principalement par l’envolée du cours de l’once d’or, passé de 1,2 à 1,66 million FCFA, tandis que le volume des réserves est resté relativement stable à 1,52 million d’onces. Les experts africains affirment que la réserve française a généré en 2024 une plus-value latente de 485,6 milliards FCFA, sur les 700 milliards de revalorisation globale du stock d’or de la BCEAO sur l’année. Il s’agit, font-ils constater, d’un effet comptable significatif qui vient renforcer discrètement les fonds propres de l’institution sans gonfler artificiellement son résultat net. Pour les militants panafricanistes et certains économistes, cette situation est un symbole persistant de dépendance postcoloniale. Ils formulent les mêmes critiques pour dénoncer l’utilisation du franc CFA, une « monnaie coloniale » adossée à l’euro, toujours en vigueur dans les pays de l’UEMOA (le Bénin, le Burkina, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo constituent l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine). « La France se nourrit du sang de l’Afrique francophone », accusent-t-ils. Ils trouvent que même les réformes entreprises par la BCEA ne visent autre chose que « nous enchaîner pour nous vendre à la France, vendre notre développement et notre souveraineté ». Pour rappel, le franc CFA a été créé le 26 décembre 1945. À l’origine, il signifiait « franc des Colonies françaises d’Afrique ». Selon les sites spécialisés, il change de nom en 1958 et devient franc de la Communauté française d’Afrique ; puis franc de la Coopération Financière en Afrique centrale (en ce qui concerne les pays de la CEMAC) et franc de la Communauté Financière d’Afrique (pour les pays de l’UEMOA) ; le franc CFA dispose depuis 1999 d’une parité fixe avec l’euro. Dans les pays concernés des voix s’élèvent, depuis plusieurs années, pour exiger la suppression du franc CFA et la création d’une nouvelle monnaie.
Selon certaines sources, le Franc CFA, monnaie-vestige de la colonisation, sera remplacé en 2027 par l’Éco. Les panafricanistes estiment qu’il est nécessaire pour les pays africains de se séparer du Franc CFA pour créer leur propre monnaie. Ils rappellent que l’intégration monétaire en Afrique de l’Ouest est une priorité stratégique pour la CEDEAO, et expliquent que la mise en place de la monnaie unique, l’ECO, a été maintes fois reportée (2003, 2005, 2009, 2015, 2020) en raison des difficultés à satisfaire les critères de convergence. Selon eux, le lancement de la monnaie unique est désormais prévu pour 2027, bien que de nouveaux reports restent envisageables.
Le franc CFA cristallise les débats autour de l’influence française, alors que la monnaie est unanimement considérée comme un « marqueur essentiel » de souveraineté. Les experts font remarquer que « le nœud de l’économie, c’est la monnaie, c’est l’indépendance monétaire ». Dans ce sens, estiment-ils, la lutte contre le franc CFA est indissociable de l’indépendance réelle des États africains. La solution, selon eux : rompre avec un système où la France conserve un droit de veto au sein de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), et où une partie des réserves est stockée à Paris.
M. R.