Le football algérien a encore vécu une nuit de cauchemar. La victoire du MC Alger à Biskra, samedi soir, a été entachée par une tragédie sur le chemin du retour. Entre guet-apens, violences physiques, jets de pierres et drames humains, la passion pour le football se transforme de plus en plus en terrain de haine. Une situation alarmante qui interroge la responsabilité des autorités compétentes.
La nuit du 20 avril 2025 restera gravée dans les mémoires des supporters du MC Alger, marquée par une tragédie insoutenable. Alors qu’ils rentraient à Alger après une précieuse victoire contre l’US Biskra (1-0), les fans du Doyen ont été la cible d’attaques violentes à Ben Srour (M’sila) et à Bir Naam (Ouled Djellal), dans des circonstances d’une extrême gravité. Ce qui devait être un retour triomphal s’est transformé en une nuit de terreur.
L’agression a atteint son paroxysme à Bir Naam, où un jeune supporter du nom de Sofiane Ramadan. Âgé de 27 ans, passionné du club depuis l’enfance, Sofiane avait fait le déplacement comme tant d’autres jeunes en quête de frissons et d’émotions. Le convoi des supporters a été piégé dans un véritable guet-apens tendu par un groupe d’individus cagoulés. Les assaillants ont utilisé des cocktails Molotov artisanaux, visant les bus du convoi. Deux véhicules transportant des supporters du MCA ont été entièrement calcinés.
Parallèlement, des jets de pierres ont visé non seulement les véhicules du cortège mouloudéen, mais aussi des bus interwilayas transportant des familles sans lien avec le football. Ce déferlement de violence, aveugle et organisé, aurait pu faire un carnage encore plus dramatique. La mort de Sofiane, blessé à la tête par un projectile selon des sources locales, est venue plonger la communauté du MC Alger dans une profonde tristesse.
Le choc est immense. D’autant que ce drame n’est pas un cas isolé. Il s’ajoute à une longue liste de tragédies liées au football algérien. L’an passé, Yacine Seghiri, un autre supporter du MCA, est décédé après avoir été atteint par un projectile lancé à la sortie du stade. Plus encore, les souvenirs du drame de Magra sont encore frais : un autre jeune fan mouloudéen avait perdu la vie dans des circonstances similaires. Là encore, l’affaire est restée sans suites judiciaires concrètes.
Des appels à la haine qui précédaient le drame
Le pire dans cette histoire ? Ce drame était prévisible. Plusieurs pages sur les réseaux sociaux, connues pour leur hostilité envers les supporters du MCA, ont déversé pendant des jours des appels explicites à la haine, à l’agression, à l’affrontement. Et une fois les violences déclenchées, ces mêmes comptes ont continué, certains allant jusqu’à glorifier la mort de Sofiane, à partager des images sordides, à s’en réjouir.
Comment peut-on tolérer cela ? Où sont les autorités compétentes ? Où sont les services de cybercriminalité pour identifier, interpeller, et condamner ceux qui instrumentalisent un match de football pour appeler au meurtre ? Il ne s’agit plus de rivalité sportive, mais bien de terrorisme social.
Mesures inefficaces, indignation croissante
Face à l’indignation croissante dans l’opinion publique, la Fédération algérienne de football a annoncé la tenue d’une réunion d’urgence. Elle a convoqué les présidents des clubs de Ligue 1 pour tenter de trouver des solutions à cette spirale de violence qui semble désormais hors de contrôle. Le président Walid Sadi, longtemps critiqué pour son mutisme face aux précédents drames, a promis des décisions fermes. L’une d’elles concerne le retour de l’interdiction de déplacement des supporters visiteurs, comme cela avait été appliqué la saison dernière. Une mesure qui, pourtant, avait déjà montré ses limites.
En effet, interdire le déplacement des fans ne résout en rien les causes profondes du problème. La violence ne se manifeste pas uniquement dans les stades. Elle s’exprime de plus en plus sur les routes, dans les gares routières, sur les réseaux sociaux, et même dans les discours de certains influenceurs locaux. Cette cyberviolence, bien souvent tolérée, alimente une culture de l’impunité.
Un appel à la responsabilité collective
La direction du MC Alger, via un communiqué officiel, a condamné avec la plus grande fermeté les agressions dont ont été victimes ses supporters. Elle a exigé l’ouverture d’une enquête sérieuse, non seulement pour retrouver les coupables physiques, mais aussi pour poursuivre en justice les administrateurs des pages incitatrices à la haine. Le club appelle également les autorités à renforcer la sécurité des déplacements de supporters, à structurer les groupes de fans et à initier un travail de fond pour désamorcer la violence dans les stades. Les images des bus brûlés, de jeunes en sang ou en larmes, et de corps allongés au sol ont bouleversé les réseaux sociaux. Des messages de solidarité ont afflué, y compris de clubs rivaux. Pourtant, cette compassion ne suffit plus. Le football algérien est malade, et il faut un électrochoc pour le sauver. Les stades devraient être des lieux de fête, pas des terrains de guerre. Le silence des autorités judiciaires, leur lenteur à statuer sur les précédents dossiers, et l’inaction des instances sportives ont nourri un sentiment d’impunité.
Il est désormais indispensable que tous les responsables de cette tragédie soient identifiés, traduits en justice et sévèrement condamnés. Il ne peut y avoir aucune tolérance envers ceux qui ont appelé à la haine, envers ceux qui ont organisé et exécuté les violences, et surtout envers ceux qui ont glorifié ces actes abjects après coup sur les réseaux sociaux. Ne pas agir aujourd’hui, c’est cautionner la prochaine tragédie.
La FAF envisage désormais un renforcement des mesures de sécurité, notamment autour des enceintes sportives, ainsi que la relance d’un projet longtemps oublié : celui des comités de supporters encadrés et reconnus, qui pourraient jouer un rôle essentiel de médiation. Mais ces annonces arrivent bien tard. Trop tard pour Sofiane et sa famille.
Le football est censé rassembler. En Algérie, il continue de tuer. Jusqu’à quand ?
Mohamed Amine Toumiat