Révélée il y a un peu plus de deux ans, en décembre 2022, l’affaire connue sous le nom de Marocgate, qui désigne un réseau de corruption impliquant des eurodéputés «achetés» par le Makhzen, connaît, ces jours-ci, un nouveau rebondissement.
Pour rappel, au centre du Marocgate, il y a la volonté du Makhzen d’empêcher tout vote du Parlement européen favorable au Sahara occidental. Dans ce but, le Maroc a recouru à des pots-de-vin pour corrompre des eurodéputés et des responsables au sein du Parlement européen en vue de passer sous silence, d’une part, l’exploitation des richesses du Sahara occidental et, d’autre part, les violations des droits humains tant au Maroc qu’au Sahara occidental. Selon le site la Libre.be, citant le quotidien bruxellois Le Soir, des intellectuels et journalistes marocains viennent de décider de poursuivre devant la justice belge le régime marocain pour avoir soudoyé des eurodéputés, dans le but de faire passer sous silence les violations des droits humains au Maroc et dans les territoires sahraouis occupés. Selon le média belge, l’opposant Ali Reda Ziane, fils de l’ex-ministre et célèbre avocat marocain, Mohammed Ziane, des journalistes Omar Radi, Soulaimane Raissoumi et Hicham Mansouri, ainsi que le militant des droits de l’Homme, Fouad Abdelmoumni, ont « d’ores et déjà mandaté l’avocat parisien Mohamed Jaite et sa consœur bruxelloise Delphine Paci pour porter leurs constitutions de parties civiles et donc les représenter devant la chambre des mises en accusation qui, à Bruxelles, a la charge de contrôler la légalité de l’instruction ouverte en 2022 ». Ils ont fait savoir que « la première audience aura lieu le 7 janvier prochain ». Toujours selon le média bruxellois, qui rapporte les propos de l’avocate Delphine Paci, « les plaignants ont affirmé que les préjudices occasionnés par les actions d’ingérence menées par les (eurodéputés inculpés) et par les organismes grâce auxquels ils sévissaient – dont l’ASBL Fight Impunity – pour favoriser les politiques publiques menées par le Maroc, sont gravissimes ». « Ils ont par exemple légitimé la répression faite à l’égard des militants des droits de l’Homme marocains et sahraouis », a ajouté l’avocate. En décembre 2022, juste après l’éclatement du Marocgate, l’ancien émissaire de l’ONU pour le Sahara occidental (2005-2007), Francesco Bastagli, sans doute parfait connaisseur des mœurs du Makhzen, avait fait savoir que le lobbying auprès des organisations internationales, l’Union européenne (UE) en particulier, est une « ancienne tradition » chez le régime marocain, qui s’appuie sur « un groupe d’amis bien articulé » gravitant autour du Parlement européen pour son compte en contrepartie de sommes d’argent et autres. Il existe en Europe « une sorte de groupe d’amis qui gravite autour du Parlement européen (au profit notamment du Maroc), et ce sont des parlementaires eux-mêmes qui canalisent depuis longtemps les intérêts illicites de leurs sponsors, pour soutenir leurs agendas au sein de l’institution européenne », avait-il indiqué. Ce groupe d’amis fait en sorte, selon lui, « de faciliter également l’identification des parlementaires qui pourraient être – en raison de la nature de leurs fonctions et responsabilités au sein du Parlement – d’une plus grande utilité pour leurs clients et crée des occasions où ces parlementaires peuvent être approchés par le biais de rencontres sociales, de missions de visite ou autres ». Francesco Bastagli avait ajouté que, s’agissant de la question sahraouie, le lobbying marocain intervient non seulement dans l’UE mais aussi auprès des Nations unies, car au niveau onusien, le conflit du Sahara occidental est considéré comme une question de décolonisation inachevée, avait-il noté. C’est ainsi que le Maroc a toujours réussi à empêcher l’ONU de faire respecter son obligation d’organiser un référendum d’autodétermination au Sahara occidental, avait-il fait remarquer.
M’hamed Rebah